Le collectif AC le feu, né après les révoltes sociales dans les quartiers populaires en 2005, organise un tour de France pour rencontrer les habitants des quartiers. Les revendications seront ensuite rassemblées et présentées au gouvernement.
Sur la place du marché, ce mardi 19 avril après-midi, quelques habitants remplissent consciencieusement les questionnaires sur les difficultés rencontrées au quotidien dans les quartiers populaires et leurs solutions. Un peu plus de dix ans après les révoltes sociales dans les quartiers, en novembre 2005, le collectif AC le feu organise un tour des quartiers populaires, du 16 au 24 avril, pour recueillir « la parole des habitants » et les revendications qu’ils portent. Le collectif est né à Clichy-sous-Bois, où ont commencé les révoltes suite à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un poste électrique après avoir été poursuivis par la police.
« À Clichy, nous avons dressé le constat de ce qui a changé dans les quartiers, dix ans après. On voulait le faire dans d’autres villes de France. », explique Zoulikha, membre d’AC le feu. Après Vaulx-en-Velin la veille, le collectif a garé son bus en centre-ville de Grenoble, avant de s’arrêter à la Villeneuve. « Des sociologues vont rédiger une synthèse qui sera ensuite envoyée au gouvernement. », détaille Zoulikha. Le collectif avait déjà organisé un premier tour de France en 2006, traversant 120 villes.
Racisme, religion, emploi
Celui de 2016 a déjà permis de faire le point sur les thèmes principaux : « Le racisme revient beaucoup », égrène la militante, « la religion aussi, à cause des amalgames qui sont fait avec les événements de Paris et de Bruxelles, que nous condamnons. Il y aussi l’emploi qui est un thème récurrent, ainsi que la question des femmes, notamment la stigmatisation des femmes voilées. »
« Les quartiers populaires sont de plus en plus pauvres, alors que certains s’enrichissent. » Le revenu moyen dans les ZUS n’a augmenté que de 5,5 % entre 2004 et 2011, et est même stagnant depuis 2007, alors qu’il a progressé de 8,8 % sur l’ensemble de la France métropolitaine. 38 % des habitants des ZUS vivaient sous le seuil de pauvreté en 2011, contre 14 % à l’échelle nationale.
Gauche, droite
Zoulikha dresse un constat politique. « On a un gouvernement de gauche qui se « droitise ». Il n’y a pas de différence entre le gouvernement actuel et le précédent. » En 2013, Mohamed Mechmache, un des fondateurs d’AC le feu, et la sociologue Marie-Hélène Bacqué ont remis le rapport Pour une réforme radicale de la politique de la ville, au ministre de la Ville. Trente propositions ont été faites. Une seule a été retenue, la création de conseils citoyens – appelés tables de quartier à Grenoble – dans les quartiers populaires.
D’où « un sentiment d’abandon dans les quartiers populaires… sauf pendant les élections ! », s’exclame Zoulikha. « Ils nous font de belles promesses avant, mais nous, les habitants, avons une carte en main : la carte électorale. Voter c’est important. » Voter pour de nouvelles promesses, encore et encore ? « Voter pour des gens qui n’ont pas d’étiquette, qui représentent les quartiers populaires. » Une petite dédicace sans doute à Mohamed Mechmache, élu au Conseil régional d’Île-de-France sur une liste… Europe écologie – Les Verts.
Le tour de France d’AC le feu débute presque un an après la relaxe des deux policiers poursuivis pour « non-assistance à personne en danger » et « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » dans le cadre de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré. Deux poids, deux mesures. « Cette relaxe, c’est une frustration. La police a un permis de tuer. On le savait, maintenant c’est officiel. », dit Zoulikha. La militante fait un parallèle avec les violences policières pendant la mobilisation contre la loi El-Khomri : « on voit le travail de la police, elle est zélée, elle abuse de son autorité. L’affiche de la CGT [voir ci-dessous] est véridique ! »