Hamouda, primeur de Villeneuve
Hamouda à son stand, sur la place du marché de la Villeneuve. (photo : BB, Le Crieur)

Tous les jours, sauf le lundi, il est présent sur la place du marché avec son stand de fruits et légumes. À son compte depuis 1998, Hamouda Seoud fait partie des figures du quartier. Le primeur et ses « Dis-moi tout ? » sont mêmes devenus des gimmicks. Le Crieur l’a rencontré, lui qui vend des salades mais n’en raconte pas.

À peine huit heures sur la place du marché de la Villeneuve. Hamouda Seoud et Sabri, son employé, finissent d’installer les caisses de fruits et légumes. Les premiers clients se succèdent depuis déjà longtemps. Une habitude pour le primeur. « Ça fait 20 piges que je fais ça ! », explique Hamouda Seoud. Il est devenu primeur presque par hasard : « Je suis né ici, en 1973. J’étais au collège dans le quartier, là où il y a le Patio maintenant. À presque 15 ans, j’ai commencé à travailler avec Charly, un des primeurs du marché. Le midi, j’aidais à ranger. J’avais juste envie de gagner un peu d’argent, comme tous les ados, pour le scooter ! »

« Fin 1998 – début 1999, Charly voulait changer de vie et il m’a vendu l’affaire. Quand il a vendu, je ne voulais pas acheter, j’étais jeune, mais mon père m’a forcé [rires] ! On a travaillé 10 ans ensemble, avec mon frère Azzedine. Maintenant, il est primeur à l’Estacade. Moi je suis resté ici. » L’affaire familiale continue puisque son neveu l’aide de temps en temps.

Ce n’est pas nouveau, primeur est un métier pour lève-tôt. « On commence à 3 heures du matin, donc lever à 2 h 30. » Direction le MIN (marché d’intérêt national, marché de gros rue des Alliés). « Le MIN, à 5 heures du matin, c’est vivant, même s’il y a de moins en moins de grossistes. On arrive sur la place du marché à 6 heures, on installe et on est prêt à 8 heures. On remballe vers 12 h 30 et on est de retour à la maison à 15 heures. Ça fait de longues journées. En plus, quand c’est la saison, l’après-midi on descend voir les producteurs en Isère ou dans la Drôme pour les fraises, les tomates. »

Le stand d’Hamouda, c’est un commerce de proximité. Une cliente vient ainsi acheter ses deux avocats quotidiens. « Ce sont surtout des achats ponctuels. Les gens viennent un peu tous les jours, dès qu’ils ont un besoin. »

Hamouda, il connaît tous ses clients par leur prénom !

« Pour être un bon primeur, il faut bien conseiller les clients, être à l’écoute et connaître ses produits. Le relationnel joue beaucoup. Vendre, c’est bien, si le client revient, c’est mieux ! » Une cliente, habitante à l’Arlequin, ne dit pas le contraire : « Hamouda, tout le monde l’aime bien ! J’ai été manger chez un ami, il m’a dit : « Hamouda, il connaît tous ses clients par leur prénom ! » »

« J’ai des clients fidèles. Des gens qui ont déménagé mais qui continuent à venir. Avant, les bornes pour les voitures étaient ouvertes de 6 heures à 13 h 30, donc ils pouvaient venir en voiture. Maintenant, elles sont tout le temps fermées, c’est impossible pour eux de venir. »

Deux jours par semaine Hamouda est le seul commerçant sur la place du marché. Les autres jours, d’autres sont présents (lire encadré ci-contre), pour certains depuis de nombreuses années. « Entre commerçants, on s’aide. Philippe [Philippe Delportes, maraîcher qui vient le mercredi et le samedi, ndlr], il venait déjà quand je travaillais avec Charly. Danièle, la volaillère, aussi. C’est dur d’être seul, surtout que plus on est de vendeurs, plus on travaille. »

Marchés de la Villeneuve
Du mardi au dimanche : Hamouda, primeur.
En plus :
– mercredi matin : Philippe, maraîcher ; pain bio ; GIE du Trièves (volaille, farine) ; épices et aromates
– jeudi matin : épicerie italienne
– jeudi après-midi : bazar et primeurs
– samedi matin : Philippe, maraîcher ; pain bio ; Danièle : volailles et viande halal.

Mémoire vivante

Plus que des commerçants, ils sont la mémoire vivante d’un quartier. « Villeneuve, ça a changé. À l’époque, il y avait du monde : des médecins, des archis, des gens aisés. Avec Charly on bossait très très bien. Après, ces gens sont partis, ça s’est ressenti… Heureusement qu’il y a les clients fidèles ! T’imagines, si nous on part ? Qui va venir ici ? Nous, on fait tout pour garder le quartier. » La concurrence aussi a changé : « Avant, le marché de la Villeneuve était un gros marché de Grenoble. Il y avait dix commerçants tous les jours, dont plusieurs primeurs. Il n’y avait que Carrefour à proximité, pas d’autres supermarchés. Maintenant, tout le monde vend des légumes… »

En 40 ans, Hamouda a vu le quartier changer. « La démolition des parking-silos pour en reconstruire de nouveaux, bof… Ouvrir, c’est bien, mais ce sont les commerces qu’il faut mettre en valeur, c’est pas en cassant les immeubles qu’on va améliorer les choses ! Avant, il y avait tout ici, les commerces. On dirait qu’ils veulent faire de Villeneuve un dortoir. Ils mettent des millions d’euros mais il n’y a rien pour les commerçants… »

Hamouda continuera-t-il à voir le quartier changer ? « Tant que ça marche, je continue. Je suis content de faire ce métier ! Sabri, peut-être qu’il me succédera, en tout cas c’est déjà une star dans le quartier ! »