L’école, quelle comédie !
Et alors à l’école ça va ? met en scène des comédiens amateurs qui traitent avec humour des relations parents-école. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Après deux représentations à la maison des habitants Teisseire, la pièce Et alors à l’école, ça va ? a été jouée à celle des Baladins, le vendredi 12 février. Mis en scène par Ali Djilali, le spectacle réunit des comédiens amateurs, tous parents d’élèves de l’école Jean Racine, à Teisseire. Avec humour, ils parlent des problèmes de l’école, du manque de moyens et des relations avec les instits.

Ils sont quatre sur la scène de la maison des habitants des Baladins. Des messieurs et mesdames Tout-le-Monde. Ils ont décidé de présenter leur quotidien de façon originale, par la comédie, à travers leur pièce Et alors à l’école, ça va ?. Les comédiens amateurs, Soraya Guebbadj, Samia Mihoubi, Farid Senina et Édith Ramanou, sont tous parents d’élèves d’enfants scolarisés à l’école Jean Racine, dans le quartier Teisseire. Une école où il n’y a « pas beaucoup de mixité », comme la décrit Ali Djilali, comédien et humoriste, metteur en scène de la pièce.

Ali Djilali, comédien et metteur en scène, a travaillé avec les parents d'élèves pour créer Et alors à l'école, ça va ? (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Ali Djilali, comédien et metteur en scène, a travaillé avec les parents d’élèves pour créer Et alors à l’école, ça va ? (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Le spectacle mêle scènes jouées sur place et passages filmés. En quatre saynètes, il tourne en dérision aussi bien le quotidien des parents, des enfants, des instits, que le système scolaire. Il revient sur le stress des rencontres, pardon, des « convocations », parents-profs. Sur la détresse des instits, quelque peu lâchés par l’Éducation nationale. « J’ai eu mon bac, j’ai eu ma licence et je me retrouve où ? À Jean Racine ! », se lamente une fausse instit, qui a maintenant la phobie des enfants. « J’avais 28 gamins en cours ! »

ZEP, REP, RER ?

« Jean Racine sort de REP ? » (1), déclame une parente d’élève dans une autre saynète. « Après les ZEP, les REP, pourquoi pas RER ? Réseau d’éducation renouvelable ! » Un père s’exclame : « Mais ça fait quatre ans que je refuse une augmentation ! », pour ne pas élever le revenu médian du quartier, base du calcul pour les REP. Idem pour une mère : « J’ai fait redoubler mes enfants deux fois, parce que c’est un critère REP ! »

Ali Djilali raconte les débuts du spectacle : « Il y avait déjà un atelier théâtre pour les enfants à l’école Jean Racine. Là, le but était de travailler avec les parents. » Pour les convaincre, il leur présente 75 % familles nombreuses, son one-man show. Plusieurs personnes sont intéressées, mais il ne restera que cinq « survivants » pour monter la pièce.

Histoires vécues

Les comédiens d'Et alors à l'école, ça va ? De gauche à droite Samia  Mihoubi, Soraya Guebbadj, Edith Ramanou et Farid Senina. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Les comédiens d’Et alors à l’école, ça va ? De gauche à droite Samia Mihoubi, Soraya Guebbadj, Edith Ramanou et Farid Senina. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

La cinquième comédienne n’a pas pu venir ce soir. « C’est compliqué de s’organiser avec les enfants, le travail… », explique Ali Djilali. Ce qui l’intéresse, « c’est l’humour, tourner les scènes en dérision. On part de leurs discussions et on construit les saynètes. » Samia Mihoubi confirme : « Ce sont des histoires vécues : le portail de l’école ferme à 8 h 45. Je peux vous assurer qu’à 9 h 30, il y a encore des parents devant l’école ! »

Le théâtre, un acte militant ? Ali Djilali s’interroge : « Comment prendre la parole en public ? Ce n’est pas simple, mais le théâtre est un bon outil, il permet de prendre confiance en soi. » De parler de la cour à rénover, de l’injustice de la définition des REP aussi : « Nos enfants en ont besoin, comme tout le monde », plaide un comédien, « mais on nous a répondu : « on prend aux pauvres pour donner aux plus pauvres… » »

Malgré la pièce, l’école Jean Racine n’a toujours pas réintégré le REP. Édith Ramanou témoigne : « On nous renvoie que de la bienveillance, il n’y a pas de dialogue. On [le rectorat, ndlr] nous dit : « Vous n’avez pas le droit de vous plaindre car vous avez des avantages. » » Rire sans se laisser démunir, sans doute l’avantage du théâtre.


(1) REP : réseau d’éducation prioritaire, dispositif de l’Éducation nationale censé lutter contre les inégalités sociales dans l’enseignement et qui permet aux collèges et écoles du réseau de bénéficier de plus de moyens humains et financiers. Chaque réseau est basé sur un collège et les écoles qui en dépendent. Par exemple, à la Villeneuve, le collège Lucie Aubrac et les cinq écoles primaires font partie du même réseau d’éducation prioritaire. L’école Jean Racine, pourtant située dans le quartier Teisseire, dépend du collège des Saules, à Eybens. En 2011, le collège des Saules est sorti du REP, entraînant dans sa suite les écoles qui en dépendent, comme l’école Jean Racine. Les REP sont délimités selon quatre critères principaux : « le taux d’élèves boursiers, le pourcentage d’élèves issus de ZUS, le pourcentage d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées et le pourcentage d’élèves en retard à l’entrée en 6e. » Les REP ont succédé aux ZEP, zones d’éducation prioritaire.