L’école devrait reprendre à partir du 14 mai à Grenoble, suscitant l’anxiété chez les enfants, les parents et les enseignants.
Iront ? N’iront pas ? Alors que les dates de réouverture des écoles se bousculent, ajoutant de la confusion à l’inquiétude, les parents sont plongés en plein désarroi face au choix de renvoyer leurs enfants à l’école. « J’étais très réticente à ce qu’ils reprennent le 11 mai, ce ne sont pas des cobayes ! », témoigne Sofia, mère de deux enfants à l’école, en 4e et CE2, « il y a de l’inquiétude et de l’incertitude. Et puis, en fonction de l’évolution de la pandémie, personne ne sait où on va…» Une mère de la place des Géants « hésite à mettre [ses] enfants enfants à l’école ». « Est-ce que ça vaut vraiment le coup pour un mois ? », s’interroge-t-elle, « surtout que les mesures sanitaires sont très dures à respecter à l’école. » L’inquiétude pour la santé de leurs enfants est renforcée par l’impression que les décisions sont prises au jour le jour, quand elles ne sont pas contredite le lendemain : « On ne sait plus comment prendre les annonces du gouvernement. C’est de l’incohérence totale, certains lieux peuvent rouvrir comme les écoles, d’autres restent fermés comme les restaurants. », s’énerve Sofia.
L’inquiétude règne aussi du côté des enseignants. Le SNUIPP-FSU, principal syndicat chez les enseignants du premier degré (primaire et maternelle) s’est montré défavorable à une reprise de l’école dès le 11 mai : « On a le sentiment de naviguer à vue, il y a encore beaucoup d’inconnues sur ce virus. Nous sommes des professionnels de l’éducation, pas de la santé. Or la reprise se fait en contradiction avec les avis des professionnels de la santé. Nous n’avons ni l’assurance que la santé de nos collègues soit préservée, ni que celle des élèves et des familles le soit. La réouverture sera aussi un facteur de stress car en cas de problème, par exemple une contamination, les directeurs et les enseignants seront tenus en partie responsables, du moins éthiquement. », explique Valérie Favier, secrétaire départementale adjointe du SNUIPP-FSU 38.
Difficile de prévoir si le retour à l’école sera massif ou timoré et s’il restera constant dans le temps. « Factuellement, on n’a pas d’infos sur les effectifs. L’Éducation nationale va recenser les enfants. Les parents vont être contactés pour savoir s’ils souhaitent remettre leurs enfants à l’école. Il va y avoir également un recensement des enseignants. Car tous ne peuvent pas reprendre, certains sont « à risque » ou sont âgés, certains sont aussi parents et n’ont pas de système de garde pour leurs enfants. », détaille Valérie Favier.
« J’ai l’impression que la seule chose qui intéresse l’État c’est que l’économie reprenne donc que les parents puissent travailler. », analyse Sofia. Même son de cloche du côté du SNUIPP-FSU 38 : « Notre interprétation politique, c’est que l’économie prime sur les questions de santé. D’ailleurs, les premiers à reprendre sont les écoles primaires, car les collégiens et les lycéens peuvent se garder eux-mêmes. »
Le calendrier
À Grenoble, les écoles primaires et les cantines devraient rouvrir le jeudi 14 mai. Quant aux écoles maternelles, elles ne rouvriront « probablement » que le lundi 25 mai a indiqué la mairie de Grenoble. Les instits devraient reprendre le 11 mai. Le périscolaire reprendrait le 18 mai. Les crèches municipales rouvriraient le mardi 12 mai. Aux dernières nouvelles, les collèges ne rouvriraient qu’à partir du 18 mai, uniquement pour les classes de 5e et 6e. Pour les 4e, les 3e et les lycéens, pas de décision avant fin mai.
Après deux mois à la maison, la situation est loin d’être idyllique pour les familles. La mère de famille des Géants dit que « c’est compliqué les cours à la maison, avec cinq gamins… » Pareil pour Sofia : « moi, le grand ne veut pas bosser… ». Les cours à la maison peuvent être un supplice aussi bien pour les enfants que pour leurs parents. « Il y a plein de situations familiales différentes, certains gamins ont des parents difficiles. », rappelle Sofia. C’est d’ailleurs un des principaux arguments, notamment du gouvernement, pour une reprise au plus tôt de l’école : les cours à distance creuseraient les inégalités entre les élèves. Le SNUIPP-FSU ne dit pas l’inverse : « Les parents issus des classes aisées ont plus de moyens de faire progresser leurs enfants que les parents de classes populaires, qui cumulent les difficultés, comme l’accès à la nourriture. On est bien conscients de cette difficulté, mais de là à faire une reprise précipitée…» À l’inverse, la réouverture des écoles pourrait créer… plus d’inégalités : « Le refus de certains maires de rouvrir les écoles [329 maires d’Île-de- France ont ainsi demandé à repousser la réouverture, ndlr] va créer des disparités entre les communes, ce qui est une inégalité flagrante. »
Pour cette reprise de l’école, sans doute trop tôt, le gouvernement se décharge sur les maires et directeurs d’école : en cas de problème, ils seraient les premiers accusés d’avoir rouvert les écoles. D’ailleurs, des députés et sénateurs de La République en marche ont proposé, le 3 mai, de voter une loi atténuant la responsabilité pénale des maires et des « dépositaires de service public » lors de cette pandémie. Une façon de reconnaître qu’il pourrait y avoir des problèmes.