Fermeture annoncée de commerces
Abdelkader Hammou, devant son magasin, Le Palais de la mariée. (photo : Sabrina Boukhatem, Le Crieur de la Villeneuve)

Les travaux de rénovation urbaine vont profondément modifier la place du marché. Les trois commerces de l’aile ouest du 100 galerie de l’Arlequin (boulangerie, boucherie-épicerie et Palais de la mariée) devraient être démolis à l’automne 2017.

Dans le petit magasin de la place du marché, les robes de toutes les couleurs s’accumulent sur les mannequins et sur les étagères. Bienvenue au Palais de la mariée, un des huit commerces de la place du marché. Zakia Hammou tient le magasin depuis 2007 et « elle a les nerfs ».

Le courrier de « libération du local commercial » reçu par Zakia et Abdelkader Hammou. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Le courrier de « libération du local commercial » reçu par Zakia et Abdelkader Hammou. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Elle vient de recevoir un courrier de l’EPFL Territoires 38 (Établissement public foncier local) pour négocier « la libération du local et le processus de fin d’occupation », c’est-à-dire son éviction. D’ici l’automne 2017, son magasin devrait être démoli avec les deux boutiques contiguës, la boulangerie et la boucherie-épicerie.

Dégager la vue

Ces trois commerces situés dans l’aile ouest du 100 de l’Arlequin font partie d’un projet d’aménagement de la crique centrale, dans le cadre du premier volet de la rénovation urbaine sur le quartier de la Villeneuve. Les parkings silos 3 et 4, la salle 150 et les trois magasins seront détruits pour créer un vaste espace piétonnier s’étendant de la galerie de l’Arlequin jusqu’au tram. Un projet qui laisse sceptique Zakia : « Ils veulent casser pour dégager la vue. La vue sur quoi ? Sur la promenade des Anglais ?! »

La boulangerie de la place du marché sera aussi démolie. Joints par Le Crieur, les propriétaires – qui possèdent cinq boulangeries sur l’agglo – sont encore dans l’expectative. « Rien n’a été fait, rien n’a été décidé », expliquent-ils. « Il n’y a eu qu’un seul rendez-vous avec la Métro pour l’instant. Mais on ne sait pas encore combien sera racheté le commerce et s’il sera déplacé. »

« Ça fait cinq ans qu’on nous balade de réunion en réunion. », se plaignent les commerçants. Le projet de l’ancienne municipalité était  d’installer les commerces du marché en bas du nouveau parking silo, à côté de l’arrêt de tram La Bruyère. L’équipe actuelle est revenue sur la décision, choisissant plutôt d’y installer des professionnels de santé. Selon elle, « des études ont montré que les gens ne descendraient pas du tram pour venir faire leurs achats » en bas du parking.

Les commerces sont dans une situation différente : les boulangers sont propriétaires des murs de leur commerce, alors que la boucherie-épicerie et le Palais de la mariée sont locataires de la Métro. Celle-ci devrait racheter les murs de la boulangerie. « Il faut que tu le marques ça : ils vont acheter des locaux des milliers d’euros pour les casser. », s’indigne Zakia.

Relogement

Quelques jours plus tard, nouvelle rencontre, cette fois-ci avec Abdelkader Hammou, le mari de Zakia. Il revient d’un rendez-vous, mardi 18 octobre, avec Territoires 38. Sans proposition de relogement, à lui de trouver un nouveau magasin. « J’ai déjà visité quatre magasins qui appartiennent à la ville dans le secteur Marie Reynoard. Les quatre m’ont été refusés. » Le couple y voit un dédain certain pour leur commerce : « Qu’ils disent la vérité, ils ne veulent pas d’un truc d’arabes ! », s’exclame Zakia.

Abdelkader a trouvé un fonds de commerce à 30 000 €, avec un loyer mensuel de 1600 €. Trop cher pour lui. Et puis le couple ne voudrait pas changer de quartier. « Le jeudi, avec le marché, on a une clientèle assez variée. On a des clients qui viennent de loin, parfois de Voiron. »

Le relogement de la boulangerie aussi s’avère délicat. Les habitants sont attachés à des commerces en bas de chez eux, qui participent à la vie du quartier. Les locaux commerciaux inoccupés sont rares à l’Arlequin. Et s’éloigner de la galerie signifie pâtir de la concurrence des centres commerciaux tous proches. Sans compter que le marché de l’Arlequin aurait besoin d’un agrandissement.

Précisions
Pour un commerce, il faut distinguer le local du fonds de commerce. Le commerçant peut être locataire ou propriétaire du local, comme pour un logement. Le fonds de commerce désigne l’entreprise  au sens large : le matériel, la clientèle, le bail d’occupation du local, l’enseigne du magasin, les brevets.

En cas de démolition d’un magasin – comme pour les commerçants de la place du marché – les pouvoirs publics doivent racheter les locaux et indemniser les commerçants pour leur éviction. En général cette indemnité est calculée sur la base du chiffre d’affaire des trois dernières années.

Le commerçant évincé devient prioritaire si le propriétaire reconstruit de nouveaux locaux commerciaux dans la foulée.

Les décisions tardent, les travaux ont pris du retard. « Ça fait déjà trois ou quatre ans qu’ils devaient détruire les parkings silos… », raillent les propriétaires de la boulangerie. « Il faut qu’on soit sortis en septembre 2017, pour une destruction en octobre. », précise Abdelkader.

Contactés par Le Crieur, la mairie et le service économie de la Métro « ne pouvaient pas répondre dans l’immédiat ».