Critique ciné : On connaît la chanson
On connaît la chanson, un film d’Alain Resnais sorti en 1997.

Ciné-Villeneuve propose en projection le film On connaît la chanson. Thèmes abordés, synopsis, avis, Ciné-Villeneuve vous raconte tout sur le film.

Le réalisateur et le film

Alain Resnais (1922-2014) a été successivement ou parallèlement monteur, réalisateur, chef-opérateur, metteur en scène, producteur et même acteur. Il a tout fait … Il obtient sa première caméra Kodak 8mm à douze ans. Il envisage de devenir acteur mais entre, à sa création en 1943, dans la section montage à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), devenu La Fémis entre 1986 et 1988. Il commence à se faire connaître par des courts métrages de styles très différents mais qui restent tous des références : Nuit et Brouillard (premier réalisateur après la guerre à avoir posé sa caméra dans un camp de concentration), Toute la mémoire du monde (sur la Bibliothèque Nationale), Le Chant du styrène (une commande de l’entreprise Péchiney sur les matières plastiques), Les Statues meurent aussi (en collaboration avec le réalisateur français Chris Marker sur l’art africain, interdit par la censure pendant huit ans pour son anticolonialisme).

Puis il y eut Hiroshima mon amour, le choc ! … S’ensuivront 19 autres films qui marqueront leur époque. Comme le dit si bien Jacques Morice (Télérama) dans une critique de On connaît la chanson : « Une énigme, décidément, ce Resnais. Un cas vraiment à part, qui n’a jamais cessé de surprendre, de bifurquer tout au long de sa carrière vers des territoires inexplorés. D’un film de Godard, on peut toujours dire, c’est du Godard. Idem pour Chabrol, ou même Rivette. Resnais, c’est plus compliqué : il a beau cultiver les mêmes obsessions (le temps, la mémoire, l’imaginaire…), fabriquer un univers bien à lui, chacun de ses films est une invention, un drôle d’objet, à la fois ancien et futuriste. Si on le considère à juste titre comme un cinéaste cérébral, il faut aussitôt ajouter que c’est un joueur, un formidable expérimentateur de formes. Son immense talent, c’est de joindre audace et générosité. De faire rimer expérimentation et pur divertissement, modernité et classicisme, avant-garde ludique et spectacle populaire. Vous en connaissez beaucoup qui sont capables d’en donner autant ? »

Le film

Affiche du film On connaît la chanson.

Affiche du film On connaît la chanson.

On connaît la chanson est une comédie musicale mais d’après Alain Resnais, il s’agit plutôt d’un film-vaudeville. On avait proposé à Alain Resnais de réaliser un opéra. Il se rendit rapidement compte qu’un opéra, c’était cinq ans de travail après avoir trouvé le compositeur ! Il pensa alors aux séries télévisées de l’anglais Dennis Potter (1935-1994) qui avait popularisé une certaine forme de comédie musicale où, le temps d’une chanson, les personnages empruntaient, grâce au play-back, la voix d’interprètes célèbres. Mais cette technique s’inspire de la tradition du numéro musical : l’action s’arrête et la musique commence. Une autre technique connue était celle adoptée par Terence Davies, où les mélodies populaires évoquent une période historique précise et commentent l’action sans y être intégrées. On connaît la chanson mêle ces deux options : soudain, la voix de l’acteur, dont les lèvres continuent de mimer une énonciation qui n’est plus la sienne, se trouve remplacée par des bribes de chansons connues de tous et dont l’interprète est le plus souvent facile à reconnaître.

Ciné-Villeneuve vous invitera alors à reprendre la plupart de ces chansons. Vous trouverez les textes dans le document suivant.

La bande-annonce

Une bande-annonce déconcertante, on s’attend à entendre des chansons et bien non, vous verrez et entendrez les acteurs vous parler, à leur manière, du film :

Synopsis

Scénario d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri : suite à un malentendu, Camille (Agnès Jaoui) s’éprend de Marc Duveyrier (Lambert Wilson). Ce dernier, séduisant agent immobilier et patron de Simon (André Dussollier), tente de vendre un appartement à Odile (Sabine Azéma), la sœur de Camille. Odile est décidée à acheter cet appartement malgré la désapprobation muette de Claude, son mari (Pierre Arditi). Celui-ci supporte mal la réapparition après de longues années d’absence de Nicolas (Jean-Pierre Bacri), vieux complice d’Odile qui devient le confident de Simon.

L’avis de Ciné-Villeneuve : pourquoi aller voir ce film ?

Peut-on mieux dire que Yann Tobin dans Positif, la revue de cinéma ? Non , alors citons-le : « Les cinéphiles des années soixante, ceux qui allaient voir Hiroshima mon amour, L’année dernière à Marienbad et Muriel ou le Temps d’un retour pour polémiquer gravement sur la modernité du langage cinématographique, ne s’attendait sans doute pas à ce que, trente-cinq ans plus tard, on puisse sortir d’une salle en disant : « J’ai vu le dernier Resnais, c’est un film épatant ! » Pour la première fois peut-être, le plus surprenant de nos cinéastes semble avoir réalisé un film de pur plaisir. Mais l’enjouement de cette œuvre brillante cache, comme derrière le plaisir ophulsien, une poignante mélancolie. »

Quelques autres avis

Affiche Ciné-Villeneuve On connaît la chanson.

Affiche Ciné-Villeneuve On connaît la chanson.

Jorge Semprún, écrivain et homme politique espagnol, coordinateur des activités clandestines de la résistance au régime de Franco, ministre de la Culture du gouvernement espagnol de 1988 à 1991, a travaillé avec Alain Resnais pour le film La guerre est finie. Il dit d’Alain Resnais : « Je ne sais comment il a travaillé avec Marguerite Duras, Robbe-Grillet, Cayrol… Je pense que chaque film a posé des problèmes particuliers et que chaque film a eu sa méthode de travail particulière. Si effectivement Resnais n’écrit pas un mot, ne pose pas une virgule dans le texte, il faut bien souligner qu’il n’y a pas non plus une seule virgule dans le scénario qui n’ait été posée sans une discussion préalable. On écrit vraiment avec lui dès le premier jour. Après le rythme du travail s’établit peu à peu, mais en gros, tous les deux ou trois jours, on revoyait tout ce qui avait été écrit, on discutait tout ce qui allait être écrit, on reprenait souvent un texte qui semblait donner toute satisfaction, on le jetait à la corbeille parce que Resnais avait buté sur un terme, sur une certaine démagogie dans une expression ou une émotion et de nouveau on rediscutait la scène. »

Jacques Morice, critique, dans un article publié dans Télérama à la sortie du film : « Il y a des films qui font tout de suite parler d’eux, qui donnent spontanément envie aux spectateurs réjouis d’échanger, de commenter leurs émotions, de livrer leurs moments préférés. On connaît la chanson est de ceux-là. Romance d’aujourd’hui, vaudeville mélancolique, comédie romantique : Alain Resnais surfe sans complexe sur tous ces genres en diffusant par intermittence au coeur de l’intrigue des extraits de tubes, chantés en play-back par les acteurs. […] Serge Lama, Julien Clerc, Bashung… l’éventail est très large : pas de distinguo snob entre variétoche et chanson « noble », mais un pot-pourri très démocratique englobant aussi bien Léo Ferré que Sylvie Vartan, Joséphine Baker que le groupe Téléphone. Y en a pour tous les goûts et toutes les générations. »

Couverture du recueil sur Alain Resnais par la revue de cinéma Positif.

Couverture du recueil sur Alain Resnais par la revue de cinéma Positif.

Pour aller plus loin – Un livre

Pour mieux connaître Alain Resnais, lire le numéro spécial de la revue du cinéma Positif, une anthologie établie par Stéphane Goudet de tous les articles écrits dans la revue sur Resnais jusqu’à fin 1997 (N° 442) : « Dès ses courts métrages (Nuit et Brouillard notamment), la revue de cinéma Positif le décrit comme l’un des meilleurs cinéastes français de son temps. Les années 1959 et 1961 sont baptisées «années Alain Resnais », grâce à Hiroshima mon amour et L’Année dernière à Marienbad. Quant à Muriel ou Le Temps d’un retour et La guerre est finie, ils sont salués comme de grandes œuvres politiques. Positif se reconnaît donc non seulement esthétiquement (l’influence surréaliste et le goût de l’artifice aidant), mais politiquement dans les choix du metteur en scène. Ses triomphes récents (Smoking, No Smoking et On connaît la chanson) n’ont en rien altéré l’amour de son cinéma dans ses colonnes. »

 

 

 

 

On connaît la chanson
Comédie musicale (France), 1997
D’Alain Resnais
Avec Agnès Jaoui, André Dussollier, Lambert Wilson
120 min
Vendredi 19 juin, à 20 heures, salle polyvalente des Baladins, 85 galerie des Baladins
Adultes : 3 € / soutien : 10 € / enfants et précaires : 1 €
Adhésion donnant droit à tous les films de la saison 2014-2015