
Alors que la quatrième édition du street art fest commence à Grenoble, la mairie a publié un guide de l’art urbain à Villeneuve. Très loin d’être exhaustif. Rencontre avec certains oubliés, parmi les premiers graffeurs de Grenoble, devant la « galerie de l’Arlequin ».
Dans le guide Place(s) à la culture – Parcours culturels sur le secteur 6, la ville de Grenoble recense les œuvres à Villeneuve. Le lecteur y trouve les créations originelles du quartier (L’indien sur la butte, la fresque d’Ernest Pignon-Ernest sur la Bourse du travail, les géants de la PDG) ainsi que les œuvres réalisées dans le cadre du street art fest. Mais entre les deux, il semblerait qu’il y ait eu quarante ans de vide artistique… Bien loin de la réalité et il est temps de réparer cette négligence.

La « galerie de l’Arlequin », ensemble de fresques réalisées entre 1995 et 1997 en bas des 160 et 170 galerie de l’Arlequin. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)
La bien nommée « galerie de l’Arlequin », en bas du 160 et 170 galerie de l’Arlequin, dévoile ses couleurs entre les piliers. Une douzaine de graffiti (voir encadré C’est du graff ou du tag ?) s’étalent sur les murs, comme une galerie d’art en plein air. Des fresques réalisées entre 1995 et 1997, à peine abîmées.
Jérôme Favre, alias Nessé, fait partie des différents graffeurs « exposés » ici. Il est depuis devenu « artiste-peintre en bâtiment » (les fresques de l’Estacade, c’est lui). « On avait tous entre 18 et 20 ans », raconte-t-il, face à sa fresque, un portrait du reggaeman Peter Tosh. « C’est Mosdé, un graffeur, qui a obtenu un financement DSU [dotation de solidarité urbaine, ndlr] pour cette initiative. »
Yann Vigne, alias Mosdé, est une figure du milieu hip-hop villeneuvois et grenoblois. Joint par Le Crieur, il se souvient des débuts : « On a demandé une subvention pour les bombes puis on s’est distribué les murs. Pour le recrutement, on a fait du bouche-à-oreille. C’était un petit milieu à l’époque, on était une trentaine de graffeurs à Grenoble. »
Gloire à l’art de rue
« Tu veux une anecdote ? J’étais ici, en train de faire la fresque, un toxico passe et dit : « Maramé, t’as dessiné Bob Marley ! » Bon, c’était Peter Tosh, mais ça fait plaisir ! D’ailleurs je sais pas trop pourquoi Peter Tosh… Il y avait un petit posse reggae à Villeneuve, deux mecs des Sinsé [Sinsemilia, ndlr] habitaient juste au-dessus. »
Pourquoi à cet endroit précis de l’Arlequin ? « Il y avait beaucoup de tags ici. Et puis le lieu s’y prêtait bien. », se souvient Mosdé. « Ici, au 170, c’est des œuvres de coloristes, de « fresqueux ». On voulait valoriser cet espace, rendre l’endroit agréable, parce qu’à l’époque, déjà, le quartier commençait à avoir mauvaise image et tout le monde mélangeait le graff et le tag. », précise Jérôme Favre.
Le graffiti, message écrit sur un mur, est vieux comme le monde. Sa forme la plus récente désigne une forme d’art urbain de la culture hip-hop (qui regroupe le graff, le rap, le DJing et le breakdance). Apparu à la fin des années 60 à New York (ou à Philadelphie, il y a débat), il débarque en France en 1983. Le tag (étiquette en anglais) est la signature ou le pseudo d’un graffeur. C’est la forme originelle du graff contemporain : pour mieux sortir de la masse, les tagueurs ont rivalisé de stylisme dans leur lettrage, donnant naissance au graff.
La Villeneuve influence Grenoble
La « galerie de l’Arlequin » s’inscrit dans l’histoire de l’art du quartier et sa démocratisation. « Avant, le street art, c’était des peintres ou des archis. Là, on était tous des acteurs du hip-hop. », explique Jérôme Favre, « Villeneuve, c’était un gros quartier de graffeurs. Mais ça graffait pas trop dans le quartier, plutôt dans les friches. Les premières brûlures, c’était la friche à l’emplacement de Vigny-Musset, les anciennes usines Cémoi et les quais de l’Isère, qui restent le meilleur spot de Grenoble. »
Quant aux oublis du guide, ils n’étonnent pas le graffeur : « Artistiquement, le street art fest, c’est chouette. Mais leur discours annihile toute l’histoire du graff à Grenoble… »
Contactée par Le Crieur, la mairie n’a pas voulu donner suite à notre demande d’interview.
À retrouver : la galerie photo de l’art urbain à Villeneuve (régulièrement mise à jour).
Un commentaire
Willy dit: 14 novembre 2018 à 8 h 08 min //
Merci pour ce beau retour aux sources 🙂