« Ici, c’est Dallas ! »
Lors de l’inauguration du nouveau Roncier Utopique, le 11 mai 2016. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Le Roncier utopique est un jardin installé en bas de l’allée de la pelouse. La nouvelle version vient d’être inaugurée mais il déchaîne les passions des voisins depuis plusieurs années. Au grand désespoir de Thérèse Réategui, jardinière en cheffe.

Mercredi 11 mai, malgré la pluie, une petite vingtaine de personnes se pressent au Roncier utopique, un jardin installé en bas de l’allée de la pelouse. « Ici, c’est Dallas ! » prévient une voisine et amie de Thérèse Réategui.

Thérèse Réategui, celle qui a créé ce jardin devant chez elle, sur l’espace du parc de la Villeneuve, ne s’attendait pas à déchaîner les passions ainsi. Car son initiative ne plaît pas du tout à certains de ses voisins, qui considèrent qu’elle privatise le domaine public.

« Je suis témoin de la façon haineuse dont certains membres du conseil syndical s’expriment lorsqu’il s’agit de Thérèse. Une habitante se vante de claquer tous les matins la porte du jardin pour la réveiller. », raconte l’amie de Thérèse, qui tient à préciser qu’il s’agit là « d’une minorité d’habitants ».

La rénovation du jardin, début 2016, a permis à certains habitants de dire tout le bien qu’ils en pensaient : « Je pense moi qu’il est de notre responsabilité de stopper ce genre d’initiative personnelle avant que d’autres ne se permettent une « créativité débordante ». », écrit un voisin.

Havre de paix

Thérèse Réategui habite son petit appartement au rez-de- chaussée de l’allée de la pelouse depuis 1983. Presque depuis la construction de l’immeuble. Thérèse dispose d’un accès à son logement à travers l’épaisse haie qui ceinture  l’immeuble. « Il y a eu un ravalement de façade il y a sept ou huit ans. C’était dégueulasse. », dit-elle.

« Avec les jardiniers des Poucets [jardin partagé sur la place des Géants, ndlr], on a nettoyé cette haie, on a enlevé les ronces et on a créé un petit jardin. », raconte Thérèse. Un petit havre de paix lové au milieu des arbustes. Des palettes « de récup’ » forment une clôture de bric et de broc, « pour éviter que les chiens ne viennent faire leurs besoins. »

L’accès au jardin, propice aux rencontres, est libre. Une habituée raconte sa découverte du lieu et les moments qu’elle y a passé, « coupée du monde, avec un sentiment de calme ». De ce premier jardin, rien ne subsiste, pas même une photo.

« Jardinons nos rues »

En 2015, la ville met fin à l’innovant mais hors d’usage système de récupération des déchets à air comprimé de la Villeneuve et installe des bacs à ordure. Les espaces verts abordent Thérèse pour la convaincre de participer à « Jardinons nos rues ».

« Si vous souhaitez jardiner dans votre rue, en bas de votre immeuble et/ou devant votre commerce, la Ville de Grenoble met gratuitement à votre disposition une partie du domaine public. », explique la plaquette de com’ de
l’opération municipale. Une façon de « légaliser » le jardin et de dédommager Thérèse, puisqu’une partie du jardin est amenée à être détruite par la création d’une nouvelle route, afin de permettre l’accès aux camions poubelles.

Entouré d’une clôture verte, les arbustes encore bien bas, le Roncier utopique a perdu son petit côté « Pour vivre heureux, vivons cachés » qui faisait son charme. Certains voisins viennent confier à Thérèse des plants aromatiques. De quoi lui faire dire : « c’est un endroit de convivialité. Un endroit où s’asseoir pour regarder pousser les plantes, pour être en harmonie avec la nature. »

Un diamant dans un écrin : Le Roncier Utopique

C’est l’histoire d’un jardin secret à l’abri des regards, aux pieds d’un immeuble dans le parc Jean Verlhac. Seuls les poètes, les peintres, les amoureux des secrets et… les petits hérissons poussaient la porte de ce jardin.
Un beau jour, il a bien fallu mettre de l’ordre dans cette belle affaire, les lois du domaine public n’acceptent pas les intrusions aussi douces soient-elles.
Qu’à cela ne tienne, ce petit bout d’utopie ne pouvait s’arrêter de rêver pour des raisons aussi rationnelles. C’est alors que la maîtresse des lieux trouva la solution : le projet « cultiver la ville » ! En effet, la ville de Grenoble a inscrit sur ses tables qu’elle soutiendrait la réalisation de jardins sur l’espace public . Nous lui avons déblayé le chemin, et aidée à aller au bout de son projet. C’est ainsi que ce jardin fût révélé , toiletté, rasé. Effrayés, les Hérissons se sauvèrent.
Quelques temps plus tard, un nouveau jardin vit le jour, parfait, bien tracé, grillagé, belle entrée. Comme il fallait bien le baptiser, la maîtresse des lieux lui donna un nom : Le Roncier Utopique.
Il trône à présent entre les Géants et la soucoupe volante, nu, fier. Mais…Ne vous méprenez pas, bientôt, les fougères, les citrouilles, les roses et les poèmes, et même les hérissons, reprendront leurs droits. Vous y serez les bienvenus ! Mais chut… n’en parlez qu’aux amoureux des utopies…

Poème écrit par Jouda Bardi, en hommage au Roncier utopique