Hommage à Jean-François Parent
Jean-François Parent, ici pris en photo chez lui, a été un des concepteurs de la Villeneuve, un de ses premiers habitants, a fait partie des fondateurs de l’Institut d’urbanisme de Grenoble et a été élu au conseil municipal. (photo : droits réservés)

L’ingénieur et urbaniste Jean-François Parent et sa femme Simone sont morts le 4 décembre 2017. Le couple résidait à la Villeneuve depuis 1972. Figure du quartier qu’il a contribué à faire sortir de terre, Jean-François Parent aura défendu la Villeneuve inlassablement.

Avec sa femme Simone, Jean-François Parent habitait depuis 1980 au 8 allée de la colline. Il ne veillera plus, du haut de sa tour, sur le quartier qu’il a en partie conçu. Lundi 4 décembre, lui et sa femme ont été retrouvés suicidés à leur  domicile.

Né en 1930, ingénieur de formation, il dispense des cours d’urbanisme à l’École des ponts, à une époque où l’enseignement de l’urbanisme en est à ses balbutiements. Il rejoint l’Atelier d’urbanisme et d’architecture (AUA) dont les membres critiquent les dogmes architecturaux et les grands ensembles qui sortent de terre à l’époque.

En 1965, Hubert Dubedout est élu maire de Grenoble à la tête d’une liste SFIO-PSU-GAM (Groupe d’action municipale), la « nouvelle gauche » arrive au pouvoir. Jean Verlhac, adjoint à l’Urbanisme de 1965 à 1983, charge en 1966 Jean-François Parent de créer l’Agence municipale d’urbanisme de Grenoble, qui doit proposer une alternative au « plan Bernard », vaste planification technocratique de l’urbanisation des quartiers sud de Grenoble et nord d’Échirolles et d’Eybens. Grenoble est alors en plein « boom », la population croît de 45 000 habitants entre 1954 et 1968.

Dessin des Villeneuves de Grenoble et d’Échirolles, telles qu'elles ont été conçues. (archives Jean-François Parent)

Dessin des Villeneuves de Grenoble et d’Échirolles, telles qu’elles ont été conçues. (archives Jean-François Parent)

L’AUA, en lien avec l’Agence municipale, se voit confié la tâche de créer La Villeneuve, vitrine et laboratoire de la politique de l’équipe Dubedout : mixité sociale, équipements publics mélangés et intégrés aux habitations, verdure, rejet de la voiture.

En parallèle, Verlhac, Parent et d’autres fondent l’Unité  d’enseignement et de recherche Urbanisation (surnommée Urba), qui deviendra l’Institut d’urbanisme de Grenoble (IUG). Verlhac en devient le premier directeur. Drôle d’époque qui mêle incestueusement politique et enseignement.

En 1971, peu avant l’arrivée des premiers habitants à l’Arlequin, Jean-François Parent devient responsable de l’équipe conception du quartier. Il supervise la création du quartier 2 (Les Baladins), inauguré en 1980. « Nous sommes une demi-douzaine à pouvoir revendiquer une certaine part de paternité de la Villeneuve », déclare-t-il en 2011 dans le webdocumentaire Villeneuve 5/5.

En 1983, la droite revient au pouvoir à Grenoble avec l’élection d’Alain Carignon qui déteste la réalisation emblématique du maire précédent. Parent est déchargé du dossier de la Villeneuve, puis mis à la pré-retraite en 1988. Il trouve le temps de sauver les archives de l’Agence d’urbanisme sur la Villeneuve, vouées à la destruction par la municipalité Carignon. Le quartier 3 de la Villeneuve ne verra jamais le jour, annulé par la mairie. « Sous la municipalité de Carignon, on a concentré à la Villeneuve les problèmes. », rappelle-t-il dans Villeneuve 5/5.

Après avoir milité au Parti communiste dans sa jeunesse, Jean-François Parent figure parmi les fondateurs de Go citoyenneté (parti politique grenoblois) puis devient adjoint au Logement et président de l’Opale, futur Actis, quand Michel Destot est élu en 1995.

Jean-François Parent défendait farouchement « son » quartier. En 2012, à propos de la destruction du 50 galerie de l’Arlequin par la municipalité Destot, il écrivait dans le journal Traits d’Union : « Un ensemble comme l’Arlequin n’est pas comparable à un ensemble de tours et de barres insalubres, dont on fait sauter tous les dégradés, et sa rénovation nécessite une réflexion un peu plus complexe qu’une destruction partielle qui n’améliorerait en rien le reste du quartier… »

Son combat continue : samedi 9 décembre, quelques jours après sa mort, des habitants, mobilisés depuis plus d’un an, manifestaient contre la démolition du 20 galerie de l’Arlequin.