« Il faut réveiller les consciences »
La caravane de Pas sans nous a fait escale à la Villeneuve de Grenoble le 18 novembre, avant de s’arrêter à la Villeneuve d’Échirolles le lendemain. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Pas sans nous était de passage à Villeneuve pour recueillir les revendications des habitants afin qu’ils ne soient pas les oubliés de la prochaine élection présidentielle.

Des barnums, des tracts, une sono et… un camping-car ! Bienvenue sur le stand de Pas sans nous, sorte de syndicat des quartiers populaires. La coordination nationale (lire encadré ci-dessous) a initié un tour de France, sous le nom « Nos quartiers ont de la gueule ! », à la rencontre des habitants des quartiers populaires. Jeudi 18 novembre, les membres de Pas sans nous faisaient escale à Grenoble, au marché de la Villeneuve, et à Échirolles le lendemain.

Objectifs de cette caravane qui sillonne la France depuis le 29 octobre : « susciter les débats, appuyer les luttes locales, recueillir la paroles des habitants des quartiers populaires ». Les membres de Pas sans nous font ainsi remplir des questionnaires aux chalands pour connaître leurs revendications avec un credo : les citoyens sont experts de leur vie.

Pas sans nous
Aux origines de la coordination nationale Pas sans nous, le rapport commandé par François Lamy, alors ministre de la Ville du président de la République François Hollande, au militant associatif Mohamed Mechmache et à la sociologue Marie-Hélène Bacqué. Ce rapport, « Pour une réforme radicale de la politique de la Ville », sera remis en juillet 2013 et comportera 30 propositions, précédées d’une proposition « zéro », celle d’accorder le droit de vote aux étrangers. Il préconise « l’empowerment », c’est-à-dire l’autonomisation et l’émancipation des habitant·e·s des quartiers populaires.

En février 2014, la loi Lamy, rejettera l’essentiel du rapport et ne retiendra qu’une idée : la mise en place de conseils citoyens dans les quartiers politique de la Ville. Les associations rencontrées pour la rédaction du rapport Mechmache-Bacqué, déçues par la loi Lamy, décideront alors de créer la coordination Pas sans nous et Mohamed Mechmache en deviendra le président. C’est désormais une association loi 1901 basée à L’Île-Saint-Denis, en Île-de-France.

« Nous, les habitants des quartiers, on sert de réservoir de coupables. C’est toujours la faute de l’immigration. Aujourd’hui, c’est au politique qui sera le plus raciste ! », interpelle Mohamed Mechmache, le président de Pas sans nous. « Mais dans nos quartiers, malgré l’injustice sociale, on a vu des choses positives, une réelle solidarité pendant la crise du covid. Les habitants des quartiers ont continué à faire tourner le pays. » Le militant appelle à voter lors des prochaines élections : « Il faut continuer à se mobiliser, repolitiser certains sujets, réveiller les consciences. »

« Il y a besoin d’aller à la rencontre des gens »

Une quarantaine de personnes se sont arrêtées au cours de l’après-midi pour remplir un questionnaire. Widad, qui vient du quartier voisin, approuve la démarche : « On a besoin de cette initiative. Ce n’est pas souvent qu’il y a des actions comme cela, d’aller à la rencontre des gens. Les membres du gouvernement, on ne les voit pas. »

Pour Sofia, qui s’est elle aussi attardée sur le stand, « C’est important de participer. Je trouve que les habitants sont toujours les derniers à être informés de ce qu’il se passe dans le quartier, des rénovations, des démolitions. J’aimerais bien que sur ces questions, ce soient les habitants qui décident, que leur parole soit prise en considération. », témoigne-t-elle.

Le camping-car, emblème du tour de France. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Celle qui se décrit comme « toujours impliquée dans la vie du quartier » pense que « dans les médias, surtout pendant les élections, on ne parle que des mauvais côtés des quartiers : l’insécurité, le chômage, la drogue. On ne parle des gens qui y habitent qu’en négatif. Pourtant il y a des gens qui ont réussi leur vie, des professeurs, des médecins ! »

Dans son questionnaire, elle a mis en avant trois thèmes : « la santé ; les inégalités subies par les immigrés, mais aussi entre les hommes et les femmes, ainsi que les inégalités face au travail ; la scolarité. »

En fin d’après-midi, Éric Piolle, maire de Grenoble, et Chloé Pantel, élue du secteur, ont fait un arrêt au stand. Précisons que Mohamed Mechmache est un soutien de Piolle depuis de nombreuses années, encore dernièrement lors de sa candidature à la primaire écologiste. La venue du maire n’a pourtant pas fait que des heureux. Un membre de l’association Droit au logement (DAL) présent critiquait ainsi le fait que « le maire n’avait rien fait pour aider le RIC [référendum sur les démolitions de logements sociaux à l’Arlequin, en octobre 2019, lire l’article « Pour ou contre les démolitions de HLM ? »] », pourtant symbole du pouvoir d’agir prôné par Pas sans nous. Une habitante ne cachait pas d’être excédée du décalage, selon elle, entre ce « coup de com’ de Piolle » et le sentiment d’abandon des habitants des quartiers sud de Grenoble de la part de la mairie.

Du côté de Pas sans nous, un manifeste reprendra les doléances des habitants et sera publié lors d’un rassemblement à Paris le 12 mars, afin de peser sur les débats de la présidentielle d’avril 2022.