La coconstruction, c’est pas maintenant
Eric Piolle, le maire de Grenoble, a annoncé que les habitants ne pourraient prendre part au remaniement des projets du premier volet de la rénovation urbaine à la Villeneuve.

Alors que l’État annonce que la Villeneuve intègre le nouveau volet du plan national de rénovation urbaine, la mairie organise une réunion publique sur la réhabilitation du quartier. Mais des voix s’élèvent pour contester l’absence de participation des habitants au processus de décision des projets encore en cours.

Quelques plantes vertes, une table et deux chaises de jardin, il suffit d’un rien pour donner un aspect bucolique à la scène de l’espace 600, le théâtre de la Villeneuve. Ce mardi 16 décembre, une dizaine de membres de l’équipe municipale est présente pour parler rénovation urbaine avec les habitants du quartier. Après une première réunion publique en juin, la municipalité continue le travail d’information et d’explication des très denses enjeux de la réhabilitation du quartier. Et l’équipe municipale s’est livrée, avec plus ou moins de succès, à l’art de répondre aux questions de l’assemblée.

Si de nombreuses interrogations concernent l’état d’avancement des projets du PNRU 1 (Programme national pour la rénovation urbaine, voir encadrés), un point a été âprement débattu : le refus de la mairie de mettre en place une démarche de coconstruction sur les projets en cours. Certaines étapes du premier volet de la rénovation urbaine (comme la destruction du 50 galerie de l’Arlequin) sont presque terminées, mais d’autres (nouvelle salle municipale, gymnases) sont à peine esquissées et plusieurs points peuvent encore être discutés. Sans l’avis des habitants, puisque ce sera la municipalité qui décidera, au grand regret de certains Villeneuvois. « J’assume : il y a un temps pour la coconstruction et un pour les décisions politiques », annonce Éric Piolle, le maire de Grenoble.

Lexique :

ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine, agence étatique en charge de la réhabilitation des villes, notamment des quartiers populaires.

PNRU : Programme national de renouvel- lement urbain, plan national dont la première version a été lancée en 2008 (PNRU 1, parfois appelé ANRU 1), la seconde suivra en 2015 (NPNRU comme Nouveau PNRU, ou PNRU 2 ou ANRU 2).

Principale raison invoquée, les surcoûts qu’entraînerait une refonte des projets : « certains projets sont tellement avancés que la facturation de nouvelles études à Yves Lion [architecte en chef de la rénovation à la Villeneuve] coûte très cher, surtout qu’il y a un risque de sortir du financement, puisque les travaux doivent être lancés avant 2018 pour l’Anru 1. »

Trahison ?

Un argumentaire qui passe mal auprès de certains habitants de la Villeneuve. Surtout que l’équipe municipale affiche la volonté de construire les futurs projets de rénovation urbaine en partenariat avec les habitants. Et que le PNRU 2 (voir

Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale et Vincent Fristot, adjoint à l'urbanisme, ont abordé la participation des habitants dans le nouveau plan de rénovation urbaine.

Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale et Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme, ont abordé la participation des habitants dans le nouveau plan de rénovation urbaine.

encadré) obligera à une participation accrue des citoyens. Ainsi, le prolongement de la rue Dodero (le long de la voie de tram), intégré dans le PNRU 1, nécessite la destruction de trois logements, pardon, le « rabotage » en langage municipal. Un point contesté par une partie des habitants présent lors la réunion publique. Sans faire bouger l’équipe municipale : « soit on arrête tout et on passe son temps à élaborer des scenarii alternatifs, soit on fait des choix parfois tranchants pour le futur », lâche Éric Piolle.

Après la décision sans concertation de détruire le 50 galerie de l’Arlequin, l’absence de participation des habitants sur ce qui reste du PNRU 1 nourrit un sentiment de trahison. Les Ateliers populaires d’urbanisme, créés par des habitants du quartier, n’ont d’ailleurs pas tardé à réagir. Dans un document intitulé Pour une autre fin de l’Anru 1, ils dénoncent un « brutal retour à la case départ », avant d’annoncer un cycle de rencontres sur les différentes parties du premier volet du PNRU encore à construire. En réclamant davantage d’implication des habitants dans le PNRU 1, sans toutefois préciser quelle forme celle-ci prendrait.

Nouveau programme de rénovation

Hasard du calendrier, l’État annonçait la veille de la réunion publique que la Villeneuve de Grenoble faisait partie des quartiers prioritaires du PNRU 2. Les projets restent encore à construire, ou plutôt à coconstruire comme s’y est engagée l’équipe municipale. La forme de la participation des habitants reste à définir, même si Vincent Fristot, l’adjoint en charge de l’urbanisme, n’a pas exclu la proposition des Ateliers populaires d’urbanisme d’organiser une semaine de réflexion sur la rénovation urbaine, séminaire qui devrait avoir lieu en mars 2015.

Pour l’instant, seule la rénovation du 60 galerie de l’Arlequin est programmée sur le PNRU 2. Mais les calendriers se bousculent. Car outre la rénovation urbaine, les conseils citoyens, qui doivent être lancés au printemps 2015 et le passage en métropole, au 1er janvier alourdissent les démarches.

État d’ avancement de la rénovation urbaine

La réunion publique a été l’occasion de présenter le calendrier des rénovations :

  • la destruction des silos 3 et 4 : elle est prévue pour fin 2015 pour le silo 4 et début 2016 pour le silo 3 ;
  • la destruction de la salle 150 : programmée pour le 1er trimestre 2016, la destruction de la salle 150 laissera la Villeneuve sans grande salle polyvalente pendant de longs mois, puisque l’ouverture de la nouvelle salle est prévue pour 2017. « Des solutions sont à trouver avec le Patio », a admis M. Fristot, avant d’expliquer que le directeur du territoire « y travaill[ait] » ;
  • la réhabilitation thermique : « amélioration de l’habitat signifie baisse des charges et baisse de la pollution », a énoncé Vincent Fristot. La rénovation de deux montées est lancée. Celle du 50 galerie de l’Arlequin se fera au 2e trimestre 2015 et durera 15 mois. La principale difficulté était le déménagement de la mosquée. Une solution temporaire a été trouvée (à savoir, un préfabriqué près d’un parking). Pour le 40, le ravalement des façades commencerait en janvier, pendant neuf mois. La rénovation des appartements se ferait dans la foulée. Deux ans de travaux sont prévus en tout ;
  • le nouveau parking silo : les commerces restent sur la place du marché. Des cabinets médicaux et des locaux d’entreprises sociales et solidaires devraient s’installer au rez-de-chaussée du parking. La livraison a été décalée d’un mois, pour février 2015. Christophe Romero, le directeur du projet de rénovation urbaine, a tenu à préciser que 40 places de parking avaient été vendues, sur 90 disponibles, sans compter les places réservées aux abonnés ;
  • le nouvel équipement jeunesse : destiné au 11-25 ans, cette salle de type MJC est en phase de conception, tout comme la nouvelle salle polyvalente destinée à remplacer la salle 150 ;
  • le gymnase de la Rampe : la rénovation est au point mort. Le projet a été bloqué par une malfaçon dans la procédure de marché, « à cause de l’architecte », selon M. Fristot ;
  • le gymnase de la Piste : actuellement en « phase d’étude » ;
  • le centre de santé des Géants : installé à l’emplacement de l’ancienne crèche des Poucets, il est toujours en étude ;
  • l’espace public : deux nouveaux espaces piétonniers sont prévus, un rue de la Bruyère, l’autre à l’emplacement des silos 3 et 4. Mias les projets ne contentent ni les habitants, ni la mairie. Selon M. Fristot, le projet est « tellement engagé qu’il est difficile à stopper ». Au moins a-t-il promis « un peu plus de verdissement » (mairie écolo oblige), « mais pas de remise en cause complète du projet ». Avant d’ajouter, « on peut le regretter » ;
  • le prolongement de la rue Dodero : selon l’adjoint à l’urbanisme, la « situation est contrainte par plusieurs dossiers », comme la collecte des ordures ou les équipements de sécurité pour les pompiers. La mairie a donc décidé de créer une voie à double sens, « en réduisant l’impact au maximum par la mise en place de ralentisseurs » ;
  • la renumérotation claire des montées : « pour améliorer le repérage ».

Un document produit par la mairie résume l’avancement de ces projets.