Un référendum sur les démolitions de logements sociaux
Le référendum sur les démolitions de logements sociaux aura lieu du 14 au 20 octobre, à l’Arlequin. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Neuf mois après l’avoir annoncé, un collectif d’habitants organise un référendum, consultatif, sur les démolitions de logements sociaux à l’Arlequin. Il se tiendra du 14 au 20 octobre, sans le soutien de la mairie.

Du 14 au 20 octobre, les habitants de la galerie de l’Arlequin (du 10 au 170) pourront répondre à une question simple « Êtes-vous pour ou contre les démolitions de logements sociaux à l’Arlequin ? » Ce référendum purement consultatif, « non-contraignant » selon le collectif qui l’organise, est l’aboutissement de plusieurs mois de mobilisation (lire Historique).

Le référendum porte sur plusieurs projets inclus dans la convention du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU, ou Anru 2). D’une part la démolition du 20 galerie de l’Arlequin, prévue pour être finie en 2025, et celles, possibles, du 60 sud, 90, 110 et 120 galerie de l’Arlequin, intégrées dans une clause de revoyure de cette convention, qui interviendra en 2021.

« C’est un exercice démocratique. Les premiers concernés peuvent voter. », plaide le groupe de travail RIC de la table de quartier, le collectif à l’origine de ce référendum. La table de quartier, ou conseil citoyen politique de la ville, est l’instance officielle où les habitant·e·s sont représenté·e·s et peuvent s’exprimer sur les questions de politique de la ville. En juillet, la table de quartier a décidé d’ « accompagner l’organisation d’un référendum ». Depuis, ses membres semblent s’être divisés sur le sujet.

Référendum, RIC, votation ?
Référendum local : organisé par la mairie, il permet aux habitants de la ville de voter sur un sujet décidé en conseil municipal. S’il recueille la moitié des suffrages (et qu’il y a plus de 50 % de participation), il est adopté.
Votation citoyenne : dispositif citoyen ayant existé de 2016 à 2018 à Grenoble. Si une pétition recueillait plus de 2000 signatures, elle était examinée en conseil municipal. En cas de refus de celui-ci, la mairie avait obligation d’organiser un référendum local sur la question, avec un seuil d’adoption (inatteignable dans les faits) fixé à 20 000 voix. Le dispositif a été annulé par le tribunal administratif de Grenoble au motif qu’il ne reposait sur aucun cadre légal.
Référendum d’initiative citoyenne (RIC) ou référendum d’initiative populaire (RIP) : mécanisme de démocratie directe, adopté dans de nombreux pays, et revendication du mouvement des « Gilets Jaunes ». Il permet d’organiser un référendum dont les conclusions s’imposent sur une question issue d’une pétition. Son adoption est actuellement débattue en France.

Le groupe de travail RIC s’appuie également sur deux pétitions contre les démolitions, la dernière ayant recueilli les 2000 signatures nécessaires pour lancer le processus de votation citoyenne de la mairie, dispositif finalement annulé par le tribunal administratif de Grenoble (lire Référendum, RIC, votation ?). « Deux processus ont abouti à ce référendum. D’une part la concertation officielle, qui est contestée devant les tribunaux, où nous avons eu le sentiment de ne pas avoir été suffisamment entendus voire écoutés, malgré une forte opposition aux démolitions. De l’autre, l’absence d’aboutissement du processus de votation citoyenne. », expliquent les membres du groupe de travail.

« Pour l’élaboration des projets Anru 2, le principe de « co-construction » prévaut, ce qui est une amélioration par rapport à Anru 1. Mais en réalité, c’est le même processus qu’avant : une agence [l’Agence nationale de rénovation urbaine, Anru, ndlr] impose aux municipalités ses décisions. L’institution elle-même est hors-cadre ! Le RIC vient compléter les outils qu’il manque dans la loi et permet de trancher. » D’ailleurs, plusieurs consultations sur des démolitions de logements sociaux se sont déjà déroulées en France, comme à Pantin et dans le quartier du Franc-Moisin, à Saint-Denis.

Campagne

La période du référendum sera précédée d’une campagne d’un mois, aujourd’hui bien entamée, pour « que les habitants puissent se forger un avis ». Outre des sessions d’information sur la tenue du référendum, trois réunions publiques ont été ou vont être organisées. La première, le 13 septembre, portait sur « Qui paye la rénovation urbaine ? » Un explicatif détaillé et assez fourni des financements des projets inclus dans la convention. Avec un constat : l’essentiel du coût est supporté par les bailleurs sociaux et donc, in fine, par les locataires.

Deux autres événements sont prévus : un débat contradictoire le 27 septembre et un après-midi « festif et populaire » le 12 octobre. Pour le débat contradictoire, « élus et promoteurs du projet » ont été invités. Sans succès, la mairie ayant décidé d’adopter la politique de la chaise vide. Dans une lettre adressée à un des membres de la table de quartier, Maryvonne Boileau, élue à la Politique de la ville, indique que « la Ville et les élus ne prendront pas part à votre initiative et adopteront la réserve qui s’impose pendant cette période particulière ». Rien d’étonnant pour les organisateurs qui critiquent vertement la mairie : « La Ville cherche à se défiler de la mise en débat de sa position. Ils n’ont pas le courage politique. Ils ont été élus pour décider avec les habitants mais refusent ce moyen d’expression… » Au Crieur, le service com’ de la mairie explique que « la question posée, « Pour ou contre la démolition des logements sociaux ? », ne permet pas la tenue d’un débat éclairé. […] Il n’est donc pas possible de poser la question des démolitions sans remettre en cause le projet global. Hors [sic] ce projet a été validé par le conseil municipal. »

Le collectif organisera donc la votation par ses propres moyens, la mairie ayant refusé d’aider à sa mise en place, en fournissant matériel de vote et urnes par exemple. La majorité municipale se réfugie derrière l’argument de la campagne municipale. Une mairie ne peut en effet organiser de référendum local dans les six mois qui précédent une élection municipale. Sauf qu’il ne s’agit pas ici d’un référendum local mais d’une consultation sans décision et que le groupe de travail ne demandait pas à la mairie de lancer un référendum elle-même mais bien de l’aider à l’organiser.

Succès ?

Comment mesurer le succès de ce référendum ? « Il faut comparer aux dernières élections, les européennes. », explique le collectif. « Ces élections ont une abstention énorme mais sont considérées comme légitimes. S’il y a plus de participation au référendum, on aura la légitimité recherchée. » À l’Arlequin, lors des européennes, en mai dernier, environ 400 personnes, sur 1500 inscrits, avaient voté.

Historique
– Septembre 2016 : les Ateliers populaires d’urbanisme alertent sur le fait que l’Anru souhaite de nouvelles démolitions sur le quartier, en plus du 160 galerie de l’Arlequin, notamment le 90. Un rassemblement pour « défendre Villeneuve contre les démolitions » se tient peu après.
– Décembre 2016 : en réunion publique à l’Espace 600, le cabinet d’architecte Passagers des villes, la Ville de Grenoble et La Métro présentent l’avant-projet du nouveau plan de rénovation urbaine. Trois démolitions sont proposées : le 20 et le 160 galerie de l’Arlequin, ainsi que le 1 place des Saules. Cette dernière sera abandonnée en février 2017.
– Janvier 2017 : la revoyure de l’avant-projet par l’Anru compare la démolition du 20 et du 90 galerie de l’Arlequin et semble plutôt pencher pour celle du 20. Elle note la très faible « acceptabilité » des démolitions par les habitants.
– Janvier 2018 : la seconde pétition contre la démolition du 20 est lancée, pour entrer dans le cadre de la votation citoyenne de la mairie.
– Juin 2018 : le dispositif de votation citoyenne est annulé alors que la pétition avait recueilli le nombre de signatures requis. Prise de parole en conseil municipal des opposants aux démolitions mais la mairie refuse de débattre.
– Octobre 2018 : dans l’avis du comité d’engagement, révélé par Le Crieur, l’Anru confirme la démolition du 20 galerie de l’Arlequin, repousse à une revoyure de la convention la réhabilitation ou la démolition de la crique centrale (60 sud, 90, 110 et 120) – démolitions qu’elle chiffre – et rejette la réhabilitation du 10. La mairie publiera une version expurgée de l’avis.
– Janvier 2019 : une assemblée d’habitants se prononce en faveur d’un référendum sur les démolitions.
– Mai 2018 : la convention Anru 2 est signée.
– Octobre 2019 : référendum.

Les organisateurs lancent un appel à bénévoles pour tenir les bureaux de vote et participer au dépouillement, qui se déroulera le 20 octobre à partir de 20 heures, salle 150. Ils incitent également la presse à suivre la bonne tenue du référendum, ce que fera Le Crieur.

Modalités du référendum
Qui ? Les habitants de la galerie de l’Arlequin (du 10 au 170), ayant plus de 18 ans, quelle que soit leur nationalité.
Où ? Dans trois bureaux de vote. Un, fixe, au Patio, de 9 heures à 19 heures. Deux bureaux mobiles, en bas de deux montées, qui changeront chaque jour, de 8 heures à 20 heures.
Comment ? Un justificatif de domicile est à produire (facture, quittance de loyer, avis de taxe) et une pièce d’identité.