Le lac baignable, une fausse bonne idée ?
La baignade dans le lac de la Villeneuve (ici en septembre 2020) sera-t-elle rendue officiellement possible ? (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Présenté en janvier, le projet de rénovation du lac de la Villeneuve, avec l’objectif que la baignade y soit autorisée, suscite l’opposition d’une partie des habitants. Une pétition contre ce projet a recueilli plusieurs centaines de signatures.

Lundi 30 janvier, une réunion publique de présentation du projet de rénovation des espaces publics du quartier a réuni une cinquantaine de personnes. Un point a suscité de forts débats, celui de rendre baignable le lac du quartier. Depuis sa création en 1973, des générations de petits et grands s’y sont baignés sans incidents, malgré les panneaux « baignade interdite » qui ornent le pourtour. Interdite car le bassin n’est pas surveillé et l’eau, pompée de la nappe phréatique, n’y est pas contrôlée. Ses 4000 m² sont toutefois très appréciés l’été, en particulier lors de Villeneuve Plage, et le lac est un des gros atouts du quartier.

Les techniciens de la Ville et de la Métro ont énuméré les multiples contraintes et normes à respecter pour rendre le lac baignable et limiter la consommation d’eau (voir l’encadré ci-dessous). Le projet entraîne un fonctionnement complexe et nécessite de lourds investissements. Il aura toutefois les avantages d’offrir une baignade surveillée, d’avoir une eau contrôlée et d’empêcher l’accès des chiens au lac quand les enfants y jouent.

Le projet de rénovation du lac
Le lac actuel serait démoli, approfondi et divisé en deux parties : une humide, du côté de l’école du Lac, non-baignable, avec des roseaux pour filtrer l’eau ; l’autre partie, baignable, serait divisée en trois niveaux de profondeur, de la pataugeoire jusqu’à 1 m 80. Le lac aurait deux modes de fonctionnement : l’été, il serait entouré de barrières et son accès filtré mais resterait gratuit. Des maîtres-nageurs, payés par la Ville, surveilleraient la baignade et le lac pourrait être gardé la nuit pour éviter les intrusions. L’hiver, les barrières seraient retirées et la profondeur de l’eau abaissée à son niveau actuel environ. Les travaux ne devraient pas commencer avant la fin 2024. Rares sont les bassins baignables en ville. L’équipe de techniciens a un exemple en tête, celui du lac du parc Diderot, dans le quartier des Quatre-Chemins à Pantin (Seine-Saint-Denis), ouvert en 2021. Mais il s’agit là d’une création intégrale d’un lac et non d’une rénovation.

Des contraintes suffisantes pour qu’un collectif, qui regroupe notamment les deux unions de quartier, des conseils syndicaux et des associations, se crée pour s’opposer au projet tel qu’il est porté actuellement. « Nous souhaitons absolument la rénovation du parc et le maintien du lac, explique Paul Hazebroucq, président de l’union de quartier Baladins-Géants et membre du collectif, mais il n’y a pas de scénario alternatif étudié, la seule perspective présentée est de rendre le lac baignable. »

Extrait du document de présentation du projet de rénovation du parc et du lac. (La Métro, janvier 2023)

Le collectif a listé les différents et interrogations soulevé par le projet. « Les trois maîtres-nageurs seront, a priori, ceux de la piscine des Dauphins, avec peut-être une embauche supplémentaire. Cela veut-il dire que la piscine des Dauphins sera fermée pendant ce temps ? Pourquoi se priver d’une piscine en période estivale ? », s’interroge M. Hazebroucq. Autre débat, l’accès au lac : « Notre quartier est un quartier multiculturel, tout le monde n’a pas le même rapport au fait de se découvrir pour se baigner [le maillot de bain pourrait être obligatoire pour accéder au lac, ndlr], donc un certain nombre de mamans ne viendront pas dans le bassin car elles ne seront pas à l’aise. Cela revient à les exclure. » « La soutenabilité budgétaire du projet n’est pas assurée. Quelle est la garantie que la Ville aura toujours la capacité de financer la présence de personnel ? S’il n’y a plus de maîtres-nageurs, le lac sera vidé et on aura perdu le lac d’agrément… »

Surtout, « Le projet de renouvellement urbain est la seule chance, pour les trois prochaines décennies, de rénover le parc. » La construction du lac avait coûté très cher car il avait fallu avoir recours à la technique du « compactage dynamique » (une grue lâche une masse de plusieurs tonnes d’une vingtaine de mètres de haut, plusieurs fois, sur toute la surface du lac). Le rénover aura forcément un coût élevé. « L’investissement pour rendre le lac baignable est tellement important qu’il revient à renoncer à certaines choses. Nous proposons plutôt la création de plusieurs points de fraîcheur, des brumisateurs, avec des ombrages en été. »

Une volonté politique

La rénovation du lac – il souffre de fuites et a des pannes récurrentes de pompe – fait partie depuis plusieurs années du projet de renouvellement urbain du quartier. Mais le rendre baignable est avant tout une volonté politique de la mairie. La liste Grenoble en commun du maire Éric Piolle, pour les élections municipales de 2020, en avait d’ailleurs fait un argument de campagne.

Extrait d’un tract de la campagne de Grenoble en commun, pour les élections municipales de 2020, présentant le lac de la Villeneuve baignable. (janvier 2020).

Dans le quartier, le soutien au projet est moins sûr. Lors de la première phase de concertation sur le projet de rénovation du parc, en octobre 2020, un panel citoyen écrivait : « Nous sommes opposés à la création d’un lac baignable car nous craignons la génération de bruit pour les riverains et d’incivilités. […] Il nous semble que la baignade sera « limitée » du fait des regards potentiels de l’ensemble des habitants du quartier sur les baigneurs. » Rebelote en décembre 2020, dans le document de synthèse de la concertation : « Les participants sont en accord avec l’idée d’un lac baignable en milieu urbain, d’autant plus que la baignade est un usage qui existe déjà. Pour autant, la concertation montre que lorsqu’ils sont informés des conditions d’un lac baignable dans le parc Jean Verlhac, ils se montrent plus réticents. […] Pour les panélistes ainsi que pour une partie des usagers rencontrés […] la légalisation et l’encadrement de la baignade ne doit pas se faire à n’importe quel prix. »

Le collectif du lac a lancé une pétition, en ligne et sur papier. Plus de 700 personnes l’ont déjà signé. Un courrier a été envoyé début avril à la Ville et à la Métro pour demander l’organisation d’une réunion conjointe. Pour l’instant, il est resté sans réponse.

Et le reste du parc ?
Le lac n’est qu’une partie du projet de rénovation des espaces publics de la Villeneuve. Les travaux devraient comprendre la refonte de la crique nord pour en faire la « porte nord » du quartier, créée par la démolition du 20 galerie de l’Arlequin et de l’ancien CCAS. L’idée est de prolonger le parc, entre le 10 et le 30 galerie de l’Arlequin, jusqu’à l’arrêt de tram La Bruyère. La piste d’athlétisme serait démolie et reconstruite face au nouveau collège. La crique centrale serait « massivement arborée », afin, là aussi, d’étendre le parc. Il est proposé d’y installer une aire de jeux pour les enfants. Quant au centre du parc, la Place rouge serait réhabilitée et équipée pour pouvoir être plus facilement utilisée pour des événements culturels et l’aire de jeux du grand toboggan serait réaménagée. L’équipe propose de laisser libre le grand espace dégagé par la démolition de l’ancien collège (la soucoupe).

Le lien vers la pétition :
https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/projet-transformation-lac-villeneuve-prevu-elus/204716