Les commerçants recherchent leur place
Le bureau de tabac – presse devrait faire partie des rares commerces à se maintenir sur la place. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

La place du marché devrait faire peau neuve au cours d’un long chantier jusqu’en 2023. Le Crieur a rencontré des commerçants de la place qui reçoivent diversement les plans de rénovation et de démolition des locaux.

Dans le Yaz tabac, le bureau de tabac de la place du marché, les clients défilent devant Mourad Bouteldja. Le buraliste, qui fête les vingt ans de son commerce en ce mois de janvier, connaît la place comme sa poche et en a suivi les différentes pistes de réaménagement. Lors d’une réunion « assez houleuse » en novembre dernier, la Métro a présenté aux commerçants l’avancement du projet à deux millions d’euros (voir plans ci-dessous). Alors que la précédente majorité les avait convaincus de s’installer au nouveau parking silo, celle actuelle est revenue sur cette décision en 2014, souhaitant le maintien des commerces sur la place. Depuis, le réaménagement traîne, d’après les commerçants. Le pharmacien est peu loquace : « Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’on en sait rien. Ils [la mairie et la Métro] changent d’avis tout le temps. » Les changements de programme et les retards tuent les commerces à petit feu. « Ça fait six ans qu’on attend… », explique M. Bouvet, propriétaire de la boulangerie Arlequin ainsi que de trois autres boulangeries dans l’agglo. « On est à l’Arlequin depuis une trentaine d’années, alors, se maintenir sur la place du marché, oui. Mais on est dans l’attente. On ne fait pas de travaux car on sait que ça va être démoli. Le chiffre d’affaire ne fait que baisser pour tous les commerçants de la place, avec tous les travaux sur le quartier, les rues barrées, etc. » Lassé d’être « ballotté » de réunion en réunion sans certitudes, « l’association des commerçants de l’Arlequin va être relancée. On aimerait bien un peu de dialogue. », explique M. Bouteldja.

Les commerces de l'Arlequin actuellement. (image : La Métro)

Les commerces de l’Arlequin actuellement. (image : La Métro)

« Les commerçants ont beaucoup souffert de l’évolution du projet. », admettent Maryvonne Boileau et Séverine François, respectivement élue à la Politique de la ville et cheffe du projet de la rénovation urbaine. « Les grandes orientations de la reconstruction et du réaménagement de la place du marché sont les commerces de proximité et l’alimentaire. »

« Le projet actuel, c’est la rénovation de nos trois commerces [le tabac, le Daily Oriental et Afroline] avec un agrandissement d’environ 20 m² chacun. La devanture irait jusqu’à la façade, il n’y aurait donc plus de galerie. », montre Mourad Bouteldja. En outre, le projet inclut la démolition des commerces en bas du 100 ouest, le déplacement de la boulangerie et l’installation de l’Arbre Fruité à la place, ainsi que la démolition des commerces en bas du 110 galerie de l’Arlequin. La pharmacie Villeneuve devrait déménager à proximité de la clinique du Mail, avenue Marie Reynoard. Mais quel avenir pour les deux autres commerces du 110 encore ouverts (le taxi phone et le Bazar-librairie) ? « La programmation commerciale ne sera arrêtée que début 2019, après une rencontre individuelle avec chaque commerçant. », détaillent Mmes Boileau et François.

Les commerces de l'Arlequin après rénovation. (image  : La Métro)

Les commerces de l’Arlequin après rénovation. (image : La Métro)

La disparition totale des commerces du 100 initialement prévue (lire Crieur n° 13), offrait, de l’avis des commerçants, une vue depuis le tram sur la place qui disparaîtrait avec le projet actuel. « Notre première réclamation, c’est plus de visibilité et d’accessibilité. », dit M. Bouteldja. « On ne peut pas se contenter des gens du quartier pour faire tourner les commerces car, malheureusement, les gens sont de plus en plus précaires. Il faut attirer les voisins. Pour mon tabac, il n’y en a ni à la place des Géants ni au Village Olympique, mais les gens ne viennent pas. Ils ne savent même pas qu’il y a un bureau de tabac ici… » Avant de poursuivre : « Les gens disent qu’ils ne peuvent pas acheter une tranche de jambon à la Villeneuve, c’est vrai. Mais si une charcuterie ouvre ici, je fais le pari qu’elle ne tient même pas deux mois, à cause du manque de clients. La municipalité et un petit groupe de gens sont dans un délire : « Je veux une poissonnerie, je veux un cordonnier ! », ça ne marchera jamais. »

La place du marché et ses marchands ne devrait pas être touchés pas les rénovations des commerces entourant la place. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

La place du marché et ses marchands ne devrait pas être touchés pas les rénovations des commerces entourant la place. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Abdelkader Hammou, qui tenait le Palais de la mariée, sur la place, est lui aussi déçu. Le Crieur les avait rencontrés, lui et sa femme Zakia, il y a deux ans, alors qu’ils venaient de recevoir une lettre d’éviction de leur local. Ils ont depuis trouvé un nouveau local rue Duhamel et renommé leur boutique Majorelle. « On nous a vendu un mirage avec l’installation au silo. Puis, plus de silo, il faut déménager. Puis, finalement, ils maintiennent certains commerces là où on était. À chaque fois, quand on nous appelle, les choses sont décidées. »

« La place du marché ce n’est pas une carte postale. S’il n’y a pas de clients, les commerces vont fermer. On rénove, ça sera certes plus joli, mais ça ne fera pas venir de nouveaux clients et ça ne mettra pas d’argent dans les poches des habitants… », conclut M. Bouteldja, lassé.

commerces

Le document présenté aux commerçants lors de la réunion du 19 novembre 2018.