
(Article mis à jour le 2 mars 2015 avec la victoire de Mohamed Zeroual) Le jeune boxeur Mohamed Zeroual prépare les championnats de France de boxe anglaise. Après avoir participé au championnats d’Europe l’année dernière, le collégien de Lucie Aubrac se consacre à plein temps à sa passion.
Les bruits de pas rapides parcourent le gymnase. Les coups claquent contre la dizaine de sacs de sable alignés contre le mur. L’odeur du parquet imprègne l’air. Sur les trois rings bleus, les boxeurs s’entraînent. Bienvenue au Ring grenoblois, un club de boxe implanté dans le quartier Abbaye-Jouhaux. Tous les soirs, Mohamed Zeroual, 15 ans, en classe de 3e au collège Lucie Aubrac, s’y entraîne en préparation des championnats de France de boxe amateur(1), à la fin du mois de février.
L’adolescent pratique ce sport depuis plusieurs années. À six ans, il commence la boxe. Tout naturellement, car son père s’entraînait déjà au Ring grenoblois. « Au début, j’ai accompagné mon père. J’ai voulu essayer la boxe et ça m’a plu tout de suite. » À tel point qu’il n’a jamais essayé d’autre sport depuis.
La compétition
Parcours de champion, étape par étape. À huit ans, il commence la boxe éducative, une version allégée du noble art où les coups ne sont pas appuyés. « Toucher sans se faire toucher », résume Mohamed. Un sport tout aussi technique que la boxe anglaise, mais beaucoup moins dangereux pour les bambins. Avec la boxe éducative commence la compétition, les premiers matches, les premières victoires.
Les boxeurs sont classés par tranche d’âge (benjamin, minime, cadet, junior puis senior) puis par catégorie de poids. Un boxeur en -50 kg doit ainsi peser entre 48 kilos (limite supérieur de la catégorie juste en dessous) et 50 kilos. Les catégories portent aussi des noms : – 50 kg est la catégorie poids mouche.
Le match lui permet en tout cas de taper dans l’œil des sélectionneurs nationaux qui le convoquent en stage d’observation, lui et son adversaire victorieux, à Nancy, en mai. Les sélectionneurs écartent finalement le vainqueur de la finale. Mohamed intègre le groupe France et enchaîne les stages de préparation en vue des championnats d’Europe. Il est finalement sélectionné en équipe de France, le plus jeune de l’équipe à l’époque.
« L’objectif est de ramener le titre »
Quasi retour à la case départ cette année, avec de nouveau les championnats de France (catégorie cadets -52 kg cette fois). Ce sera encore une fois fin février, encore une fois à Berck. Mohamed ne fait pas état d’âme de ses intentions : « L’objectif est de ramener le titre ». Avec, en cas de victoire, peut-être une place pour les championnats du monde. Grâce à sa deuxième place l’année dernière, Mohamed est dispensé des premiers tours régionaux. De quoi lui laisser un peu plus de temps pour la préparation, lui qui se coltine deux heures d’entraînement par soir, cinq jours par semaine.
Une lourde charge pour un collégien. « Ça lui demande un gros investissement en temps. C’est difficile pour les études mais il ne faut pas qu’il les abandonne. La boxe, ça va pas le nourrir », explique Patrick Mallaizée, son entraîneur.
Le Ring grenoblois est un club précurseur en matière de boxe. Créé en 1946 par Émile Chabut, sous le nom d’Alerte sportive de la Bajatière, le club innove en proposant de la boxe scolaire, ancêtre de la boxe éducative. La discipline intégrera la Fédération française de boxe en 1968. Une section féminine, la première de France, fut créée au club en 1955. Depuis 2007, le Ring grenoblois possède aussi une section handisport. Parmi les champions passés par le club formateur, Akim Tafer et Frank Nicotra, respectivement trois fois et une fois champion d’Europe dans les années 90.

Patrick Mallaizée, l’entraîneur principal du Ring grenoblois, a vu passer de nombreux espoirs de la boxe en France dans son club formateur.
« À des moments, c’est un peu dur, mais faut savoir ce qu’on veut », confesse Mohamed. Les structures d’accueil pour les jeunes sportifs ne sont pas très développées : « Le sport-étude [qui combine études classiques et sport de haut niveau], c’est à Paris, il est encore trop jeune », déplore Patrick Mallaizée.
L’Amérique, l’Amérique
À la différence des États-Unis, où la boxe anglaise est beaucoup plus développée. « Là-bas, c’est un mode de vie », dit Mohamed, des étoiles plein des yeux. Un mode de vie qui forge des stars, comme l’américain Floyd Mayweather(2), l’idole de Mohamed. « C’est le seul boxeur qui va peut-être finir sa carrière invaincu ».
Mais le chemin pour décrocher une ceinture mondiale est encore long. Patrick Mallaizée juge sans prendre de gants son protégé : « Il est loin d’être parfait techniquement ». Quand on lui demande si Mohamed ira loin, l’entraîneur esquive la question : « Le problème d’un cadet, c’est qu’on sait jamais, tout dépendra de lui, de son entraînement… Mais il a les qualités pour. »
En plus des qualités, Mohamed a la motivation. La boxe est une passion pour lui. Il avoue regarder un bon nombre de vidéos de boxe. Mais met en garde : « si t’es trop à fond, au bout d’un moment t’en as assez ».
Alors il se réserve des passe-temps, « sortir avec des potes et les jeux vidéos ». Il navigue entre ses deux parents divorcés, entre la Villeneuve où habite son père – et où il étudie – et la Capuche, où vit sa mère. « Les gens, ils croient que la Villeneuve c’est un truc de fou. En fait, c’est normal, ça me fait penser à une mini-ville. »
Après un second passage à Berck, pour les championnats de France, Mohamed voit déjà plus loin. Et pourquoi pas le titre olympique ? « Ça serait la récompense absolue », admet-il.
Mise à jour du 2 mars 2015 : Mohamed Zeroual a remporté le titre de champion de France de boxe anglaise, catégorie cadets -52 kg.
(1) Boxe amateur car pratiquée par des amateurs, c’est-à-dire qui ne sont pas rémunérés pour combattre. Le titre le plus glorieux est le titre olympique.
(2) 47 combats, 47 victoires dont 26 par KO. Le boxeur de 37 ans, sportif le mieux payé de la planète et flambeur invétéré, a annoncé sa retraite pour septembre 2015.