« Nous réclamons l’arrêt des démolitions ! »
Présentation du résultat du référendum en conférence de presse, lundi 21 octobre. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Au lendemain de la victoire du non aux démolitions de logements sociaux lors du RIC à l’Arlequin, plusieurs collectifs ont exposé leurs revendications : l’arrêt de ces démolitions et la réhabilitation de tous les logements.

Les revendications sont claires : « Nous demandons clairement à l’ensemble des institutions – Ville de Grenoble, La Métro, les bailleurs sociaux et l’État – de respecter le vote. Donc, clairement, d’avoir un arrêt des démolitions de logements sociaux à l’Arlequin grâce à un avenant à l’Anru 2 qui acte cet arrêt. » Au lendemain de la victoire du non aux démolitions lors du référendum (lire l’article Référendum Arlequin : large victoire du non aux démolitions), les organisateurs avaient invité la presse, lundi 21 octobre, pour livrer leurs premières demandes, forts d’un succès aussi bien sur la participation que sur le résultat.

Sans surprise, la première a donc été l’arrêt des démolitions de logements sociaux, sur lesquelles portait le référendum. En l’occurence, la démolition du 20 galerie de l’Arlequin, incluse dans la convention avec l’Anru signée en mai, prévue pour débuter en 2020, et celle, possible, du 60 sud, 90, 110 et 120, dont le sort sera décidé lors d’une revoyure de la convention en 2021. Enfin, l’inconnue demeure pour le 10 galerie de l’Arlequin, dont la réhabilitation a été refusée par l’Anru.

Pas question de laisser la galerie de l’Arlequin dans son état actuel pour autant : « Nous demandons également la réhabilitation du 20 galerie de l’Arlequin, plus la garantie de la réhabilitation du 10, 60 sud, 90, 110 et 120, inclus dans la clause de revoyure. », disent le Droit au logement 38 (DAL), les Ateliers populaires d’urbanisme, l’association des résidents du 10-20, les Gilets jaunes et le Collectif contre les démolitions imposées à Villeneuve.

Enfin, ces collectifs « [demandent] aux institutions de prendre acte du scrutin et de respecter le vote des habitants. » En clair, que les institutions, mairie en tête, prennent position contre les démolitions. Une proposition à laquelle la mairie oppose une fin de non-recevoir. « La mairie ne fera pas, maintenant, de prise de position officielle contre les démolitions. On en a pris, le maire est favorable à la réhabilitation. Mais il faut avoir les conditions et les moyens de rénover, car on n’a pas de pouvoir pour contraindre les bailleurs sociaux. », explique Maryvonne Boileau, adjointe à la Politique de la ville, jointe par Le Crieur.

Mairie : « On ne va pas revenir sur la démolition du 20 »

Toute la difficulté pour les opposants aux démolitions sera donc d’imposer le résultat de ce scrutin populaire et démocratique aux instances décisionnaires. Un combat perdu d’avance ? Maryvonne Boileau se montre inflexible sur la démolition du 20 : « On ne va pas revenir sur la démolition du 20. Il y a les contraintes du contrat avec l’Anru, qu’on a négocié durement pour éviter qu’il y ait trop de démolitions. Ce n’est pas possible de faire un avenant actuellement. »

Quant à l’avenir des montées de la crique centrale, « les négociations pour l’avenant de la revoyure vont débuter prochainement, au mieux fin 2020/début 2021. On a bien l’intention de se battre pour que cela ne soit pas démoli. », complète Maryvonne Boileau. La mairie avait tenu la même position en 2016, réclamant la réhabilitation de l’ensemble de la galerie avant de devoir accepter la démolition du 20. Bis repetita ? À la question de savoir si la mairie acceptera de nouvelles démolitions, lors de la revoyure, en échange de la réhabilitation de certaines montées, Maryvonne Boileau botte en touche. Pourtant, dans les rudes négociations qui s’annoncent avec l’Anru, le résultat du référendum sera un atout indéniable et montrera l’attachement des habitant·e·s à leur quartier. Un attachement que David Bodinier, de l’association Planning, parmi les organisateurs du RIC, résume avec un mot dans l’air du temps : « Ce RIC est une défense claire d’un commun, celui de la galerie de l’Arlequin. »

Pour le 10, non inclus dans la clause de revoyure, le doute susbsiste. « On a pu geler la démolition du 10. Des discussions sont en cours avec le bailleur [CDC Habitat, anciennement SCIC Habitat, lire à ce sujet l’article Le bon plan de SCIC Habitat, ndlr] sur la rénovation, peut-être avec des logements étudiants et de l’ habitat participatif, mais toujours avec des logements sociaux. », explique Maryvonne Boileau. Problème, les anciens habitant·e·s du 10 et du 20 ne savent toujours pas s’ils et elles pourront revenir habiter au 10, si celui-ci était réhabilité. Et Virgile Gavillet, de l’association des résidents du 10-20, de rappeler que « la mairie a refusé qu’une charte de relogement au 20 soit négociée avec les habitants. D’ailleurs, il y a un recours auprès du tribunal administratif. »

Dernière revendication des opposants aux démolitions, que « la mairie revienne dans le débat. Qu’ils arrêtent de faire la politique de la chaise vide, alors qu’ils disent qu’ils sont pour le RIC ! », réclame Jean-Philippe Moutarde, un des Gilets jaunes qui ont participé à l’organisation du référendum. « On demande un débat public en novembre en présence des institutions pour discuter des suites [au référendum], avec des réponses des institutions. », explique David Bodinier. Une idée à laquelle la mairie souscrirait : « Pour le moment, il n’y a rien de prévu, mais il n’y a pas d’opposition majeure à organiser une réunion publique. », répond Maryvonne Boileau au Crieur.

« Abandon réel et fort »
Lors de la conférence de presse, le Droit au logement 38 (DAL 38) a dénoncé un « abandon réel et fort de la part bailleurs sociaux » des habitant·e·s de l’Arlequin. Car le vote a permis à beaucoup d’habitant·e·s de s’exprimer sur leur quotidien. « Deux exemples : une canalisation a cassé au 110. De la merde et de la pisse coulaient, Actis n’a pas bougé. Au 90, ils sont infectée de punaises de lit. », détaille Raphaël Beth, du DAL 38. « Les bailleurs sociaux abandonnent volontairement les habitants car ils prévoient les démolitions. C’est un acte volontaire : c’est facile de dire il faut démolir car plus personne ne veut y habiter. Depuis 2014, il y a une politique de vacance au 10, 20 et 30, ces personnes n’ont pas pu voter au référendum. » Le DAL avance le chiffre de 429 logements vides à l’Arlequin, sur 1700 environ. « L’ensemble de ces problèmes n’affecte pas la qualité du bâti. De façon structurelle, l’Arlequin est un patrimoine de grande qualité. », rappelle David Bodinier, de l’association Planning. Interrogée sur ce sujet par Le Crieur, Maryvonne Boileau, élue à la Politique de la ville et adjointe au secteur 6, nie tout abandon : « Je m’inscris en faux ! Actis [bailleur social des montées de la crique centrale, ndlr] fait son travail, mais ça devient de plus en plus difficile de maintenir un grand niveau de propreté. Sur l’entretien général des bâtiments, oui, c’est possible qu’Actis n’appuie pas très fortement la rénovation des logements en sachant que les premières réflexions sur la rénovation des montées entières sont en cours. Et puis Actis n’a pas les moyens financiers pour tout faire. » En attendant une éventuelle réhabilitation, les habitant·e·s de la crique centrale sont donc prié·e·s de bien vouloir patienter pour avoir des conditions de vie décentes.

Avec ces revendications fortes, les opposants aux démolitions souhaitent maintenir la pression sur les institutions, au premier chef la mairie. Mais la Ville n’entrouvre même pas la porte à un autre projet que la démolition pour le 20 galerie de l’Arlequin et temporise à propos de l’avenir de la crique centrale (60 sud, 90, 110, 120). Reste donc la crainte que ce référendum, « plus grand RIC illégal de France », ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau.