« Non à la destruction du 20 »
Le 20 mai, lors du repas de soutien aux locataires du 10-20 galerie de l’Arlequin. (photo : B. Bultel, Le Crieur)

De nouveau confirmée en réunion publique le 10 mai, la destruction du 20 galerie de l’Arlequin mobilise les habitants. Après des années de promesses de rénovation, les locataires sont dépités.

La longue table déborde de nourriture et de boissons. Samedi 20 mai, dans la crique nord, en bas du 20 galerie de l’Arlequin, une soixantaine de personnes se régalent, discutent et apprécient la musique crachée par la « sonobécane ». Tous sont venus en soutien aux habitants du 10 et du 20 qui protestent contre la démolition du 20 galerie de l’Arlequin.

Le 13 décembre 2016, en réunion publique, l’équipe municipale et les architectes présentaient la « version zéro du plan guide », les premières ébauches du nouveau plan de rénovation urbaine. Les habitants du 20 galerie de l’Arlequin et du 1 place des Saules y apprenaient la démolition de leur logement.

Pour le moment, la destruction du 1 place des Saules a été abandonnée, après la mobilisation des résidents. Pas celle des logements sociaux du 20. Une pilule dure à avaler pour ceux à qui les équipes municipales et les bailleurs successifs promettaient la rénovation. « C’est scandaleux d’imposer cette démolition alors qu’on nous fait des promesses de rénovation depuis 1995 et qu’on a subi des hausses de charges pour provisionner ces travaux ! », proteste Virgile, habitant et représentant de l’association des résidents du 10-20, lors de la conférence de presse qui précédait le repas. Dans l’immeuble de 191 logements, 91 sont pour l’instant menacés.

« Nous dénonçons aussi la manière de faire de la mairie : l’annonce de la démolition a été faite sans concertation », poursuit Virgile. Lors d’un atelier dit de concertation, en mars 2017, les habitants avaient réclamé des scénarios alternatifs à la démolition. Devant les élus présents, notamment Vincent Fristot, adjoint à l’Urbanisme, l’équipe d’architecte s’était engagée à se pencher dessus. Las, le 10 mai, la seule proposition présentée était la destruction.

« Vacance organisée »

Les nouvelles de la destruction prochaine de l’immeuble, alimentées par SCIC Habitat (bailleur social propriétaire du 10-20, filiale du Groupe SNI, lui-même filiale de la Caisse des dépôts et consignations, voir l’article Le bon plan de SCIC Habitat), d’après l’association des résidents, poussent de nombreux locataires à faire leurs bagages et demander leur mutation de logement. L’absence de travaux d’entretien réclamés par les habitants y contribue aussi. Seuls une soixantaine de logements (80 selon SCIC Habitat) sur 191 sont encore occupés. Suffisamment pour que l’association des résidents parle d’une « vacance organisée par la SCIC ». Tout bénef ’ pour le bailleur car, dans l’attente d’une charte de relogement pas encore signée entre les habitants et leur bailleur, les frais de déménagement sont encore à la pomme des locataires.

De nombreuses associations et collectifs d’habitants s’étaient joints à l’organisation de ce repas partagé. Sophie Berckelaers, metteuse en scène de la compagnie Les Petits Poids, installée depuis « neuf ans en bas du 10 galerie de l’Arlequin », va devoir déménager sa troupe : « C’est tout un travail social qui part. Il faut beaucoup de dialogue pour prendre racine dans un quartier. La démolition, c’est du replâtrage social, ça détruit tout ce travail. » « L’ouverture, ce n’est pas que mécanique. Ça doit passer par une ouverture sociale, par exemple avec l’implantation de commerces », poursuit un habitant.

Les locataires aimeraient pouvoir se tourner vers la mairie, opposée à la démolition, mais qui reste dans les clous de la négociation avec l’Anru, l’Agence nationale de rénovation urbaine. « On est là dans des logiques qui ne sont pas forcément
celles que nous portons », a expliqué Éric Piolle, maire de Grenoble, lors de la réunion publique du 10 mai, « aujourd’hui, il y a plus de projets que de financements [de l’Anru, ndlr] ». En clair, il faut faire des concessions à l’Anru pour obtenir des sous.

« L’Anru voulait plus de démolitions. Ils avaient deux grosses cibles : le 10-20 et le 90 [galerie de l’Arlequin, ndlr]. On a été voir les membres de l’Anru pour faire valoir les enjeux de la réhabilitation, ça nous a permis de repousser la  démolition du 90 », poursuit le maire.

C’est pas moi

Lors du repas, les habitants du 10-20 ont reçu la visite de Michel Destot, indéboulonnable député, candidat à sa réélection (1) et maire de Grenoble de 1995 à 2014. Questionné à propos du rachat de l’immeuble par SCIC Habitat (voir ci-contre), l’ex-maire se défend : « Nous on était pour la réhabilitation. C’est la nouvelle municipalité qui a autorisé la vente. » Une certaine manière de présenter la réalité : la vente a certes été signée le 30 juin 2014, trois mois après l’élection d’Éric Piolle, mais les tractations couraient depuis 2012…

Encouragé à avoir « plus d’audace », M. Piolle s’énerve : « L’audace, on fait que ça ! Moi, je suis arrivé au bout. La démonstration du surcoût de la démolition par rapport à la reconstruction, on l’a exposée ! » Pas suffisant pour les habitants qui vont voir leur logement démoli. La destruction du 20, voulue par l’Anru et par SCIC Habitat, est actée par la mairie : « L’enjeu maintenant, c’est de sauvegarder le 10, car la SCIC et l’Anru sont pour sa démolition… »


(1) Cet article a été publié dans le numéro 20 du Crieur papier, fin mai 2017. Depuis, les élections législatives ont eu lieu et M. Destot a perdu son fauteuil, éliminé dès le premier tour.