Ciné-Villeneuve présente Visages, Villages
Le film Visages, Villages, d’Agnès Varda et JR, sera projeté lundi 6 mai, à partir de 19 h 30, à l’Espace 600.

Cette soirée s’inscrit dans le cadre du projet Vis-âges, en partenariat avec le Patio, la maison de l’image, le Barathym, l’Espace 600 et le photographe Bernard Méric.

Le film

Agnès Varda et JR, par Bobby Doherty pour Vulture

Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Ils décident de sillonner la France des campagnes à bord de leur camion photomaton et, au fil des rencontres, les lieux croisés se couvrent des images des gens rencontrés, projetés sur les murs mêmes de leur habitat, comme par magie… Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant des différences. C’est l’avant-dernier film d’Agnès Varda.

Les auteurs : Agnès Varda et JR

Agnès Varda

AFP / MPM

D’après Wikipédia, Agnès Varda, est née Arlette Varda d’un père grec et d’une mère française le 30 mai 1928 dans une famille bourgeoise installée à Bruxelles. Sa famille rejoint Sète au début de la Seconde guerre mondiale puis Paris où elle passe son baccalauréat. Après une fugue, elle étudie la photographie à l’École des beaux-arts et l’histoire de l’art à l’École du Louvre. Elle est ensuite engagée comme photographe pour les Galeries Lafayette et la SNCF. En 1951, elle achète une petite maison délabrée, et y installe un studio de photographe et développe elle-même ses photos. Jean Vilar – dont elle connaît l’épouse depuis son adolescence sétoise – lui offre un emploi de photographe au Festival d’Avignon (à partir de 1948), puis au Théâtre national populaire, qu’il dirige alors.

L’été 1954, en s’inspirant de la structure des Palmiers sauvages de William Faulkner et avec l’aide d’une coopérative constituée pour l’occasion, elle tourne à Sète son premier long métrage de fiction, La Pointe Courte joué par Philippe Noiret et Silvia Monfort et monté par Alain Resnais. Ce film fera date. C’est un film « libre et pur », « miraculeux », écrira André Bazin. « Le premier son de cloche d’un immense carillon », prophétisera Jean de Baroncelli dans Le Monde. Le film apporte un souffle de liberté dans le cinéma français.

Proche du mouvement dit de la Rive Gauche, contemporain de la Nouvelle Vague, Agnès Varda a notamment réalisé La Pointe courte (1955), Cléo de 5 à 7 (1962), Ulysse (1984, César du meilleur court métrage documentaire), Sans toit ni loi (1985, Lion d’or à la Mostra de Venise), Jacquot de Nantes (1991), Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), Deux ans après (2002), Les Plages d’Agnès (2009, César du meilleur film documentaire) et Visages Villages (2017) et enfin Varda par Agnès (sorti en 2019).

Agnès Varda est morte, à 90 ans, il y a moins d’un mois (vendredi 29 mars) et la revue Télérama a fait de son n°3612 (du 6 avril au 12 avril 2019) un numéro spécial sur elle. Nous vous invitons à retrouver ce numéro et nous ferons ici un résumé rapide. Le titre du document est Hommage à une femme libre – Sept fois Agnès Varda en sept pages, illustrations comprises. Alors résumons :

(1) – LA CINÉASTE : « La marge, c’est ce qui fait tenir les pages ensemble », a dit Jean-Luc Godard. À la marge, Agnès Varda l’a toujours été, et ses films peuvent se revoir comme un grand livre d’images qui raconte sa vie et celle de tous ceux qu’elle a croisés, retrouvés plus tard : suivis un temps, retrouvés plus tard : « Je suis en marge du système et j’y suis bien », a-t-elle dit en recevant son oscar d’honneur, en 2018.

(2) – L’ARTISTE VISUELLE : Plasticienne, Agnès Varda ? Surtout pas, « je ne fais pas de plastique », corrigeait-elle. À ce terme, elle préférait celui d’artiste visuelle, qui a l’avantage de regrouper ses trois vies. Car Varda a d’abord été photographe avant de faire du cinéma, et de revenir à l’art en 2003.

(3) – LA FÉMINISTE : C’est l’une des causes qu’elle aura chéries et menées toute sa vie. Peut-être parce que sa mère, qui avait élevé cinq enfants, lui répétait souvent une phrase qu’elle avait fini par haïr : « Le plus beau métier pour une femme, c’est d’avoir des enfants. » Féministe jusqu’au bout de ses mèches acajou, Varda a toujours lutté, par son exemple d’abord, par ses engagements ensuite, pour les droits des femmes.

(4) – L’AMOUREUSE : Michel Legrand racontait qu’après avoir refusé, par manque de temps, de composé la musique de Lola, le premier long métrage de Jacques Demy, il vit apparaître, dans un café, la silhouette d’une petite femme volubile, enthousiaste et furieuse : « Comment ça, vous manquez de temps ? Eh bien, il vous faudra le prendre ! » Ce qu’il fit. Nul ne résistait à Agnès Varda. Personne ne le voulait, ne le pouvait. Ou alors gare…

Petit intermède sur Michel Legrand et Jacques Demy : Michel Legrand est mort deux mois avant Agnès Varda, le 26 janvier. Ciné-Villeneuve pourrait, l’année prochaine, projeter un film de Jacques Demy avec musique de Michel Legrand et pourquoi pas Lola ou ce qui est un peu sa suite Les parapluies de Cherbourg.

(5) – L’AMÉRICAINE : Au printemps 1968, Agnès Varda accompagne Jacques Demy en Californie, où ce dernier tourne Model Shop. Elle s’y passionne pour la contre-culture alors en plein essor. « Quel contraste par rapport à la France de 1966-1967, d’un ennui absolu, politiquement et culturellement, racontait-elle à Télérama quarante-six ans après. L’Amérique offrait un incroyable remue-ménage d’idées. Et la rigolade, la liberté… ça m’a éclaté l’esprit. Je n’ai plus fait le même cinéma après. »

(6) – LA CITOYENNE : Agnès Varda se disait « trop légère, trop futile » pour faire du cinéma militant. Pourtant, au-delà de son féminisme revendiqué, son œuvre est marquée par l’engagement pour une société plus fraternelle. Et par son amour des gens de peu et des laissés-pour-compte. En 1967, elle participe, à l’initiative de son ami Chris Marker, à la réalisation collective de Loin du Vietnam, contre l’intervention de l’Armée américaine en Asie du Sud-Est.

(7) – L’IDOLE DES JEUNES : Il faudrait demander à Rosalie Varda et Mathieu Demy, ses enfants, quand et pourquoi Agnès Varda adopta sur la fin de sa vie cette étrange coiffure bicolore, qui, en la rendant reconnaissable entre toutes, figea son image de grand-mère fantaisiste et bienveillante. Le succès qu’elle a rencontré ces dernières années tient à l’avalanche de récompenses et d’hommages qui ont fait de sa fin de carrière une actualité permanente. Mais aussi à sa capacité de s’adresser à tous : ce qui a plu dans Visages, Villages, c’est bien le dialogue intergénérationnel qui se crée avec JR – notamment ce moment émouvant où, se rendant sur la tombe des photographes Henri Cartier-Bresson et Martine Franck, elle évoque sa propre disparition.

JR

JR et Agnès Varda

JR, né Jean René à Paris le 22 février 1983, est un artiste contemporain français, d’origine juive tunisienne. Il a grandi à Montfermeil et a passé beaucoup de temps sur les marchés avec ses parents qui avaient un stand au marché aux puces de Saint-Ouen. Il a étudié au lycée privé catholique Stanislas de Paris avant de commencer à l’adolescence sa carrière dans le graffiti.

Grâce à la technique du collage photographique il expose librement sur les murs un peu partout dans le monde. Après avoir collé ses photos sur le « Mur » en Cisjordanie, dans les favelas de Rio de Janeiro ou à Kibera (un des plus grands bidonvilles d’Afrique, au Kenya) et aussi au Panthéon où il faisait entrer des milliers d’inconnus en y collant leurs portraits agrandis, c’est à un monument de la culture française que se confronta JR. Il a fait « disparaître » la pyramide du Louvre pour un mois en juin 2016, grâce à un collage géant sur une de ses faces : il y fait apparaitre en noir et blanc l’image du pavillon Sully qui se trouve derrière. Il lui fait ainsi subir une incroyable anamorphose (transformation par un procédé optique). Mais il y a un seul point où le fond coïncide exactement avec l’image collée sur la paroi de verre. Les touristes et les passants ont été nombreux à rechercher ce point magique. Depuis des années, JR maintient son anonymat en se cachant derrière ses initiales et des lunettes noires. Pour lui, dit-il, l’ « effacement » de la pyramide est « un écho à sa volonté d’être en retrait par rapport à lui« .

Puis, à l’occasion des 30 ans de la Pyramide du Louvre, JR crée une œuvre collaborative à l’échelle de la cour Napoléon. Cette fois, trois ans après avoir fait disparaître la Pyramide, il la révèle sous un nouveau jour en réalisant un collage gigantesque, grâce à l’aide de 400 bénévoles ! Chaque jour, des centaines de bénévoles sont venus aider à couper et coller les 2000 bandes de papiers, réalisant ainsi le plus grand collage en date de l’artiste. Les images, comme la vie, sont éphémères. L’œuvre, une fois collée, vit par elle-même. Le soleil sèche la légère colle, et chaque pas décolle un bout de papier, fragile. La démarche porte sur la participation des bénévoles, visiteurs, et chasseurs de souvenirs. Ce projet parle également de présence et d’absence, du réel et de la mémoire, du transitoire.

Autres intervenants du film : Jean-Luc Godard et Laurent Levesque

Le photographe : Bernard Méric

L’exposition Vis’Âges, visible au Patio.

Né dans le Var, Bernard Meric habite dans le Grésivaudan depuis une trentaine d’années. Aujourd’hui photographe, Bernard Meric a été ingénieur travaillant dans des multinationales dans l’industrie de haute technologie. Il a vécu aux USA et en Espagne et a beaucoup voyagé. Ces voyages l’ont naturellement amené à l’envie d’immortaliser certaines des scènes, paysages et personnages rencontrés, photographies de montagnes, de famille, de rue, etc.

Le 10 mai à 18 heures aura lieu au Patio le vernissage de son exposition « Vis’Ages ».

Dans le journal de la ville de Grenoble Gre.mag , début janvier 2017, Bernard Meric parcourt la ville avec son vélo pour partager quelques vues insolites : « J’aime prendre des photos sur les pistes cyclables de Grenoble et explorer la ville comme je l’ai fait sur la Route de la Soie ou sur les chemins islandais. C’est le même plaisir de trouver des points de vue insolites avec de belles lumières et de saisir des moments de vie. Combien de fois prenons-nous ce pont sur l’Isère en passant rapidement, tout en regardant la ville et le massif de Belledonne ? Et soudain, l’œil est attiré par un petit tag… et la ville s’intègre dans une nouvelle perspective. »

Pour voir et admirer d’autres photos de Bernard Meric https://carnetdelumiere.com/

Quelques critiques

AlloCiné (www.allocine.fr) note les films sur 5 à partir des critiques de presse et des notes de spectateurs. Les moyennes des deux sont proches, 4,2 pour 28 titres de presse (nombre plutôt élevé) et 4,1 pour 136 critiques et 1151 notes de spectateurs (également nombre élevé).

Quelques extraits de critiques avec la note calculée par Allociné :

Le Dauphiné Libéré, par Jean Serroy (5) : « Un bijou d’invention, de jeunesse, de liberté : de cinéma. »

La Voix du Nord, par Philippe Lagouche (5) : « Au-delà de ces magnifiques Visages, villages – que tout un chacun aura plaisir à découvrir – nous voilà complices d’une amitié qui se noue et se forge entre deux artistes auxquels l’on sait gré de donner vie aux utopies. Agnès Varda et JR. Leur art, leur combat. Quelle énergie ! Quel bonheur de film ! Quel bol d’oxygène ! »

Même les critiques les moins favorables sont encore bonnes :

Le Monde, par Mathieu Macheret (3) :« Visages Villages » nous rappelle surtout qu’un film ne naît pas nécessairement d’un scénario, ni même d’un sujet préétabli, mais peut sortir de rien du tout, d’un geste, d’une idée, d’une balade dominicale – les collages géants servant surtout de dispositif transitoire pour collectionner les portraits passagers et les rencontres fugaces. »

Le Nouvel Observateur, par Nicolas Schaller (3) : « Jeu de l’oie sans fin ni loi, aux vertus patrimoniales et aux émouvantes réminiscences cinéphiles, « Visages villages » se termine à Rolle, le fief de Godard. On n’en révélera pas davantage sinon qu’une fois de plus, ce dernier s’y montre humainement abject, mais source d’un mémorable moment de cinéma. »

L’Humanité, par Marie-José Sirach (3) : « Des échanges qui mettent en scène la rencontre entre eux deux, des échanges drôles, grinçants, qui flirtent parfois la mise en boîte – sur l’âge, l’expérience – et qui font tanguer le spectateur entre émotion et agacement. Comme si la spontanéité des propos et des gestes semblait trop habilement orchestrée pour être naturelle, chacun jouant, ou sur jouant son propre rôle. »

La bande-annonce

La bande-annonce

Une interview d’Agnès Varda et JR, en anglais

Une interview texte et vidéo, en anglais : https://www.vulture.com/2017/10/agnes-varda-and-jr-interview-faces-places.html

Et pour conclure deux avis :

Guidé par l’imagination, Visages, Villages réenchante le quotidien avec ce qu’il faut de légèreté et d’émotions. Veni Vidi Varda.

Discret film testamentaire où de bienveillants esprits distillent leur légèreté avec générosité.

Visages, Villages
Documentaire (France), 2017
D’Agnès Varda et JR
94 min
Adhésion enfants et précaires à Ciné-Villeneuve : 1 € ; adultes : 5 € ; soutien : 10 € ; donnant droit à tous les films de la saison 2018-2019