
Après l’annulation du festival Quartiers libres en juin 2015, l’association Sasfé, qui porte aussi le projet musical In Situ, se retrouve au bord du précipice. Lors de sa dernière assemblée générale, la dissolution a été longuement évoquée, sans avoir encore été votée.
Ces derniers mois, l’association Sasfé c’était un peu comme la crise de la dette publique en Grèce, avec ses relations compliquées avec ses financeurs, ses réunions de la dernière chance qui se succèdent et ses rebondissements médiatiques. Sauf que cette fois-ci, l’assemblée générale de l’association du jeudi 22 octobre semblait bien marquer le début de la fin de l’association.
Les trois heures de réunion ont abouti à la reconduction, par défaut, du conseil d’administration de l’association – dont la plupart des membres souhaitaient démissionner – le temps d’organiser une assemblée générale extraordinaire. Assemblée qui devra choisir entre la dissolution de l’association ou sa reprise, bien hypothétique, par une nouvelle équipe.
Soutiens de dernière minute
La situation financière de l’association est critique : endettement, emprunt à rembourser et baisse des subventions (1). Des difficultés qui ont conduit à l’annulation de l’édition 2015 du festival Quartiers libres. Les membres de l’association, « tous un peu épuisés » d’aller courir derrière les financeurs, ont l’impression de se battre contre des moulins à vent.
Une des plus anciennes associations de la Villeneuve (Sasfé a été créée en 1998) risque donc de disparaître malgré les soutiens de dernière minute des pouvoirs publics. Yannick Lardet, président de l’association depuis sa reprise en 2013, raconte le « dernier baroud d’honneur pour sauver l’association, mené pendant les 15 derniers jours, au cours desquels l’équipe a enchaîné les réunions d’urgence avec les financeurs. » La mobilisation a porté ses fruits puisque le ministère de la Culture (2), la Métro et la ville de Grenoble débloqueraient 5 000 euros chacun (4 500 euros pour la Métro) pour que l’association puisse boucler son budget 2015 et permettre de réfléchir à 2016.
Mais il aura fallu attendre le dernier moment pour voir cette aide accordée : « Il y a un double discours de la mairie », interpelle un membre du CA, « on essaye de rencontrer Corinne Bernard, l’élue à la Culture, depuis mars. On la rencontre finalement il y a deux semaines. Elle nous dit : pas de soutien exceptionnel pour 2015 ; pas d’engagement de soutien pour 2016. Et hier [mercredi 21 octobre, ndlr], on apprend finalement que la mairie nous accorde 5 000 euros… »
Un modèle économique non viable
Sasfé sauvée pour 2015 ? Pas tout à fait puisque l’association pourrait se retrouver en cessation de paiement dès la fin du mois d’octobre si les subventions exceptionnelles promises ne sont pas versées à temps.
Plus que 2015, c’est l’année 2016 qui inquiète les membres de l’association. Le décalage entre l’engagement des dépenses et le versement des subventions nécessite un fonds de trésorerie élevé. Surtout pour une association comme Sasfé qui, au nom de l’accès pour tous à la culture, programme uniquement des événements gratuits. Ses membres réclamaient à leurs financeurs de savoir quel(s) projet(s) ils étaient prêts à soutenir financièrement. Le Conseil départemental et la Métro ont d’ores et déjà promis de financer le projet In Situ. Mais les élections régionales prochaines ne garantissent pas que la région mettra la main à la poche en 2016. La ville de Grenoble, de son côté, n’a pas pris d’engagement pour l’année prochaine, se contentant de réclamer le dépôt d’une demande de subvention. Une situation résumée par un habitant : « En gros la ville vous dit : « On vous soutient si vous continuez… » Ça se mord la queue ! »
En toute fin de réunion, le président de Sasfé tient à faire passer un message en forme de mise en garde : « Je voudrais dire à toutes les personnes attachées à la vie artistique : la crise des associations culturelles comme Sasfé montre que la relation entre les financeurs et les associations n’est plus viable dans ce contexte de baisse des dotations à la culture. Il faut prendre l’initiative soi-même, à la base, ensemble, notamment dans le quartier de la Villeneuve. »
Réussite
Si les membres de l’association accusent le coup, ils peuvent se targuer de beaux succès en deux ans. « Le festival Quartiers libres 2014 a été reconnu comme une réussite. Pareil pour In Situ [le concert de restitution, au début du mois, a réuni environ 300 personnes, ndlr]. », dit Yannick Lardet. « On a montré le quartier qu’on aime de manière différente, peut-être de façon plus décontractée, moins politisée. »
Entre l’absence de repreneurs lors de la dernière assemblée générale et des aléas pour 2016 qui empêchent toute construction d’un projet culturel, la disparition de Sasfé apparaît comme inéluctable. À tout moment l’association peut déposer le bilan. Il faudra alors convoquer une assemblée générale extraordinaire pour décider de son sort.
(1) Voir l’article du Crieur consacré à l’annulation de l’édition 2015 du festival Quartiers libres. Un cambriolage lors de l’édition 2014 a mis les comptes de l’association dans le rouge. Elle a été obligée de contracter un emprunt auprès de la MCAE et du Crédit coopératif pour boucler son exercice 2014.
(2) La subvention du ministère de la Culture est en fait une réponse positive à un dossier de financement en attente depuis six mois.
8 Commentaires
Pitiot dit: 28 octobre 2015 à 16 h 04 min //
je crois qu’il faut être réaliste, une association « culturelle » ne peut être qu’éphémère ! il faut rendre hommage à toutes ces bonnes volontés qui ont permis à Sasfé d’exister, maintenant on tourne la page et une autre association renaîtra au premier événement qui ne manquera pas de surgir ! Les politiques ont besoin de changement pour se donner l’illusion qu’ils exercent un pouvoir, mais à jouer à ce jeu ils ne se rendent pas compte qu’ils encouragent l’abstention et que le citoyen va bientôt ne plus exister, nous serons obligé de passer par une phase préhistorique de tout reconstruire…ça ne va pas être simple !
Benyoub ABDELKADER dit: 3 novembre 2015 à 10 h 11 min //
Bonjour,
Les associations à Villeneuve,
une véritable supercherie.Politique de la ville aux service d’un politique sans véritable vision,solution aux problèmes des quartiers populaires .Subventions,subventions ils courent tous après.Faudrai penser à l’autofinancement,comme le font d’autres associations à la Villeneuve. Exemple « Allons – Quartiers « .
L’argent ne fait pas tout,la solidarité,la mutualisation des outils et surtout faire les choses avec la population (ce qui est rarement le cas ) peuvent remplacer tout l’argent du monde.
BENYOUB ABDELKADER
Christophe Sacchettini dit: 5 novembre 2015 à 10 h 20 min //
Bonjour,
Vous semblez, comme beaucoup de gens que je côtoie depuis fort longtemps, avoir une dent contre les professionnels et les subventions. Le projet In Situ a été mené par 4 musiciens professionnels à la Villeneuve où deux d’entre eux habitent. Il a été co-construit avec au total une cinquantaine d’habitants rencontrés, collectés pendant deux ans, avec qui nous avons parlé, partagé, chanté, joué et fabriqué de la musique. Ces deux années ont été jalonnées par de nombreux événements : scènes ouvertes, sessions, mini-concerts, projections, lecture, une semaine d’exposition au Patio, etc. Les deux concerts de restitution (juin 2014 et octobre 2015) ont été, de l’avis unanime, de belles réussites. L’enregistrement d’un double CD est en cours. Peut-être avez-vous quelque chose à nous dire sur le concert du 1er octobre à l’Espace 600 ? Y étiez-vous ? Bien que les 4 musiciens n’aient pas ménagé leur temps et leur travail sur ces deux années, il faut bien réaliser que sans la présence et l’engagement de l’association Sasfé et les subventions inhérentes, le projet n’aurait pas été possible. Pas d’argent, pas de projet, c’est aussi simple que ça. Autre chose peut-être, mais pas ce projet-là. Mais il est sans doute plus simple de râler et d’enfoncer la tête sous l’eau d’une association portée par des gens courageux que de s’insérer dans l’action publique…
Benyoub ABDELKADER dit: 8 novembre 2015 à 9 h 27 min //
Bonjour,
Je connais très bien le monde associatif qui gravité autour des subventions des quartiers populaires de Grenoble.Des projets qui ne sont surtout pas portés par la population,et qui bénéficient à très peu.
DESOLÉ MONSIEUR mais à Villeneuve j’ai tout vu sauf des professionnels.Vous faite parti des associations que la municipalité à utilisé pour animer un quartier où les acteurs sociaux sont dépassés et les elus completement a l’ouest.Aujourd’hui,on vous coupe les subventions,il faut en tirer les conclusions vous devez fermer.Avec l’autofinancement ceci ne serai pas arrivé.
Pas d’argent pas de projet ceci est faux.Je connais des associations sur Villeneuve qui travail énormément,rien qu’avec l’autofinancement.
Pour exemple,38 NAPALM que je dirige et ALLONS – QUARTIERS que j’anime depuis 2008 à la Villeneuve.Renseignez-vous,ces deux associations sont toujours en activité es, elles fonctionnent avec ce que la population donne mais surtout de la motivation.
Il faut arrêter avec ces associations qui surf sur les subventions des quartiers populaires, souvent sans la population du quartier.
Pour info,j’ai participe à la création de L’ALLIANCE-CITOYENNE véritable solution pour donner la parole et le pouvoir d’agir à une population de plus en plus méprisée.
DES GENS COURAGEUX OU DES GENS SUBVENTIONNES CE N’EST PAS LA MÊME CHOSE.
BENYOUB ABDELKADER
Christophe Sacchettini dit: 8 novembre 2015 à 15 h 20 min //
Bonjour,
La question que vous posez, sur la pertinence des subventions pour mener à bien des projets de quartier, est une vraie question qui fait couler de l’encre depuis des décennies et nous n’épuiserons pas le débat ici. Dans le cas présent :
que vous le vouliez ou non, Marie Mazille et moi-même sommes musiciens PROFESSIONNELS résidants à la Villeneuve. Nous ne sommes pas membres de Sasfé. Mais je redis ici que sans Sasfé, nous n’aurions jamais pu mettre ici en oeuvre ce travail qui a réuni pendant 2 ans des PROFESSIONNELS et des habitants du quartier. C’est l’exemple réussi d’une collaboration entre des PROFESSIONNELS et des gens jeunes, militants, énergiques et courageux, qui ont été jusqu’à investir de leurs propres deniers dans la survie de l’association. Des citoyens sans cadre associatif ou « autofinancés » auraient peut-être réussi à monter cela sans nous, mais il se trouve que cela n’a pas été fait avant et que l’idée vient de nous au départ. Le projet IN SITU survivra à Sasfé et nous irons porter ailleurs cette belle aventure, partout où des dispositifs de financement nous permettront de travailler. En attendant nous vous donnons rendez-vous place des Géants fin mars pour le prochain concert IN SITU porté ici par le Festival DÉTOURS DE BABEL…et pour la sortie du CD ! En principe, la musique apaise les tensions pour peu qu’on veuille l’écouter.
Benyoub ABDELKADER dit: 8 novembre 2015 à 12 h 02 min //
Bonjour Monsieur SACCHETTINI,
A lire pour information
http://www.ledauphine.com/isere-sud/2015/05/16/marianne-a-du-mal-a-reconnaitre-une-partie-de-ses-enfants
http://www.communique-de-presse-gratuit.com/allonsquartiers/127755-allons-quartiers-a-propos-des-rapports-sur-les-banlieues.html
BENYOUB ABDELKADER
Benyoub ABDELKADER dit: 11 novembre 2015 à 9 h 02 min //
Bonjour,
Si j’ai bien compris vous écumez les quartiers populaires à la recherche de subventions…….
Malheureusement vous mélangez militantisme,monde associatif,monde politique.Au moins vous avez compris comment dans les quartiers populaires de France il est possible d’atteindre les subventions.
À Villeneuve nous avions les « soixante huitard » attardés, maintenant nous avons les professionnels subventionnés……..
Je reconnais là, le professionnel…..
BENYOUB ABDELKADER
Maxime Veslin dit: 5 janvier 2016 à 4 h 25 min //
Bonjour,
Mr Benyoub, et pour en revenir sur ce projet précis qu’est In Situ :
Ce qui plombe nos quartiers, ce ne sont évidement pas les subventionnements, mais plutôt le genre de matraquage bien trop virulent dont vous faites preuve à l’égard d’un projet de qualité dont tous les participants ne vous diront que du bien. Pourquoi cette agressivité envers toute une association et des personnes ayant donné d’elles-même pour mener à bien un projet qui leur était cher? Vous avez des idéaux, très bien. Une vision différente, soit. Pourquoi ne pas avancer cote à cote avec différents points de vue au lieu de se cantonner au sien et de se montrer frontal envers les autres?
Je comprend tout à fait ce que vous défendez et cela me semble très honorable. Mais dans un tel exemple, le projet n’aurait pas pu avoir lieu sans l’aide de Sasfe et des subventions inhérentes. Alors après, oui, c’est vrai, toutes les tranches de populations de la Villeneuve ne sont pas représentées. Mais je vous pose la question : Vaut-il mieux ça, ou rien ?…
Enfin, vous parlez de « militantisme, monde associatif, monde politique » mais vous passez surtout à côté de ce que représente ce projet : de la musique, des instruments, des rencontres, du rire, des jeunes, des vieux… des gens et de la bonne humeur quoi !
Venez voir