Le bailleur social qui a racheté le 10-20 galerie de l’Arlequin en 2014 pour le rénover souhaite maintenant la destruction du 20. Une bonne affaire pour lui.
Le 10 mai (voir l’article « Non à la destruction du 20 »), Éric Piolle s’interrogeait : « Je ne m’explique pas la volonté de démolition du 20 par SCIC Habitat. » Pourquoi un bailleur social qui rachète 191 logements en 2014 souhaiterait leur démolition deux ans plus tard ? En 2008, lors du premier volet de la rénovation urbaine sur le quartier, la Société dauphinoise pour l’habitat (SDH) s’engageait sur la rénovation coûteuse du 40 galerie de l’Arlequin (voir l’article Au 40, une rénovation difficile à vivre). Le bailleur a alors une idée malicieuse : se séparer de deux immeubles, le 10-20, pour pouvoir payer la rénovation du 40.
En 2012, « la Ville de Grenoble a sollicité le Groupe SNI [la maison-mère de SCIC Habitat, elle-même filiale de la Caisse des dépôts, ndlr] pour le rachat du 10-20. », racontent au Crieur Orélie Contreras et Luc Ferley, respectivement « responsable d’opérations » et « directeur de la maîtrise d’ouvrage et du patrimoine » de SCIC Habitat Rhône-Alpes. Outre une rentrée d’argent frais pour la SDH, cette vente permettait l’arrivée d’un nouveau bailleur pour répartir les frais de
rénovation.
La transaction doit avoir lieu en 2013 mais se fait attendre. Une convention est finalement signée entre le Groupe SNI et la ville de Grenoble : en contrepartie du rachat pour un prix « en-dessous du marché » dixit SCIC Habitat et d’un engagement à rénover les 191 logements, le bailleur obtient « de la Ville des droits à construire pour le développement de son offre locative sur la commune ». Le 30 juin 2014, la SDH et SCIC Habitat signent la vente qui prend effet le lendemain. SCIC Habitat n’obtiendra jamais les contreparties foncières.
Le bailleur commence à étudier la rénovation avant même la vente. Un appel d’offres pour une maîtrise d’œuvres est lancé en mai 2014. Le cabinet retenu conclut en 2015 que « le coût de rénovation par logement, sur les mêmes critères que pour le 40 galerie de l’Arlequin, atteindrait 120 000 € TTC », selon Luc Ferley, qui ajoute : « pour de la construction, on tourne autour de 140 000 € TTC. » Soit plus cher que la rénovation, surtout en ajoutant les coûts de démolition de l’immeuble existant. Nul besoin d’une rénovation aussi complète qu’au 40, telle la segmentation des coursives, dénoncent également les locataires.
Des coûts de rénovation que SCIC Habitat juge excessifs. En décembre 2014, la Villeneuve est retenue pour le second volet de la rénovation urbaine. SCIC Habitat flaire le bon coup. Car l’Anru est plutôt généreuse avec les bailleurs démolisseurs (1) : outre une subvention à la démolition, qui prend en compte l’indemnisation de « compensation de la valeur nette comptable de l’immeuble » (à sa valeur d’achat dans le cas d’une vente de moins de cinq ans, le cas du 10-20), l’indemnisation de « la perte d’exploitation » correspondant à 18 mois de loyers ainsi qu’un « forfait pour le relogement » des locataires, l’Anru allonge aussi l’oseille pour la reconstruction de logements par le bailleur, sous forme de prêt à intérêts remboursés et de subventions.
Et comme le règlement de l’Anru interdit de reconstruire dans les « quartiers prioritaires », ces nouveaux logements seront bâtis dans des zones où les apparts, donc les loyers, sont plus chers.
Acheter un immeuble à bas prix, promettre de le rénover, finalement le démolir en étant indemnisé, tout en recevant de l’argent pour reconstruire dans des plus beaux quartiers, SCIC Habitat a trouvé le bon plan.
(1) Point 2.2.1 « La démolition de logements locatifs sociaux », page 15 et suivantes, et point 2.3.1 « La reconstitution de l’offre de logements locatifs sociaux », page 21 et suivantes, du Règlement général de l’Anru relatif au NPNRU.
3 Commentaires
Liov dit: 28 juin 2017 à 20 h 28 min //
Et qui siège au bureau et au CA de l’Anru ? Outre une belle brochette de ministre en tout genre, il y a la Caisse de depot et consignation : une main sur le portefeuille, l’autre avec la SNI-Scic HRA pour le dépenser…
Il n’y a qu’un représentant des associations, Raymond Haeffner, un alsacien, plutôt bien et engagé, mais il ne doit pas pouvoir faire grand chose, le pauvre. Quoique ce serait toujours bien de lui faire passer les articles (compte tenu de l’efficacité de la cnl 38, il y a peu de chance qu’il ait été informé…)
Oliyahavai dit: 30 août 2017 à 16 h 47 min //
Ce que vous écrivez est partisan. Au-délà d’une comparaison honnête entre le coût des rénovations et le coût des démolitions et reconstructions de logements pour le bailleur, vous omettez de mentionner par les logements reconstruits doivent être très sociaux, donc a priori pas le segment le plus lucratif pour l e bailleur. Sans parler du fait que ces opérations donnent une opportunité aux personnes qui n’ont pas choisi d’habiter dans des conditions très dégradées, d’habiter dans de meilleures conditions (ailleurs et dans un logement neuf). Je dis ça, je dis rien…
Benjamin Bultel dit: 7 septembre 2017 à 12 h 28 min //
La comparaison des coûts a été faite par la SCIC et est citée dans l’article : 120 000 € par logement pour la rénovation, 140 000 € pour la construction (donc sans prendre en compte les frais de démolition). Le règlement du NPNRU n’impose qu’un seuil minimal de 60 % de nouveaux logements en PLAI (Prêt locatif aidé d’intégration, la catégorie d’HLM qui offre les plus bas loyers) tout en insistant sur le fait de mélanger les catégories d’HLM : « Dans le but de compenser l’offre à bas loyer supprimée dans le cadre du projet urbain, et de concourir au rééquilibrage du logement social à bas loyer sur le territoire de l’agglomération, il sera recherché un objectif d’au moins 60 % de reconstitution de l’offre sous forme de logements en PLAI. La mixité des produits doit être privilégiée dans ces opérations de reconstitution. »
La rénovation des logements du 20 galerie de l’Arlequin offrirait aussi, comme vous dites, « l’opportunité d’habiter dans de meilleures conditions » et permettrait aux locataires qui souhaitent rester dans le quartier de continuer d’y habiter.