En 2019 était décidée la réhabilitation d’une bonne partie de l’Arlequin et la démolition de deux montées, les 20 et 160 galerie de l’Arlequin. Tout un pan, notamment la crique centrale, demeurait en revanche dans l’expectative. L’Agence nationale de rénovation urbaine a rendu son verdict : elle ne valide la réhabilitation que de certaines montées.
Sera rénové ? Ne le sera pas ? À l’Arlequin, la rénovation des logements tient un peu de la loterie. La plupart des montées devraient être réhabilitées mais certaines n’ont pas eu la chance d’être sélectionnées au grand tirage.
La convention du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU, lire l’article L’Anru rejette en partie le projet de rénovation de la Villeneuve), signée en 2019, actait la réhabilitation d’une bonne partie de l’Arlequin mais la démolition de deux montées, les 20 et 160 galerie de l’Arlequin (voir le schéma ci-dessous). Surtout, elle refusait de statuer sur l’avenir de certaines montées et laissait à une « clause de revoyure » le « traitement des montées de la crique centrale », c’est-à-dire les 60 sud, 90, 110 et 120 galerie de l’Arlequin, ainsi que la montée du 10 galerie de l’Arlequin.
Cette clause de revoyure a été négociée ces derniers mois entre la Ville et la Métro d’un côté et l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) de l’autre. L’Anru a rendu son verdict courant mars : les 10, 60 sud et 90 galerie de l’Arlequin seront donc réhabilités. Actis, bailleur social du 60 et du 90, a déjà lancé avec l’entreprise Bouygues des études pour la future rénovation. Pour se plier à la volonté de l’Anru de réduire le nombre de logements sociaux à l’Arlequin, les logements les plus bas du 90 pourraient être transformés en bureaux.
Déjà menacé de démolition en 2016 – une étude menée par l’architecte en chef comparait les bénéfices et désavantages des démolitions du 20 et du 90 galerie de l’Arlequin, optant pour celle du 20 – le 90 sauve donc sa peau. Ou plutôt, il est sauvé par la présence du Patio, vaste bâtiment public municipal à ses pieds, dont le coût de démolition/reconstruction serait faramineux. Et impossible de démolir le 90 sans démolir le Patio. Quant au 10 galerie de l’Arlequin, vide depuis plusieurs mois, le projet vise à multiplier les types d’habitat : logement social, accession à la propriété, habitat participatif, voire résidence étudiante.
Quel avenir pour les 110 et 120 galerie de l’Arlequin ?
La réhabilitation de ces trois montées est une semi-victoire. Victoire car les deux porteurs de projet, la Ville et la Métro, avaient fait le pari de montrer à l’Anru, toujours friande de démolitions de logements sociaux, que la réhabilitation des premières montées de l’Arlequin donnait de bons résultats, selon les critères de l’agence, notamment en terme de mixité sociale. Victoire également car l’Anru ne conditionne pas le financement de la réhabilitation de ces montées à l’acceptation de la démolition d’autres montées, comme elle l’avait fait pour le 20 galerie de l’Arlequin. Semi car la Ville et la Métro avaient soumis à l’Anru la réhabilitation de toutes les montées de la crique centrale, c’est-à-dire aussi les 110 et 120 galerie de l’Arlequin, qui regroupent 180 logements du bailleur social Actis. Mais elles ont essuyé un refus de la part de l’Anru, en deux temps, sans pour autant que celle-ci ne réclame la démolition des deux montées. Alors qu’il devait faire partie de la clause de revoyure, le 120 galerie de l’Arlequin n’a même pas été intégré dans le dossier final, les premiers échanges avec l’Anru montrant que l’agence ne financerait de toute façon pas sa réhabilitation. Mais, au grand dam des deux porteurs de projet et malheureusement pour les locataires, l’Anru a finalement aussi refusé de financer la rénovation du 110.
Rien d’étonnant à cela. En vue des négociations sur la clause de revoyure, l’agence a missionné Alain Marguerit, un paysagiste montpelliérain qui fut l’élève du paysagiste du parc de la Villeneuve Michel Corajoud, pour étudier différents scénarios de démolition de logements sociaux. Dans son étude de mai 2022, le paysagiste a eu la main lourde sur les propositions, présentant même des scénarios complètement loufoques : un scénario offrait ainsi de démolir les 130 et 140 galerie de l’Arlequin, dont la rénovation – financée par l’Anru – devrait bientôt commencer… Quoiqu’il en soit, le scénario retenu par l’Anru pour servir de base à ses analyses était celui de la démolition du 110 et du 120 galerie de l’Arlequin.
De son côté, toujours en mai 2022, le cabinet d’architecture Passagers des villes, en charge du projet de rénovation urbaine depuis 2016, a été missionné par la Ville et la Métro pour étudier l’évolution de la crique centrale. Avec là aussi, dans certains scénarios, des démolitions, certes dans une moindre mesure que l’étude Marguerit. Les trois scénarios étaient : sans démolition, démolition d’une partie du 120 galerie de l’Arlequin ou démolition de la totalité du 120, avec en plus la démolition de la crèche Villeneuve, située au pied du 120. La Ville et la Métro avaient finalement présenté à l’Anru le scénario sans démolition de logements sociaux mais avec démolition de la crèche Villeneuve.
Actis ne fermerait toutefois pas la porte à une réhabilitation du 110, mais devra trouver des financements alternatifs à l’Anru. En revanche, rien n’est prévu pour le 120. Contacté par Le Crieur, le bailleur social n’a pas souhaité répondre dans l’immédiat sur ces « sujets un peu sensibles ».
Les locataires des montées concernées par la clause de revoyure ont été complètement laissés à l’écart de ces négociations, sans en être informés. La réhabilitation de la majeure partie de l’Arlequin, sauf du 110 et du 120, ferait des habitants de ces montées des locataires de seconde zone.
Nouveau Patio, pas de Centrale
Côté équipements, les demandes de la Ville et de la Métro étaient ambitieuses : rénovation du Patio, du gymnase de la Rampe, de l’ancienne piscine Iris, pour en faire un lieu de bien-être, et de l’ancienne centrale d’aspiration des déchets (rue Dodero) pour en faire un lieu dédié à la culture, la Centrale des arts populaires. L’Anru finance certes la réhabilitation des trois premiers lieux mais refuse celle de la Centrale.
Enfin, sur les aménagements, l’Anru valide le réaménagement de l’esplanade de la crique centrale, où les herbes folles s’égaillent depuis plusieurs années, ainsi que son prolongement de l’autre côté du tram, une fois le foyer Adoma démoli.
Pour l’ensemble du projet, l’Anru apportera 13 millions d’euros de subventions, auxquels s’ajoutent 15 millions d’euros de prêts. L’ensemble des chantiers devront commencer en 2026 au plus tard. Un forum d’information sur le projet de rénovation urbaine se tiendra mardi 27 juin de 17 h 30 à 20 h 30, devant le Patio. Le Crieur s’est vu refuser par l’Anru la communication de l’avis du comité d’engagement de l’agence sur cette clause de revoyure, au motif que « le document [n’était] pas public ». La Ville de Grenoble et la Métro n’ont pas répondu à la sollicitation du Crieur de la communication de cet avis.
Et pour les travaux déjà prévus ?
Courant 2023 devraient débuter les travaux de réhabilitation du 30 et du 140 galerie de l’Arlequin (propriétés tous deux de la SDH) ainsi que la construction du nouvel équipement dédié à la jeunesse, à proximité du tram. La réhabilitation des montées en copropriété, inclues dans le plan de sauvegarde, (80, 100, 130, 150 et 170 galerie de l’Arlequin) suivront plus tard. La réhabilitation des trois tours du Village Olympique, rue Dodero, elles aussi propriété de la SDH, devrait aussi commencer prochainement.
2 Commentaires
Goïtré Annette dit: 23 juin 2023 à 18 h 14 min //
Merci au Crieur pour cet excellent résumé qui met en scène la stratégie de l’Anru et des Politiques engagés dans une destruction sociale sans précédent .
Mamsnad dit: 17 mars 2024 à 1 h 20 min //
Je cela dégueulasse rénovation des autres montées et laisser les autres dans un salle état.