Tu l’as vu mon écoquartier ?
La Villeneuve, en septembre 2019. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Un quartier piéton, un parc, un plan d’eau, des HLM qui jouxtent des logements privés. La caserne de Bonne ou La Villeneuve ?

Il y a quelques semaines, le 9 février, la Villeneuve a obtenu l’étape 2 du label écoquartier, décerné par le ministère de la Transition écologique. De quoi rendre grâce aux concepteurs du quartier qui, dès la fin des années 60, avaient saisi beaucoup d’enjeux écologiques, bien avant la création du concept d’écoquartier. La première étape du label (lire l’encadré ci-dessous), purement déclarative, avait été obtenue en octobre 2019. Avec cette deuxième étape, la Villeneuve entre dans le cercle, pas vraiment fermé, des 200 quartiers labellisés étape 2 en France. Pour l’obtenir, deux experts sont venus contrôler les travaux et les projets en cours, dans le cadre du second volet de la rénovation urbaine (Anru 2), en vue de faire des deux Villeneuves (Grenoble et Échirolles) des écoquartiers. Le Graal sera, bien sûr, la troisième étape (75 quartiers en France) qui validera l’aspect écolo du quartier, avant une éventuelle dernière étape, quelques années plus tard, pour vérifier qu’il correspond toujours aux normes. Ils ne sont que neuf quartiers en France, dont la caserne de Bonne, à Grenoble, à avoir obtenu le titre ultime d’« écoquartier confirmé ».

De quoi écoquartier est-il le nom ?
Le terme d’écoquartier est apparu au début du XXIe siècle pour désigner les quartiers construits ou rénovés dans un souci de développement durable et d’implication des habitants dans les projets. Un terme un peu fourre-tout, surtout utilisé en France, et qui, finalement, devrait être la base de tout nouveau quartier.

La notion s’est progressivement codifiée. Un appel à projets pour des écoquartiers est ainsi inclus dans le plan « Ville durable » du ministre de l’Écologie Jean-Louis Borloo, en octobre 2008. Un cadre de référence est ensuite créé pour servir de base pour un second appel à projets, en 2011. 186 projets sont ainsi retenus suite aux appels de 2009 et 2011. Fin décembre 2012, Cécile Duflot, ministre du Logement, annonce la création d’un label « écoquartier », en trois étapes. En 2016, la quatrième étape de la labellisation est lancée, ainsi que le logo.

L’appellation « écoquartier » pour la Villeneuve n’est pas nouvelle. La plus ancienne mention semble être le diagnostic de l’agence INterland, en janvier 2010, réalisé pour le premier volet de la rénovation urbaine. Dans ce document très fourni, l’équipe pluridisciplinaire, composée notamment des agences INterland, Lacaton & Vassal et Bazar Urbain, perçoit le potentiel écolo du quartier et cherche à le valoriser. Mais, opposée aux démolitions de logements à l’Arlequin, l’équipe sera écartée par la municipalité Destot qui ne rendra pas publique son étude. Revanche tardive, le duo d’architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal a reçu, le 16 mars 2021, le prestigieux prix Pritzker, surnommé le « prix Nobel de l’architecture », justement pour son approche écologique et sans démolition de l’architecture.

La mise à l’écart de l’étude INterland n’a pas empêché l’équipe Destot de repomper le concept. Lors d’un « point d’étape du projet social, urbain et habitat de la Villeneuve », voté en conseil municipal en avril 2011, la municipalité fait ainsi le vœu de « faire de la Villeneuve un écoquartier rénové exemplaire » : « Afin de modifier en profondeur la vie quotidienne et l’image de la Villeneuve, l’équipe municipale a engagé un projet de rénovation urbaine innovant, visant à faire de la Villeneuve un véritable écoquartier, renouant ainsi avec sa tradition d’innovation et de modernité. [sic] »

« On peut rester dubitatif devant ces dépenses de déconstruction qui peuvent se chiffrer à des dizaines de millions d’euros lesquels pourraient être utilement consacrés à l’isolation thermique de l’Arlequin. […] Quant au bilan carbone d’une démolition, nous attendons que l’adjoint en charge du Développement Durable nous le présente… », s’insurgent en retour les élus écolos du conseil municipal, à l’époque dans l’opposition. Les mêmes arguments seront repris, à partir de 2017, par les opposants à la démolition du 20 galerie de l’Arlequin contre les écolos, cette fois-ci au pouvoir sous la municipalité Piolle. Cocasse.

Logo utilisé depuis 2018 par la ville de Grenoble et la Métro pour les opérations de rénovation urbaine dans le quartier. (logo : La Métro)

En octobre 2013, Michel Destot s’exclame encore, à propos de la Villeneuve : « Nous voulons être le premier écoquartier de renouvellement urbain de France ». Mais le projet municipal est moins marqué par la fibre écologique que par la démolition, très contestée, d’une partie du 50 galerie de l’Arlequin. Fin 2013, les Ateliers populaires d’urbanisme pointent ainsi les carences en matière d’écologie du programme de rénovation urbaine portée par la mairie.

Et notre écoquartier dans tout ça ? Les habitant·e·s s’emparent de la notion. Début 2014, un groupe de concertation « Villeneuve écoquartier » est créé et en 2015, lors de la « semaine de coconstruction » du nouveau projet de renouvellement urbain (Anru 2), l’écoquartier fait à nouveau partie des pistes de travail.

Lors d’une réunion publique en décembre 2016, le nouveau maire Éric Piolle indique que la Villeneuve, de par sa conception, « remplit 10 critères sur 20 » de l’écoquartier. Première fois que la notion est publiquement utilisée par la nouvelle municipalité. Elle en fera une « marque », en 2017, avec le slogan « Premier écoquartier populaire ».

Les vingt engagements des écoquartiers. (document : ministère de la Transition écologique)

Plutôt que de critères, le ministère de l’Écologie, via son label, préfère parler d’engagements, au nombre de 20, répartis selon quatre axes : « démarche et processus », « cadre de vie et usages », « développement territorial » et « environnement et climat ». Sur les questions de cadre de vie et d’environnement, la Villeneuve a de solides atouts. Le point particulièrement noir, celui du fort besoin d’une rénovation thermique, en particulier à l’Arlequin, devrait être résolu lors des différents programmes de réhabilitation des montées dans l’Anru 2. En revanche, le volet sur l’implication des habitant·e·s dans la création de l’écoquartier, en particulier la notion de gouvernance partagée, est aux fraises.

La démolition du 20 galerie de l’Arlequin, présentée aux habitant·e·s en décembre 2016 et jamais remise en question, est emblématique du décalage entre pouvoirs publics et habitant·e·s. Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) sur les démolitions de logements sociaux, organisé par un collectif en octobre 2019 et auquel la mairie et la Métro ont refusé de participer, fait figure d’occasion manquée de position commune, aux habitant·e·s et aux institutions, lors des processus de décision. La table de quartier, seule instance officielle pouvant donner un avis, consultatif, sur les projets de rénovation urbaine reste largement méconnue des habitant·e·s. Le risque de la mise à l’écart des habitant·e·s ? Un écoquartier imposé, « par le haut », sans réelle dimension populaire.

D’ailleurs, s’agit-il réellement du premier « écoquartier populaire » ? Le quartier populaire Derrière-les-Murs-de-Monseigneur, à Villiers-le-Bel, en est à l’étape 3 de la labellisation écoquartier. En 2018, le quartier populaire de La Duchère, à Lyon, a obtenu la quatrième et dernière étape du label écoquartier. Alors, la première, plutôt La Duchère que La Villeneuve ? « Au-delà du label « EcoQuartier », le terme « éco-quartier populaire » renvoie davantage à une identité de projet, que nous tâchons de construire et faire grandir dans le contexte urbain et socio-historique bien spécifique des Villeneuves de Grenoble et d’Échirolles. Le quartier de la Duchère n’était vraisemblablement pas confronté aux mêmes enjeux de projet (1700 logements sociaux démolis entre 2003 et 2015 [sur environ 4000, ndlr]). », se justifie la Ville de Grenoble à travers son service com’. Pourtant, il n’y a pas de honte à être le deuxième.