Une cité éducative à Villeneuve
Écoles et collège du quartier devraient être inclus dans le « label cité éducative ». (photo : Benjamin Bultel, Le Crieur)

Au hasard d’un communiqué du ministère de l’Éducation nationale, Le Crieur a appris le 2 mai dernier que la Villeneuve avait été pré-sélectionnée pour héberger une « cité éducative ». Quésaco ? Un dispositif dont les contours sont pour l’instant encore flous.

« Les Cités éducatives visent à intensifier les prises en charges éducatives des enfants à partir de 3 ans et des jeunes jusqu’à 25 ans, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire. Elles consistent en une grande alliance des acteurs éducatifs travaillant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : services de l’État, des collectivités, associations, habitants. », énonce le gouvernement. Cet énième dispositif est un reste du plan Borloo pour les quartiers populaires, deuxième du nom, enterré par Emmanuel Macron en mai 2018. 80 quartiers ont été pré-sélectionnés et les mairies ont jusqu’au 30 juin pour déposer le dossier de candidature formel. 60 quartiers seront retenus et se partageront une enveloppe d’environ 34 millions d’euros par an jusqu’en 2022, gérée par un « comité de pilotage » réunissant mairie, préfecture, Éducation nationale et chefs d’établissements.

Grenoble et Échirolles font candidature commune avec une seule « cité éducative » sur les deux Villeneuves. La mairie de Grenoble est peu communicative sur le sujet. Jointe par Le Crieur, Élisa Martin, adjointe aux Parcours éducatifs, estime que « cela n’est tout simplement pas suffisamment clair à cette étape ». Dans la délibération qui sera votée en conseil municipal le 17 juin prochain, que Le Crieur a pu consulter, les objectifs annoncés sont ceux du gouvernement : « améliorer le bien-être de tous, élèves et personnels », « encourager la coopération avec les parents » ou encore « promotion de l’éducation artistique et culturelle et diffusion de la culture scientifique et technique ». Des bonnes intentions mais qui manquent de consistance.

Le rectorat est plus prolixe : « On ne réinvente pas les structures, c’est plutôt un label. On met de la fluidité dans les bonnes choses. Le but est de cibler des difficultés précises, comme l’absentéisme. », explique Joël Laporte, directeur académique adjoint des services de l’Éducation nationale de l’Isère, qui promet « une individualisation du suivi ». Avec le risque de faire peser la responsabilité des inégalités sociales sur les individus en difficulté.

Les autres acteurs n’ont pas été associés à la rédaction du dossier de candidature et sont priés d’attendre septembre que la « cité éducative » soit lancée. La FCPE (parents d’élèves) et la CSF (accompagnement des familles) ont fait savoir au Crieur qu’elles étaient dans l’incapacité de se prononcer sur ce dispositif face au manque d’information. Les syndicats d’enseignants s’inquiètent, eux, du rôle prépondérant des principaux des collèges, déjà fort occupés par les réseaux d’éducation prioritaire qui continueront d’exister.

La volonté de mieux lier les acteurs autour de l’éducation n’est pas une nouveauté à Villeneuve. Par le passé, éducation, enfance et jeunesse ont été très liées, par le biais des équipement intégrés et partagés (la bibliothèque et le CDI du collège ne faisaient qu’un) et grâce aux écoles largement ouvertes à tous, notamment aux parents. Les « cités éducatives » font d’ailleurs penser aux travaux de Jean-Pierre Pourtois, chercheur à l’université de Mons (Belgique), qui plaide pour des « cités de l’éducation ». Mais là où il place les enfants au centre (et demande aux adultes d’être plus à leur écoute), les « cités éducatives » mises en place par le gouvernement signent au mieux une cotutelle parents-Éducation nationale-services sociaux. Au pire, elles seront une mission civilisatrice de l’État dans les quartiers populaires : critiquer et « corriger » les modes de vie des classes populaires sous l’argument de superviser l’éducation des enfants. La rentrée de septembre devrait apporter les premiers enseignements.

Mise à jour du 5 septembre 2019 : la Villeneuve, ainsi que celle d’Échirolles et le Village Olympique font bien partie des 80 quartiers retenus pour le « label » cité éducative.