La solidarité populaire a ses brigades
Une distribution alimentaire des Brigades de solidarité populaire, en janvier 2021, sur la place des Géants. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Réponses heureuses à la crise sanitaire et sociale créée par la pandémie de Covid-19, les actes de solidarité se sont multipliés au cours des derniers mois, notamment pour pallier les carences du service public. Les Brigades de solidarité populaire, qui organisent des distributions alimentaires, font partie de ces initiatives.

Tous les vendredis, sur la place des Géants, plusieurs dizaines de personnes viennent récupérer des sacs remplis de fruits et légumes, distribués par une poignée de bénévoles, souvent jeunes. « Pas mal de gens viennent toutes les semaines. Ils galèrent. Le panier, ça aide bien. À chaque fois, on distribue entre 60 et 70 sacs. », raconte Étienne, bénévole au sein des Brigades de solidarité populaire (BSP).

Masque chirurgical blanc orné d’une étoile rouge, le tout sur fond rouge, le logo des Brigades illustre la filiation avec les mouvements militants de gauche. « Les Brigades de solidarité populaire sont un réseau national et international. Elles ont été créées au début de la crise sanitaire, en Italie [premier pays européen touché par la pandémie, ndlr], par des militants révolutionnaires. », explique Étienne. « Le concept s’est vite répandu, notamment en France, grâce au milieu militant, antifasciste, mais pas seulement. Lors du premier confinement, il y a eu jusqu’à 1000 bénévoles en Île-de-France. »

« La brigade de Villeneuve a été créée en mai 2020, par des habitants et des habitantes issu·e·s du milieu militant. Petit à petit, elle s’est étoffée cet été. » Les premières actions, à la fin du premier confinement, ont été des distributions alimentaires à domicile. Depuis le deuxième confinement, les brigades villeneuvoises se sont tournées vers les distributions alimentaires en plein air, une fois par semaine, le vendredi, à 16 heures, sur la place des Géants, à proximité de l’atelier de rue de Mme Ruetabaga.

« On fait de la récup de fruits et légumes au marché de l’Arlequin. Les commerçants nous donnent leurs invendus. Ils sont content de donner, surtout que ce sont des produits périssables, ils ne peuvent pas les garder. » De quoi appuyer le concept de « solidarité populaire » : « Ça vient du quartier et ça reste dans le quartier. »

Pour compléter, les brigades font aussi « de la récup auprès du MIN [Marché d’intérêt national, ndlr], un peu dans les boulangeries. Avec l’argent récolté, on fait des achats en grosse quantité de sucre, riz, semoule. »

Si l’idée du réseau des Brigades est « d’avoir une organisation clé en main, avec le nom, l’esthétique, l’échange des procédés », elles restent des organisations souples, indépendantes les unes des autres. « Certaines brigades font plus des permanences d’accès aux droits sociaux, d’autres plus de l’alimentaire. » Une souplesse qui leur a permis d’essaimer facilement — le site internet des Brigades en recense 55. « Le but, c’est de rester réappropriable. Tout le monde peut le faire, c’est facile de s’intégrer : venir, filer un coup de main. C’est très concret. Mais c’est une activité militante, il faut tenir l’engagement. »

À la différence des actions entreprises par les pouvoirs publics, la solidarité prend un tout autre sens quand elle s’auto-organise et qu’elle repose sur l’entraide. « Tu perçois l’investissement différemment quand c’est ton voisin que tu aides et quand tu réponds aux besoins matériels de ton quartier. » Tout en comblant les carences du système. « C’est sûr, si tu pallies les manques du système, tu permets au système de perdurer. Nous, ça nous pousse à ne pas nous institutionnaliser, à ne pas rester figés. » L’action des Brigades n’en reste pas restreinte face à la misère qui progresse dans le quartier. « On ne cherche pas à se développer. S’il y a assez de forces, pourquoi pas rajouter une distribution à l’Arlequin. »

Pour faire connaître leur action, les Brigades sont présentes un samedi sur deux, au marché, autour d’un stand et d’un thé ou d’un café, « pour créer du lien ». Et pour les aider financièrement, une caisse de solidarité a été lancée sur internet (https://www.leetchi.com/c/soutenir-la-brigade-de-solidarite-populaire-grenoble).