« Pour les familles, c’est la détresse »
L’entrée des élèves du collège Lucie Aubrac, à la Villeneuve. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Suite à notre témoignage du mois dernier La faute aux parents ?, rencontre avec une parent d’élève de la FCPE du collège Lucie Aubrac qui s’inquiète pour l’avenir des enfants du quartier.

DK est habitante de la Villeneuve, parent d’élève et déléguée FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves, un syndicat de parents d’élèves) au collège Lucie Aubrac depuis plus de dix ans. Elle suit de près la situation dans l’établissement et dans le quartier. Pour elle, pas de doute, les enfants sont les premiers à subir les conséquences de la crise sociale : « Le covid a fait beaucoup de dégâts. Plein d’enfants sont en décrochage scolaire au collège Lucie Aubrac. Il y a une certaine frustration, due à l’enfermement, qui entraîne des formes de violence. Des bagarres par exemple. C’est très difficile pour les profs de gérer ça, même les élèves les plus jeunes sont déchaînés… »

La crise a aussi exacerbé les inégalités, rappelle-t-elle : « Beaucoup d’élèves n’avaient pas accès aux outils informatiques. Heureusement, le collège s’est démené pour que tous les gamins aient une tablette et les profs étaient très disponibles. À Villeneuve, on cumule les handicaps. Par exemple les nouveaux arrivants ne connaissent pas la langue. »

« On fait le constat que les gens sont dans la précarité. Avant, au collège, il fallait débloquer les fonds sociaux pour un gamin. Maintenant il y a plein de dossiers. », explique DK. Selon des chiffres de l’Insee publiés fin mai 2021, près de 30 % des ménages les plus pauvres ont déclaré une baisse de revenus depuis mars 2020 (en moyenne leur revenu a diminué de 8 %).

Une situation sociale qui n’est pas sans répercussions sur le quotidien des enfants. « Je fais beaucoup de commissions éducatives, de conseils de discipline. Des fois, on se demande quelle réponse apporter… Les gamins sont tellement à l’écart du système. Je connais les parents, je connais les gamins, mais certaines situations nous dépassent. Il n’y a aucun moyen mis à disposition des familles pour s’en sortir, c’est la détresse. Là, on ne parle plus que du système scolaire mais de la société. »

Au collège Lucie Aubrac, les enseignants aussi en pâtissent : « Nous, les parents, avons de très bonnes relations avec l’équipe éducative. Mais les profs font face à des problématiques qui dépassent le cadre du collège. Par exemple un gamin qui sait que sa famille va être expulsée de son logement et même du territoire, comment veux-tu qu’il réagisse ? Les profs se sont aussi mobilisés pour trouver un logement à une famille qui dormait dans sa voiture. C’est pas leur boulot, normalement. Ça montre la démission de toutes les institutions. », s’inquiète DK.

DK note que le regard de certains adultes sur les enfants a changé : « Il n’y a pas de bons ou de mauvais enfants, il n’y a que des enfants. Quand tu leur parles gentiment, ça va, mais il ne faut pas les prendre de haut, le respect passe par la réciprocité. Les gamins souffrent de cette stigmatisation, de la mauvaise image de Villeneuve qu’on leur renvoie. Pourquoi, dans un autre quartier, on dit qu’un enfant va faire du vélo mais ici on dit qu’il traîne ? »