Castex, un petit tour et puis s’en va
Le Premier ministre Jean Castex (au centre), entouré de la députée Émilie Chalas, du maire Éric Piolle, du président de la Métro Christophe Ferrari, et de son aréopage, lors de leur arrivée à la Villeneuve. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Le Premier ministre Jean Castex, accompagné de quatre de ses ministres, a fait une brève visite à la Villeneuve, samedi 29 janvier. Après un arrêt au Patio, Jean Castex a abrégé son tour du quartier, sous les huées. La Villeneuve a encore fait parler d’elle. En bien ou en mal ?

Non pas un mais cinq ministres d’un coup. Samedi 29 janvier, une partie du gouvernement était en déplacement à la Villeneuve de Grenoble, bouclée par la police. Jean Castex, le Premier ministre était accompagné par le ministre de la Santé Olivier Véran, le local de l’étape, la ministre de la Ville Nadia Hai, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon et la secrétaire d’État chargée de l’Éducation prioritaire Nathalie Elimas.

Cette « visite au zoo », comme chantait IAM en 1997, intervenait un an après l’annonce d’un plan d’aide de 3,3 milliards d’euros pour les quartiers populaires. Sur ces 3,3 milliards, un milliard avait déjà été annoncé auparavant et provenait du plan de relance (soit… 1 % du plan de relance) de l’économie française suite à la crise sanitaire et sociale due au covid-19. Les 2,3 milliards supplémentaires avaient servis à différentes mesures plus ou moins gadgets : création de nouveaux « quartiers de reconquête républicaine » (davantage de moyens policiers, lire l’article La Villeneuve placée en « quartier de reconquête républicaine »), déploiement de « bataillons de la prévention » (lire l’article Éducs à gogo pour Échirolles), déploiement de maisons France services regroupant différents services publics (lire l’article Visite expresse de la ministre de la Cohésion des territoires au Pimms), extension des cités éducatives (lire l’article Une cité éducative à Villeneuve), un dispositif de suivi des enfants de quartier populaire qui combine les actions de l’Éducation nationale, des services sociaux et des associations locales.

Après une visite de la Villeneuve d’Échirolles, Castex et consorts ont fait un petit tour à celle de Grenoble. Une manifestation, à l’appel notamment de l’association Droit au logement (lire l’article La manifestation contre la venue de Castex maintenue à l’écart), avait été appelée en guise de comité d’accueil. Mais, maintenue loin du Patio par une rangée de policiers qui contrôlaient les entrées de l’Arlequin (enfin, pas toutes, lire l’encadré Toute première fois), Castex n’en a pas vu l’ombre. Un avant-propos du rendez-vous manqué entre le Premier ministre et les habitants du quartier.

Lisez l’article consacré à la manifestation contre la venue du Premier ministre à la Villeneuve.

La délégation ministérielle s’est d’abord rendue au Patio. Au milieu des élus, fonctionnaires et policiers en civil, quelques rares habitants. Jean Castex a eu un long échange avec Éric Piolle sur le projet de rénovation urbaine du quartier, puis a assisté à une présentation des travaux réalisés dans le cadre de la cité éducative par des éducateurs et des jeunes du quartier.

Toute première fois
Ce n’est pas tous les jours qu’un Premier ministre se déplace dans le quartier. C’est aussi la première fois qu’on couvre la venue d’un Premier ministre. Et on a eu bien du mal à le couvrir, ce déplacement. Après avoir suivi la manifestation contre la venue de Jean Castex, on a voulu aller au Patio, où le locataire de Matignon devait arriver. Las, on s’est fait refouler par les pandores galerie de l’Arlequin, au niveau de l’ancien CCAS. Impossible de franchir le cordon, ni comme journalistes, malgré la carte de presse (à propos, la France est 34e au classement mondial de la liberté de la presse), ni comme habitants, malgré la carte d’identité qui prouve qu’on habite ici. Un peu cocasse de ne pouvoir rentrer dans le quartier où on habite et où on travaille… Heureusement, les trous dans la raquette du dispositif policier étaient nombreux, ce qui nous a permis d’atteindre le Patio pile pour l’entrée de Jean Castex. Ce qui nous a aussi permis d’assister à sa sortie sous les huées de manifestants ayant, eux aussi, réussi à contourner le dispositif policier. Ce n’est plus une raquette, c’est une passoire !

Lors de sa prise de parole, Jean Castex a insisté sur la pérennisation de certains dispositifs comme les vacances apprenantes (école ouverte), les cités éducatives ou encore les bataillons de prévention. Localement, la cité éducative, qui auparavant réunissait les deux Villeneuves de Grenoble et d’Échirolles, sera dédoublée : une pour Grenoble, une pour Échirolles. D’autre part, la cité éducative de Grenoble (qui réunit les collèges Olympique et Villeneuve) sera agrandie au collège Vercors.

Une « déambulation » dans le quartier était prévue mais fut vite interrompue. Tout juste ortie du Patio, la délégation ministérielle a été huée par des manifestants, certains habitant le quartier. À peine 200 mètres de parcours avant de regagner piteusement les voitures. Adieu ministre, député, attaché, préfet ! Une scène loin d’être au goût de tout le monde et qui donnait l’impression que la parole des habitants s’est, encore une fois, fait confisquer : « Pour une fois qu’un Premier ministre vient, laissez s’exprimer les habitants des quartiers [populaires]. Vous donnez de nous une image de sauvages ! », se plaignait ainsi une habitante, pas dupe de la mise en scène gouvernementale, aux manifestants. Finalement, Castex n’aura pas vu les habitants et les habitants n’auront pas vu Castex.

La délégation ministérielle quitte le quartier sous les huées, samedi 29 janvier. (images : BB, Le Crieur de la Villeneuve)