Que reste-t-il du passé colonial en France ?
Le cycle Pour (se) comprendre de l’Université populaire consacré au passé colonial s’étalera d’octobre 2017 à juin 2018. (photo : affiche de présentation de la soirée, Université populaire de la Villeneuve)

Vendredi 13 octobre, c’est la question qui a rassemblé une soixantaine de personnes à la salle polyvalente des Baladins. Une soirée qui a inauguré le nouveau cycle de l’Université populaire de la Villeneuve sur la mémoire de la colonisation. Huit témoins se sont succédé pour livrer leur histoire, entre récits et tabous.

Il est 18 heures et les équipes de Villeneuve Debout, d’Alter Egaux, de Modus Operandi et de la Régie de quartier s’attèlent aux derniers préparatifs. Les premiers arrivés aident à passer un coup de balai. Des tables sont disposées partout dans la salle et les petites choses à grignoter rappellent que la soirée risque d’être longue. Ce soir, tous les âges sont réunis, des têtes blondes et des plus grisonnantes. Une fois que tout le monde a pris place, Jouda Bardi de la Régie de quartier prend la parole : « Ce soir, on a fait le choix de démarrer par la petite histoire, par des histoires personnelles avant de rentrer dans ce qu’on appelle la grande Histoire. »

« J’ai 20 ans et je ne peux pas parler de la guerre d’Algérie avec ma copine »

Avant de se lancer dans son récit, il faut allumer une bougie. Au fil d’une flamme que les témoins ravivent, les souvenirs s’égrènent et l’auditoire entend parler du Sénégal un peu, du Cameroun, des Antilles, de la Tunisie et de l’Algérie, beaucoup. Le comédien villeneuvois Ali Djilali anime les prises de parole et les mots de ceux qui ne peuvent, ou qui ne veulent, pas être présents.

Parmi les lettres lues, il y a le récit d’une jeune femme d’une vingtaine d’années, née en Algérie, et dont les grands-pères ont fait la guerre :« Je me disais c’est clair, il y a eu les colonisateurs, il y a eu les Algériens qui étaient victimes et voilà. La fin quoi. (…) Et puis j’ai vu Ce que le jour doit à la nuit [réalisé par Alexandre Arcady et inspiré du roman de Yasmina Khadra, ndlr], et ça m’a ouvert une porte que je ne pensais jamais ouvrir. (…) Avec les copines on en parle de la guerre d’Algérie, mais on ne rentre pas dans les détails parce que… moi mon grand-père c’était un moudjahid [combattant pour l’indépendance, ndlr], mais j’ai des copines, leurs grands-pères étaient avec la France, donc ça c’est super compliqué. (…) J’ai une copine, elle ne sait pas qu’on est au courant et on ne dit pas qu’on est au courant, parce que c’est un peu la dénoncer. C’est à ce niveau-là ! »

Au cours de la soirée, les langues ont envie de se délier dans l’assistance, de réagir aux différents témoignages mais le temps n’est pas au débat. Lorsque Jouda Bardi invite le public à échanger en petits groupes, Salem Mokadem tente de prendre la parole. D’après lui, les histoires des Algériens qui ont été colonisés ne sont jamais relayées, et la frustration est grande. Salem est arrivé en France après l’indépendance. Avant de partir, il a passé ses étés à s’échiner le dos dans les champs algériens d’un colon italien. « 17 heures à faucher les blés, payé 100 anciens francs », se remémore-t-il. À sa table, les trois femmes assises à ses côtés l’écoutent, « bien sûr que vivre sans rancœur, dans le pardon c’est mieux, mais quand il n’y a pas de reconnaissance comment apaiser les esprits ? », s’interroge l’une d’entre elles.

Passer par le ressenti est l’objectif de cette première séance du cycle sur le passé colonial de la France proposé par l’Université populaire, puis viendront les conférences pour une approche historique des faits.

À 21 heures, la soirée touche à sa fin, mais les occasions de débattre sur le sujet vont être nombreuses en novembre.

Retrouvez le programme en détail sur le site du Crieur.