Professeur d’histoire à la retraite, Abdelhamid Benhamida a collecté des centaines d’images sur la guerre d’Algérie. Sur les combats mais aussi sur le quotidien des gens de l’époque. Le 21 septembre, lors d’une rencontre-débat à la Villeneuve, il racontera ses souvenirs de l’époque en commentant une sélection de neuf photos.
Face à ses centaines de photos, la plupart en noir et blanc, Abdelhamid Benhamida se souvient. Une époque et un pays particuliers, l’Algérie de 1954 à 1962. La guerre d’indépendance. Dans le salon de son appartement de l’Île-Verte, à Grenoble, le professeur retraité de lettres et d’histoire commente chaque document : les commandants de l’ALN (1) en rang d’oignons, les manifestations de travailleurs algériens à Paris, les contrôles de police dans les rues. Mais aussi des photos de classe, des portraits, des paysages de son pays natal.
Toutes ces archives, Abdelhamid Benhamida les rassemble depuis quatre ans. Il compile les photos trouvées dans des revues d’époque, écume les brocantes. Il aimerait bien faire un livre qui rassemble toutes ces images. En attendant, il amasse.
« La petite histoire dans la grande histoire »
Le 21 septembre, à la salle polyvalente des Baladins, il viendra animer une rencontre-débat où il commentera une sélection de neuf photos tirées de ses archives. La rencontre est sous-titrée « La petite histoire dans la grande histoire ». Abdelhamid Benhamida développe : « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer la vie quotidienne pendant la guerre d’Algérie. Il faut que les gens voient que c’était un même peuple, les Français et les Algériens, et qu’il y a eu des déchirements des deux côtés. »
Une période qui a particulièrement marqué l’ancien prof. « Ça a été un événement incontournable de ma vie », témoigne-t-il. Par la façon dont elle touche son histoire familiale, notamment : « Un jour, les gendarmes sont venus arrêter mon père. Il l’ont emprisonné dans une ferme de colons, mais nous, nous ne savions pas s’il était toujours en vie. Ils l’ont placé dans une cuve à vin, pour lui faire peur. » Son père sera relâché six mois plus tard.
Mêmes souvenirs
Des drames qui ne bouleversaient pas pour autant le quotidien. « On continuait à fréquenter les pieds-noirs, à l’école, on était toujours mélangés (2). », raconte-t-il. Des liens entre communautés qui subsistent, 50 ans après l’indépendance : « Avec les pieds-noirs, on n’est pas toujours d’accord, mais nous avons les mêmes attaches, les mêmes souvenirs. »
Pourtant Abdelhamid Benhamida a grandi dans une famille en faveur de l’indépendance. « Mon grand-père était le responsable d’une zaouïa [édifice religieux rassemblant mosquée, lieux d’étude et auberge, équivalent des monastères chez les chrétiens] », raconte-t-il. « Beaucoup de « fellaghas » [terme, péjoratif en arabe, désignant les partisans de l’indépendance de l’Algérie] venaient s’y reposer, j’ai pu les côtoyer. Ils venaient d’horizons divers, avec des accents différents, des physiques différents. »
Rapports ambigus avec la France
Il montre une photo sa classe de CP, en 1955, à Dellys. « Moi je suis là, au centre. » Puis, du doigt, désigne un des garçons : « Lui c’était un nouveau. Il venait de la « métropole », comme on disait, puisque les profs préféraient qu’on parle de « la métropole » et pas de « la France ». Mais il m’a dit : « Moi, je ne suis pas français. Je suis breton ! » »
Abdelhamid Benhamida parle aussi des rapports ambigus avec cette « métropole» : « La France, c’était la culture, le cinéma, la musique. C’était aussi les amis. Et puis la fascination pour ce monde moderne. Mais il y avait aussi cet ardent patriotisme familial, qui s’exposait par des chants, des lectures. »
Trois des photos qui seront présentées lors de la rencontre-débat :
« Photo d’identité d’une Algérienne », photo de Marc Garanger, 1960. Le photographe faisait son service militaire en Algérie, il reçut l’ordre de photographier 2 000 personnes, surtout des femmes, en dix jours, afin d’établir des cartes d’identité. Il expliquera : « Elles n’avaient pas le choix. Elles étaient dans l’obligation de se dévoiler et de se laisser photographier. […] J’ai reçu leur regard à bout portant, premier témoin de leur protestation muette, violente. Je veux leur rendre témoignage. »
« Trois enfants en conciliabule », photo de Marcelle Vallet, prise en 1960 au Chaâba. Le Chaâba était un bidonville de Villeurbanne (banlieue de Lyon) qui accueillait des Algériens, dans les années 50 et 60.
Date et photographe inconnus. D’après le titre de cette vidéo (à partir de 1 min 26), défilé du 1er novembre 1974, qui marque les 20 ans du début de la révolution algérienne.
Seconde rencontre Pour comprendre
Mémoires d’immigrés, la petit histoire dans la grande histoire
Avec Abdelhamid Benhamida
21 septembre 2015, à partir de 18 heures (conférence à 19 heures)
Salle polyvalente des Baladins
85 galerie des Baladins
Les organisateurs invitent les participants à venir partager leurs souvenirs de l’arrivée en France.
(1) Armée de libération nationale, branche armée du Front de libération nationale (FLN), parti indépendantiste créé en 1954.
(2) Il faut attendre 1948 (décret du 5 mars 1948) pour voir la fusion entre les écoles réservées aux européens et celles réservées aux élèves indigènes.
6 Commentaires
Benyoub ABDELKADER dit: 20 septembre 2015 à 7 h 54 min //
Bonjour,
La reconnaissance du génocide Algérien est indispensable et attendue par une grande partie de la population d’origine Algérienne.Parler de cette partie de l’histoire sans parler du génocide est contre productif voir malhonnête…….
BENYOUB ABDELKADER
François Behemothe dit: 12 octobre 2015 à 14 h 11 min //
Je suis gêné pour dire ça, mais je pense que le terme de génocide me parait inapproprié même si les massacres d’algériens par les français sont énorme (de 20 000 à 45 000 tués dans le Massacre de Sétif, Guelma et Kherrata).
Désagréable d’avoir à faire des comptes d’apothicaire sur ces terribles massacres mais par rapport à la Shoah (6 millions), aux Arméniens (1,2 million de morts) et même plus récemment, lesTutsis (800 000 morts), on est tout de même pas dans la même dimension.
Ceci dit, indéniablement ces massacres doivent être mentionnés et l’état français doit les reconnaitre et reconnaitre sa culpabilité dans cet affaire.
Benyoub ABDELKADER dit: 19 octobre 2015 à 19 h 08 min //
Bonjour Monsieur Behemote,
permettez moi de vous dire que le massacre de 40000 personnes en un jour,n’est pas pour moi
la raison qui me pousse à demander la reconnaissance du génocide Algérien.Si il n’y avait eu que cela j’aurai parlé de massacre ,tout comme vous.Nous ne parlons pas de la même chose,vous parlez d’une journée je vous parle d’une époque.
D’autre part ,Monsieur je vous parle moi ,de mon histoire pas d’une histoire……..
BENYOUB ABDELKADER
Braem Pierre dit: 21 décembre 2015 à 20 h 56 min //
monsieur Benyoub Abdelkader,j’ai participe a ce que vous appelez un genocide,pas par racisme ou par mepris des arabes,simplement parce que j’etais ne en France de parents belges,et que par honnetete a l’egard de la nation dans laquelle je souhaitais faire ma vie,j’avais fait le choix de servir ce pays pendant au moins 24 mois(plus la suite) au lieu de faire un service de 8 mois en Belgique.J’ai donc eu le plaisir de passer 3 fois Noel et Nouvel An sous les drapeaux dont 11 mois dans votre pays pres de Bougie.Quelques semaines apres mon arrivée a Tichy, j’avais decouvert l’immense misere de l’arriere-pays kabyle et rapidement compris que notre action n’avait plus de sens.Partant de ce constat,j’esperais que les responsables politiques et militaires allaient se rendre compte des abus en tous genres qui avaient engendre cette juste revolte et s’attacher a la mise en place de reformes administratives et humanitaires urgentes .L’arrivee de De Gaulle et son discours de juin 1958 ont fait croire a certains qu’une victoire militaire pouvait encore sauver les meubles et maintenir les avantages acquis,par la faute de tous ces incapables combien de combattants Algeriens et Français ont payé de leur vie ce qui semblait evident pour les gens simples et honnetes.Pourquoi De Gaulle n’a-t-il jamais voulu se soumettre a un arbitrage de l’ONU ,l’odeur du petrole peut-etre que certains de nos « ALLIES » avaient eux aussi reniflé.Quand on constate les difficultes que l’Algerie rencontre pour mettre en place une vraie democratie respectant les diverses origines ethniques et religieuses de ses habitants,incitant de nombreux jeunes Algeriens a se tourner vers l’Europe.Alors Mr Benyoub fallait-il en passer par ça pour en arriver là ?
Benyoub ABDELKADER dit: 2 janvier 2016 à 16 h 12 min //
Bonjour,
La possibilité pour un peuple de choisir son destin est inestimable et hors de prix.Aux Algériens de conduire,d’écrire leur propre histoire.
Vous savez le bruit,la musique des sirènes a toujours attiré les marins les voyageurs…….Le réveil est toujours plus cruel……
BENYOUB ABDELKADER
Amicalement
Braem Pierre dit: 3 janvier 2016 à 15 h 43 min //
bonjour Mr Benyoub ,
Merci d’avoir repondu a mon commentaire par lequel j’exprimais mes regrets quant a l’inutilité de ce conflit, dont nous aurions pu faire l’economie si les responsables politiques et militaires des deux bords avaient analysé ensemble les raisons profondes motivant les premières révoltes.Les différences de traitement des citoyens( une seule catégorie de français?) etaient si flagrantes qu’il fallait etre aveugle et sourd pour ne pas les comprendre.Quand les politiques ont abandonné leurs responsabilités aux militaires,le dialogue devint rapidement impossible du fait des violences commises en réponse à d’autres violences.Jai decouvert recemment l’histoire de Me Izza Bouzekri veuve de Mr Abderamane Amdane, qui ayant vecu en France s’est engagée pour l’indépendance de son pays comme nos resistants de 1940/ Comment les politicards vereux de la 4é republique ont-ils pu ignorer et écraser ces justes revendications .Pour ma part je n ‘ai pas a rougir de mon parcours algérien,mais j’aurais bien aimé le faire dans une SAS ou l’action humanitaire était la raison d’ètre et la première réponse a apporter a la misère des campagnes,sans arrière-pensée colonialiste.Avec mes amities P Braem