La Maison de l’image dépoussière Vidéogazette
Enregistrement d’une émission de Vidéogazette. (photo : Honoré Parise)

Durant le Mois de la photo, du 1er au 26 novembre 2017, organisé par la Maison de l’image, Vidéogazette est sortie de la Villeneuve et est partie s’exposer en ville, à la Plateforme, place de Verdun. La télévision locale portée par des habitants, produisait et diffusait des reportages et des émissions de débat dans le quartier toutes les semaines, de 1972 à 1976. Denis Requillart, ancien journaliste et membre de Vidéogazette, ainsi que Logan Charlot, gestionnaire d’archives à la Maison de l’image, nous parlent de ce projet.

Le Crieur : Quelles sont les origines de Vidéogazette ?

Denis Requillart : Le projet de Vidéogazette ressemble un peu à tout le reste de la Villeneuve puisqu’il est issu d’une initiative des habitants. L’objectif était de rendre les médias accessibles alors que la France était dans un grand mouvement national de décentralisation et que c’était le début du câblage de sept sites dans le pays dont Grenoble faisait partie. C’est Daniel Populus, un vidéaste qui avait travaillé sur la communication locale, activiste et militant [il faisait partie du Parti socialiste unifié, PSU, ndlr] qui a eu l’idée d’une chaîne de télévision locale.

Qui composait l’équipe de Vidéogazette ?

D. R. : Il y avait plusieurs cercles qui constituaient l’équipe. Le premier était composé des salariés rattachés au CEPASC [Centre d’éducation permanente et d’animation sociale et culturelle, un dispositif qui contribuait au développement culturel et dont l’Espace 600 est en partie l’héritier, ndlr], c’étaient des animateurs, des emplois associatifs… Ils étaient six ou sept, pas plus. Et puis il y avait le cercle plus élargi, de ceux qui étaient membres de l’association Vidéogazette. Ces personnes venaient de tous les milieux. Il y avait ceux qui étaient attirés par l’audiovisuel, ceux qui y voyaient là une façon d’exister ou d’apprendre, tout simplement.

Qu’est-ce que vous diffusiez ?

D. R. : Vidéogazette était un projet pédagogique : les cinq écoles primaires du quartier et le collège réalisaient des programmes pour la chaîne. Quant à l’équipe Vidéogazette, ça allait de la petite production comme les réunions filmées de parents d’élèves à l’école, les micros-trottoirs jusqu’aux débats retransmis en direct.

Logan Charlot : Il y avait également des productions documentaires qui étaient réalisées sur commande, mais aussi des rediffusions des programmes de l’ORTF et des matchs de foot de Coupe du monde.

Quelle était la ligne éditoriale de Vidéogazette ?

D. R. : C’était une sorte d’auberge espagnole, le principe était simple : chaque personne qui détenait une information était invitée à la diffuser la plus largement possible. On était tous âgés de 25 à 40 ans, on était représentatifs d’une génération et les sujets qui nous touchaient étaient ceux dans l’air du temps. À titre d’exemple, nous avions sollicité la mairie de Dubedout pour un débat sur le budget de la ville. Des adjoints au maire et l’opposition menée par Carignon sont venus à l’Espace 600 pour cette émission exceptionnelle. Il y avait un monde fou ! On a suscité quelque chose car c’était un sujet qui préoccupait aussi bien la droite que la gauche.

Vidéogazette permettait de faire le lien entre les habitants, pensez-vous qu’un tel projet puisse voir le jour à nouveau ?

L. C. : En tout cas pas sous la même forme, Internet a tout changé. Villeneuve la série, qui réalise des clips et qui fait de la production audiovisuelle, correspond plus aux attentes du moment en étant présent sur Internet. Bien sûr que techniquement, faire renaître Vidéogazette serait possible mais est-ce que ça susciterait le même engouement qu’à l’époque ?

41 ans après la fin de Vidéogazette, quelle est son actualité ?

L. C. : Aujourd’hui, le but est de numériser les bandes et de les rendre consultables d’abord à la Maison de l’image puis, à terme, sur le site internet videogazette.net. On aimerait aussi documenter le fond de Vidéogazette en redéfinissant le contexte des images, en trouvant les personnes qui apparaissent dessus par exemple. On souhaite créer des projets autour de ces images, que les habitants se les approprient. Et plus tard, lancer un vaste programme pour constituer la mémoire du quartier.

Quelle place pour Vidéogazette durant le Mois de la photo ?

L. C. : Cette année, le Mois de la photo a pour thème les quartiers du monde et récemment, nous avons mis la main sur les photographies d’Honoré Parise. Ce photographe grenoblois a immortalisé l’aventure qu’a été Vidéogazette. On s’est servis de ses photos pour une exposition dans laquelle on retrouvera également des affiches réalisées par Patrick di Meglio, des éléments du studio de l’époque, avec de vieilles caméras, et des extraits de reportages seront à consulter.

 

ndlr : Le projet videogazette.net est coordonné par Gilles Bastin, professeur de sociologie à Sciences Po Grenoble, co-directeur de l’École de journalisme de Grenoble et ancien président du Crieur de la Villeneuve, et Céline Bresson, directrice de la Maison de l’image. La numérisation des archives de Vidéogazette sera assurée par la Bibliothèque nationale de France.