Galerie des inaccessibles allocs
Image extraite du film Moi, Daniel Blake, de Ken Loach.

Moi, Daniel Blake, dernier film de Ken Loach, raconte l’histoire d’un ouvrier anglais confronté au mépris du Pôle emploi outre-manche. En France des chercheurs s’intéressent aux difficultés d’obtenir  une aide sociale.

Jeudi 17 novembre, l’Odenore tient conférence au Barathym. Odenore pour Observatoire des non-recours aux droits et services, un laboratoire grenoblois de recherche en sociologie. Philippe Warin, membre de l’Odenore, présente son dernier livre, Le non-recours aux politiques sociales (éd. PUG).

Quatre raisons peuvent expliquer qu’une personne n’ait pas accès à une aide sociale ou à une allocation. La non-connaissance : les personnes ignorent qu’elles peuvent bénéficier d’une aide ; la non-réception : une demande a été faite mais il n’y a jamais eu de réponse ; la non-proposition : au cours d’un entretien avec un travailleur social, celui-ci n’a pas proposé aux personnes une aide sociale ; la  non-demande : les personnes savent qu’elles peuvent bénéficier d’une aide mais s’y refusent.

C’est à cette dernière catégorie que s’est intéressé Philippe Warin. « C’est la dimension de non-demande qui est la moins prise en compte. C’est pourtant une question sociale et politique ! »

Le chercheur avance plusieurs motifs : « Il peut y avoir une lassitude des démarches administratives, la crainte d’être trimbalé de service en service, ou alors les gens trouvent les conditions d’obtention inacceptables. »

Contrepartie

Pour illustrer ses propos, le chercheur prend deux exemples. « Le premier est le non-recours au RSA activité. Une partie des gens ne font pas les démarches car ils pensent que c’est une perte de temps et qu’ils vont bientôt être sortis de cette situation. Selon les études, 60 % des gens qui refusent le RSA activité trouvent que cette aide est une institutionnalisation du travail précaire ! »

Autre exemple, l’aide alimentaire dispensée par les centres communaux d’action sociale (CCAS). « Des CCAS, dont celui de Grenoble, ont mis en place des paniers alimentaires. Ils sont gratuits mais pour y avoir accès, il faut participer à leur confection. On se rend compte qu’il y a énormément de non-recours, à cause des conditions proposées : l’idée de montrer ses difficultés aux autres,  le refus de la valeur d’échange. »

D’ailleurs, la majorité Les Républicains au département de l’Isère a instauré l’idée d’une réciprocité au versement du RSA. « Non pas du travail d’intérêt général », explique Sandrine Martin-Grand, vice-présidente chargée de la famille, au média Place Gre’net. L’élue pointe plutôt « la participation à des forums RSA ou une adhésion à une association. »

À la conférence sur le non-recours, un participant fait remarquer que les institutions « traquent de plus en plus les fraudeurs, par exemple le département qui embauche des contrôleurs pour vérifier la situation des demandeurs du RSA. »

« La chasse à la fraude coûte un quart de ce qu’elle rapporte. », explique Philippe Warin, « mais la question la plus importante, c’est pourquoi, quand les agents vérifient les fraudeurs, ils ne vérifient pas en même temps les non-recourants ? Ça ne prendrait pas plus de temps. Or, ils ne le font pas. Pour des raisons politiques ! »

Surtout que la fraude est moins élevée que le non-recours, rappelle le chercheur : « À la CAF de Grenoble, pour un euro indu, c’est-à-dire versé alors que la personne ne devrait pas y avoir droit, il y a trois euros de rappel de droits, c’est-à-dire des gens qui devraient percevoir une aide mais qui ne l’ont pas. »