Fin de partie pour les contrats aidés
Au Sénégal, Fatou avait son propre restaurant, le Zena. (photo : M.-A. Marchal)

Depuis l’annonce brutale du gel des contrats aidés par le gouvernement, certaines associations sont en péril. D’ après la Préfecture, 160 emplois seraient directement concernés à Grenoble. Fatou et Mélanie sont deux bénéficiaires de ces emplois aidés. Dans le tumulte de la rentrée et des décisions du gouvernement, elles sont en passe de perdre leur travail.

« C’est la première fois que j’ai un boulot comme ça : valorisant et stable », confie Mélanie. Elle travaille au PIMMS [Point information médiation multi-services] de la Villeneuve. En tant qu’ agente de médiation, elle est en contrat aidé depuis un an, en CDD de 35 heures renouvelable une fois. Avec ses collègues, Mélanie accompagne les habitants du quartier dans leurs démarches pour les dossiers d’aide au logement de la CAF, des demandes de CMU, des recours… « On est là pour aider les gens face aux problèmes du quotidien, on les guide lorsqu’ils ne parlent pas bien français par exemple   », précise-t-elle.

Les contrats aidés sont des dispositifs dédiés aux publics éloignés de l’emploi. L’État, via Pôle emploi, facilite leur embauche grâce à un appui financier, qui oscille entre 7  000 et 11 000 euros par an. Mais ils sont en sursis depuis la fin de l’ été. La décision abrupte du gouvernement de geler ces contrats a laissé Pôle emploi dans le flou pendant de nombreuses semaines.

« Mon patron m’a dit de ne pas revenir au travail le lendemain »

Mélanie a appris que les emplois aidés étaient suspendus quelques jours avant son renouvellement. « J’étais en vacances et j’ai vu passer cette information à la télévision. Au départ j’ai cru que c’était faux. Mais le dernier jour de mon contrat, après avoir enfin eu Pôle emploi au téléphone, mon patron m’a dit de ne pas revenir le lendemain car d’après l’organisme, mon contrat ne pouvait pas être reconduit. » C’était le jeudi 7  septembre.  Mais à la fin du mois, Mélanie est encore là, au PIMMS. L’ ancienne peintre en bâtiment reconvertie, donne un coup de main bénévolement, c’ est sa manière à elle de faire « blocus  ».

Fatou Bitey, la cuisinière du bar associatif Le Barathym est dans la même situation.
« Mon contrat se termine dans trois jours [le 18 septembre, ndlr] et personne ne me dit clairement que c’est la fin. Personne n’ est là pour me rassurer. » Pourtant, Thomas Pedron-Trouvé, le coordinateur du Barathym se bat pour en savoir d’avantage auprès de Pôle emploi. Mais l’organisme est aussi dépassé que les bénéficiaires.

Chronique d’une fermeture programmée

Si Fatou n’est pas renouvelée, il n’ y aura plus de cuisinière au Barathym et l’ avenir du café-associatif semble compromis. Lors d’une conférence de presse le 7  septembre, Thomas est las : « La seule entreprise rentable aux yeux du gouvernement actuel c’est une machine qui fournirait des plats surgelés micro-ondables. »

Au PIMMS, on évoque la potentielle fermeture d’une antenne. C’est le local de  Pont-de-Claix qui est concerné. Là-bas, l’ équipe est composée de trois agents et l’un d’ entre eux est dans la même situation que Mélanie. Entre les jours de congés à rattraper et les contrats qui se terminent, il ne restera plus qu’un salarié en octobre. « S’ il n’ y a pas de renouvellement, le PIMMS de Pont-de-Claix fermera ses portes, ce qui signifie que 700 rendez-vous ne seront pas honorés », confie Mélanie.

Fatou a quatre filles et être en emploi aidé lui permettait de suivre une formation diplômante : « J’ai fait les démarches pour passer mon CAP cuisine au Greta [un centre de formation continue pour adultes, ndlr]. J’avais envie d’ ouvrir mon propre restaurant après mon expérience au Barathym et ma formation. Mais sans emploi aidé, je n’ai plus accès au Greta. »

« Ici, je fais quelque chose que j’aime »

Avant d’être au Barathym à réchauffer les cœurs avec son poulet yassa, sa ratatouille ou ses lasagnes, Fatou en a fait des petits boulots. « J’ ai fait des ménages, j’ai été aide à domicile, j’ ai même fait des tresses aux États-Unis ! Mais ici je fais quelque chose que j’ aime. Je ne me sens pas fatiguée à la fin de ma journée. » Mélanie aussi a eu du mal à trouver un emploi alors qu’elle en cherchait dans le secteur du bâtiment. Également maman de quatre enfants, l’agente de médiation a été formée par les Compagnons d’Échirolles, puis elle a suivi une formation complémentaire en décoration d’ intérieur. Malgré ça, elle ne trouve pas de travail. Mélanie bénéficie alors du dispositif « Envolée féminine » de Pôle emploi. Un parcours dédié aux femmes. C’est dans ce cadre qu’elle a fait un stage au PIMMS, avant d’être embauchée pour un an par la structure.
« Quand je suis venue ici pour la première fois j’ai eu peur. Moi et l’administration ça faisait 2, même 10. J’ avais peur de décrocher un téléphone ! Mais maintenant je m’y plais. Jamais je n’aurais cru aimer travailler dans un bureau » sourit Mélanie.

Les deux femmes n’ ont encore rien de prévu pour la suite. Mélanie est toujours dans l’attente car d’après son patron, son contrat devrait finalement être reconduit pour 6 mois maximum. Mais pour le moment, les informations sont parcellaires et contradictoires.

À quelques minutes du bouclage, Le Crieur a appris que Pôle emploi avait appelé Le Barathym. Le contrat de Fatou serait reconduit pour 6 mois, et financé à hauteur de 50 %. Affaire à suivre donc.

À retrouver ici, le communiqué du collectif des associations contre le gel des contrats aidés et ici, la carto-crise.