Street Coiff, le grand cœur à la tondeuse
Une séance de coiffure de rue avec Street Coiff, à l’Arlequin. (photo : Street Coiff)

Hasni Bekheira est le fondateur de Street Coiff. Homme au grand cœur, Hasni a toujours aidé les plus démunis. Sa façon de faire, c’est la coiffure : quelque coups de ciseaux et une tondeuse, le tour est joué. Cet habitant de la Villeneuve sillonne le centre-ville pour aider les sans-abris.

Équipé de son salon de coiffure ambulant, tondeuse et ciseaux, Hasni Bekheira, plus connu sous le nom de Street Coiff, 44 ans, va à la rencontre des sans-abris pour leur couper les cheveux en plein centre-ville de Grenoble. Il profite de ce moment de partage pour discuter et échanger avec eux.

Hasni Bakheira est un habitant du quartier la Villeneuve et une figure de Grenoble et de ses quartiers populaires avec son association Street Coiff. Il décrit l’association, dont il est président et fondateur, comme de la « coiffure solidaire et itinérante ». Le but est d’offrir une coiffure aux plus démunis mais aussi de faire un travail social, en étant à leur écoute. « Entendre leurs histoires, leurs confidences, leur apporter des conseils et les encourager pour qu’ils puissent sortir de cette période compliquée. »

C’est d’ailleurs lors d’une période compliquée de sa vie à lui, de 2012 à 2020, période au cours de laquelle il a eu, selon ses mots, une « rupture sociale et professionnelle », qu’il a intégré une association de Vif. L’association, qui a depuis fermé, réalisait des maraudes pour distribuer de la nourriture et des couvertures pour les sans-abris dans le centre-ville de Grenoble. Pendant ces années, Hasni a réalisé des maraudes et grâce à cela il a réussi à créer des contacts avec des sans-abris.

Le premier « street coiff » a été réalisé en 2017, sur l’esplanade de la gare à Grenoble. Un carton. « J’étais serein et j’avais confiance », se souvient-il. Depuis, des dizaines de sans-abris ont bénéficié de ses soins. Coiffer en pleine rue ne tient pas du hasard. C’est un choix stratégique : en se mettant en scène sur la place publique, il peut « rendre visible les invisibles ».

La coiffure n’est pas une chose nouvelle pour Hasni. 31 ans qu’il coiffe. Tout a commencé en 1992 à Teisseire, son quartier, quand il reçoit sa première tondeuse électrique. « À l’époque, tu n’avais pas les coiffeurs à 10 balles. Chez les familles nombreuses, quand tu avais 10 gamins, c’était difficile d’offrir une coiffure à tout le monde… », raconte Hasni. Il a donc commencé à coiffer des connaissances chez elles ou chez lui, sans trop de mal à trouver des modèles « Je ne dis pas clients car je faisais ça gratuitement ! » Puis les débuts de la coiffure dans la rue, en 1997, avenue Paul Cocat. Non sans mal. « J’ai été embêté par la BAC et par la police municipale. Souvent, c’est interdit de faire ce que je fais, coiffer dans la rue. Mais j’en ai discuté avec le maire et ça s’est arrangé. »

La transition entre coiffer dans les quartiers et coiffer les sans-abris est venue au cours du temps. « En devenant plus mature je me disais qu’il y avait des gens encore plus précaires que nous, les gens des quartiers. Nous, on est souvent en groupe tandis que les sans-abris restent seuls. » Sa décision a aussi un autre sens. « Il y a aussi une raison peut-être politique. Montrer que nous, habitants de quartier, on va aider les gens dans le centre-ville malgré le fait que nous aussi, on soit dans la galère. »

Depuis quatre ans Hasni coupe également les cheveux de détenus mineurs à la maison d’arrêt de Varces. La prison lui met à disposition une cellule. Il se sert des séances de coiffure pour échanger avec les jeunes détenus : « On peut discuter je me sers de la coiffure comme d’un levier. »

Street Coiff est un grand investissement bénévole dans la vie d’Hasni. Il a un travail à côté donc il pratique Street Coiff sur son temps libre. « Street Coiff me prend en moyenne une demi-journée par semaine. » Hasni a décidé d’emmener ses fils avec lui : « Au moins, je ne perds pas ce temps-là avec mes enfants. » Parfois, ils lui donnent même un coup de main.

Il faut dire qu’il n’arrête jamais. Même quand il part en vacances, Hasni emmène toujours son matériel de coiffure. Il a ainsi coupé les cheveux d’inconnus dans les rues de Paris, d’Istanbul, d’Harlem ou de Palerme.

En uniforme

Quand il coiffe, Hasni porte un uniforme atypique. Ce gilet nous permet de le reconnaître, un peu comme une marque de fabrique. « C’est un rêve d’enfant d’avoir un uniforme, mais c’est mon outil, ce n’est pas pour faire beau », explique-t-il. « Avec tout l’outillage, ciseaux rasoirs, il faut être lucide et organisé. Il y a déjà eu des bagarres entre sans-abris. Afin de réduire les risques, j’ai décidé de porter un uniforme spécial, un gilet qui me permet de ranger mon matériel. »

Hasni a été médiatisé à de nombreuses reprises pour ses actions de solidarité. Dans les médias locaux ou bien dans des reportages sur YouTube. C’est aussi un grand adepte des réseaux sociaux, qui lui offrent une grande visibilité et lui attirent nombre de commentaires admiratifs.

Hasni souhaite transmettre Street Coiff à « la terre entière » : « Mon but, c’est d’influencer des coiffeurs à se monter en association. Ma fierté, c’est d’avoir réussi à influencer les quatre coins de la France avec Street Coiff. »

Depuis plus de trois ans, Hasni est chargé d’accompagnement et du service citoyen à la Métro. Comment arrive-t-il à concilier les deux ? « Le lien c’est la mobilisation, des habitants ou des sans-abris. Mais aussi être a l’écoute de l’autre. »

Il est possible d’aider Street Coiff et à travers lui les sans-abris. « On peut me contacter sur les réseaux sociaux, que ce soit Instagram, Facebook ou LinkedIn. Toute aide est bonne à prendre, que ce soit une tondeuse, des vêtements, de la nourriture. Et puis si des personnes veulent m’accompagner, il n’y a pas de problème. »

Pour contacter Street Coiff :
Instagram : street_coiff_officiel
Facebook : Street’coiff