Le collectif contre les démolitions à Villeneuve veut son RIC
Quelques membres du collectif contre les démolitions imposées à Villeneuve, devant l’Hôtel de ville de Grenoble, mardi 8 janvier. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Le collectif contre les démolitions imposées à Villeneuve a remis une lettre à l’équipe municipale réclamant l’organisation d’un référendum pour que les Villeneuvois·es se prononcent pour ou contre la démolition de logements sociaux dans le quartier.

Nouvelle année et nouveau front pour le collectif contre les démolitions imposées à la Villeneuve. Le groupe, qui lutte depuis 2016 contre les démolitions de logements dans le quartier, en particulier ceux du 20 galerie de l’Arlequin, maintient la pression.

S’inscrivant dans le mouvement de protestation national des gilets jaunes et leur revendication emblématique, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), le collectif souhaite la mise en place d’un tel référendum dans le quartier au sujet des démolitions de logement sociaux. Le RIC (ou RIP, pour référendum d’initiative populaire) est un outil de démocratie directe qui permet de faire voter, par référendum, une population ou une partie de la population sur un sujet choisi par elle-même. Le collectif prend ainsi au mot Éric Piolle, maire de Grenoble, qui, dans une vidéo postée sur YouTube le 18 décembre 2018, soutient l’instauration du RIC.

Mardi 8 janvier, le petit groupe rassemblé sur le parvis de l’Hôtel de ville a convoqué les médias pour la remise officielle d’un courrier réclamant la mise en place de cette consultation. « On a été étonnés de voir Éric Piolle mettre en avant le RIC. On s’est dit : « Chiche ! ». Pourquoi ne pas organiser un RIC à la Villeneuve avant que la convention Anru [qui liera collectivités locales, bailleurs sociaux et l’Agence nationale de rénovation urbaine, ndlr] ne soit signée mi-février. », explique André Béranger, un des membres du collectif.

« On est dans l’esprit même de ce que réclament les gilets jaunes. L’idée est que les gens de Villeneuve, dans le périmètre de l’Anru, puissent s’exprimer pour ou contre les démolitions de logements sociaux dans le quartier. On est persuadés qu’il y aurait un fort pourcentage de votants. C’est utile pour une population qui s’exprime très peu. », continue-t-il.

Pétitions

Face à des démolitions qui sont « un gâchis social et écologique, un gaspillage d’argent », une telle consultation locale s’inscrit à la suite de deux pétitions contre les démolitions. Une première, en 2017, avait recueilli 1700 signatures, avant que le collectif n’en lance une seconde, en 2018, pour observer les contraintes du dispositif d’interpellation citoyenne mise en place par la municipalité en 2016(1). Celle-ci avait recueilli les 2000 signatures de Grenoblois·es nécessaires, ouvrant la porte à un débat en conseil municipal. Ce qui aurait pu aboutir, en cas de refus du conseil municipal d’interdire les démolitions, à un vote de la part des Grenoblois·es. Las, le dispositif avait été annulé par le tribunal administratif de Grenoble en mai 2018. Le collectif avait dû se contenter de prises de parole lors du conseil municipal de juin, sans réel débat et sans espoir de pouvoir demander l’avis des Grenoblois·es. « Malgré ces pétitions, on a l’impression de ne pas avoir été entendus. », résume un opposant aux démolitions.

Alan Confesson reçoit le courrier du collectif réclamant la mise en place d'un RIC dans le quartier. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Alan Confesson reçoit le courrier du collectif réclamant la mise en place d’un RIC dans le quartier. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Venu déposer le courrier réclamant la mise en place d’un RIC et l’obtention d’un rendez-vous d’organisation du référendum avec la mairie, le collectif a été reçu par Alan Confesson, conseiller municipal et coprésident du groupe RCGE (Rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes, majorité municipale), qui a reçu le courrier en main propre. « La revendication de mettre en place un RIC est juste. », détaille-t-il au collectif. « Il y a déjà eu un dispositif de ce type, ici à Grenoble [l’interpellation citoyenne, ndlr], mais l’État a cassé ce dispositif. La ville de Grenoble a fait appel de cette décision. Nous sommes prêts à avoir ce débat sur une nouvelle procédure d’interpellation, mais là, on est dans une procédure judiciaire. Et on ne va pas remettre en place quelque chose dont on sait que ça va être cassé. »

Le conseiller municipal précise que la mairie est « prête à faire bout de chemin avec le collectif pour interpeller État », avant de proposer d’interpeller Émilie Chalas, députée La République en marche de la troisième circonscription de l’Isère (qui englobe la Villeneuve) et co-rapporteuse d’une mission sur « la démocratie locale et la participation citoyenne » avec Hervé Saulignac, député PS de l’Ardèche.

Référendum local

Jointe par Le Crieur, Émilie Chalas explique le contexte de sa mission : « Ce n’est pas du tout en réaction aux gilets jaunes, la mission a été lancée avant. L’actualité a décalé le rendu, qui sera présenté en commission des lois mi-janvier ou fin janvier. »

Sur la possibilité d’organiser un RIC au sujet des démolitions de logements sociaux, la députée tranche net : « Moi, je m’en réfère à la loi. Demander un RIC n’aboutira à rien [puisqu’il n’est pas inscrit dans la loi], d’un point de vue médiatique par contre c’est malin, ça fait le buzz. Ce n’est même pas mairie qui a la compétence mais la Métro et l’État… » La situation est plus complexe que cela : si le dossier Anru est bien dirigé par la Métro, le maire de Grenoble a le pouvoir de refuser de délivrer un permis de démolir. Le collectif contre les démolitions imposées à la Villeneuve prend d’ailleurs l’exemple sur le maire d’Hombourg-Haut (Moselle) qui a refusé d’accorder un permis de démolir à un bailleur social en novembre 2018.

Une fois lancée, Émilie Chalas est intarissable de critiques envers la politique de la municipalité actuelle. Avant de lui renvoyer la balle : « Le référendum local existe. La mairie pourrait prendre ses responsabilités et s’engager sur les résultats de la consultation. » Car ce type de référendum, inscrit dans la constitution en 2003, nécessite plus de 50 % de participation pour être approuvé. En deçà, il n’est que purement consultatif. Un seuil quasiment impossible à atteindre pour un référendum. L’élection municipale de 2014 à Grenoble avait à peine attiré 52 % des électeurs au premier tour. C’était d’ailleurs l’avantage du dispositif d’interpellation citoyenne mise en place par la municipalité actuelle qui avait fixé un seuil de 20 000 voix (soit environ 25 % des électeurs), déjà très compliqué à atteindre.

Entre la mairie qui ne prendra pas le risque de relancer un dispositif de participation citoyenne local sans cadre légal et un cadre légal justement inatteignable, il ne reste que peu de solutions pour le collectif contre les démolitions imposées. Mais certains de ses membres ont d’ores et déjà prévenu qu’ils étaient prêt à organiser eux-mêmes un référendum.


(1) Le dispositif d’interpellation et de votation citoyenne, promesse de campagne, a été mis en place par la municipalité en 2016. Si une pétition recueille plus de 2000 signatures de Grenoblois âgés de plus de 16 ans, la proposition est examinée en conseil municipal, qui peut l’adopter ou non. En cas de refus, la proposition est soumise au vote des Grenoblois de plus de 16 ans. Si elle recueille plus de 50 % des votes et que le nombre total de votes en faveur de la proposition dépasse les 20 000, la proposition est adoptée. Le système combine deux possibilités inscrites dans la Constitution : celle qui permet, via une pétition, d’inscrire un sujet à l’ordre du jour du conseil municipal et celle qui permet la mise en place d’un référendum local par la mairie.

Seules trois pétitions ont atteint le seuil des 2000 signatures. Celle contre l’augmentation du tarif de stationnement des voitures, en 2016, refusée par le conseil municipal. Appelés à voter, les Grenoblois ont refusé à 66 % l’augmentation mais le nombre de votants contre l’augmentation (plus de 4500) était bien loin du seuil à atteindre (20 000). La mairie a donc maintenu l’augmentation.

En 2017, la pétition contre la fermeture de trois bibliothèques a bien recueilli les 2000 signatures mais il n’y a pas eu de vote des Grenoblois, malgré de nombreuses protestations. La mairie a estimé qu’elle avait bien modifié sa décision de fermer les bibliothèques dans le sen de la pétition (en conservant des points lecture) et que les porte-parole du collectif contre la fermeture des bibliothèques avaient démissionné.

En 2018, la pétition contre la démolition du 20 galerie de l’Arlequin a atteint les 2000 signatures, malheureusement le tribunal administratif de Grenoble a invalidé le dispositif d’interpellation citoyenne mis en place par la mairie, rendant impossible le vote des Grenoblois à ce sujet. Le collectif contre la démolition du 20 a pu, en lot de consolation, prendre la parole en conseil municipal.