Ras-le-bol contre les incendies à répétition
Les habitant.e.s du 10-20 galerie de l’Arlequin et le DAL ont appelé à un rassemblement contre les mauvaises conditions d’entretien des deux montées, lundi 27 janvier. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Les habitant.e.s du 20 galerie de l’Arlequin ont dénoncé le manque d’entretien de l’immeuble, marqué par les incendies à répétition.

« Ici, c’est le lieu de l’incendie de colonne, là où est parti l’avant-dernier feu. », désigne Virgile Gavillet, habitant du 20 galerie de l’Arlequin. Le 27 janvier, des habitant·e·s et l’association Droit au logement avaient convié à un rassemblement pour dénoncer le manque d’entretien de deux montées, le 10 et le 20 galerie de l’Arlequin, par leur bailleur social, CDC Habitat.

Tract du DAL 38 appelant au rassemblement devant le 20.

Cinq incendies sont survenus au 10-20 galerie de l’Arlequin ces derniers mois. Notamment un d’encombrants, dans une coursive, et deux dans des gaines techniques, les 19 et 20 janvier dernier. « On parle bien d’incendies volontaires, explique Virgile Gavillet. Lors du dernier, il y a eu une explosion. Ce n’était pas un gamin qui jouait avec un briquet, c’était un engin incendiaire. »

Pour Mélanie, habitante du 10, « le problème, c’est que les gaines techniques sont ouvertes depuis au moins début 2019. Du coup, les gens déposent les détritus dedans. » Mélanie a pris l’initiative de « récupérer les détritus pour les mettre dans les containers », afin d’éviter les incendies. « J’habite juste au-dessus. Si ça prend feu, je rôtis. » Les habitant·e·s ont multiplié les signalements auprès de CDC Habitat pour faire enlever les détritus dans les parties communes et dans les gaines techniques. Sans trop de succès. La Régie de quartier, association du quartier chargée de l’entretien, rappelle qu’elle n’intervient que sur demande du bailleur et facture l’intervention : « Mais depuis les incendies de janvier, on est un peu plus proactif sur le ramassage des encombrants, tout en continuant à facturer au bailleur et en le tenant informé. »

Les habitant·e·s dénoncent également les négligences du bailleur sur les questions de sécurité. Ainsi, une sortie de secours « a été condamnée » par le bailleur. « CDC Habitat a installé une centaine de portes anti-squat, avec alarme et caméras anti-intrusion, raconte Virgile Gavillet. Par contre, pour changer la vitre cassée de la porte coupe-feu, ils ne font rien. Résultat, on a tous été enfumés quand il y a eu l’incendie dans l’autre coursive. »

Une plainte a été déposée contre le bailleur pour défaut d’entretien et mise en danger de la vie d’autrui. Les habitant·e·s encore présents reconnaissent cependant « un changement d’attitude depuis une semaine ». « Peut-être que le fait d’avoir porté plainte a aidé… », suppose l’un deux.

Le rachat du 10-20 galerie de l’Arlequin en 2014 basé sur des études hasardeuses

Les 10 et 20 galerie de l’Arlequin ont été vendus par la Société dauphinoise pour l’habitat (SDH), le bailleur social propriétaire originel, à la SCIC Habitat, un autre bailleur social, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en 2014. Le tout pour un prix modique, autour de 250 euros le mètre carré. L’idée, à l’époque, était de multiplier les bailleurs à l’Arlequin, afin de répartir des coûts de la réhabilitation de la galerie, et d’apporter des liquidités à la SDH pour rénover le 40 galerie de l’Arlequin. En 2014, la convention signée entre la ville de Grenoble, la SDH et la SCIC Habitat stipulait que cette dernière s’engageait à rénover les 10 et 20 galerie de l’Arlequin et à faire de l’accession à la propriété pour les locataires.

Las, prétextant la sous-estimation des coûts de rénovation, la SCIC Habitat, devenue en 2018 la CDC Habitat, a depuis renoncé à la rénovation et milite pour la démolition des deux montées, empochant quelques millions d’euros d’aide publique au passage (lire Le bon plan de SCIC Habitat, article publié en 2017). La démolition du 20 a été actée dans la convention du Nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU, ou Anru 2), signée en 2019. L’avenir du 10 est encore incertain.

Cette sous-estimation des coûts par la CDC Habitat est-elle volontaire ou de l’incompétence ? L’Ancols (Agence national du contrôle du logement social, organisme public dépendant du ministère de la Ville et du Logement) a publié en 2019 un rapport sur la gestion de la SCIC Habitat Rhône-Alpes, déterré par l’Association des résidents du 10-20 Arlequin. Entre autres critiques, l’Ancols tacle la SCIC Habitat pour son rachat hasardeux des 10 et 20 galerie de l’Arlequin :
« En 2014, la société a acquis, auprès d’un autre bailleur social, 191 logements de l’ensemble immobilier l’Arlequin, situé dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble, en vue de procéder à un lourd programme de réhabilitations. En dépit de l’ampleur de cette opération, dont le seul coût d’acquisition s’est élevé à 3,8 M€, la société n’a pas procédé préalablement à une étude financière, technique et commerciale complète. Or, aux termes du diagnostic technique réalisé postérieurement à l’acquisition, le programme de travaux nécessaire s’élève à 17,1 M€, contre 10,9 M€ budgétés, ce qui représente un surcoût de 57 %. Dès lors le projet a été profondément remanié, la société privilégiant désormais la démolition de 95 logements, financée pour partie par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). » (page 8).
« Pour recevable qu’il puisse être, cet argument [limiter l’impact financier des réhabilitations engagées par la SDH, ndlr] ne pouvait être de nature à exonérer la société [SCIC Habitat Rhône-Alpes, ndlr] de procéder aux études préalables requises pour s’assurer de la faisabilité socioéconomique et de l’équilibre financier de cette opération. » (page 25).
En clair, en 2014, la SCIC Habitat a fait de belles promesses de rénovation du 10-20 galerie de l’Arlequin en se basant sur des études techniques et financières foireuses. Avant de faire machine arrière et d’annoncer aux locataires la démolition de leur immeuble. Mais, il est vrai, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.