François Pitiot « dinosaure » de notre quartier est décédé. Présent en effet dès la naissance de Villeneuve et militant actif du collège expérimental, il n’a jamais cessé de s’activer pour que l’éducation reste ouverte aux réalités des quartiers. Redevenu simple habitant, il impose sa présence citoyenne pour dénoncer les aberrations des politiques. Entre autres il dénoncera l’urbanisme sécuritaire de l’ANRU et ses démolitions inutiles mais surtout il s’engagera résolument aux côtés des associations de proximité.

Alors que nous étions, tous deux, habitants et professionnels du quartier à son origine, j’ai partagé des moments militants avec François plutôt récemment. En tant que militant Villeneuve Debout / Ateliers populaires d’urbanisme et en tant que vieux pédago, je parlerai surtout d’éducation, mais je tiens aussi à dire, en préalable, que, comme beaucoup, j’ai été subjugué par la capacité qu’il avait à dénoncer les aberrations des choix des politiciens. Il est reconnu à ce titre par l’un d’eux comme un « Observateur indigné de la politique locale ». Il a notamment vilipendé les tenants d’un urbanisme sécuritaire, élus et technocrates (ANRU) qui, au prétexte d’ouverture du quartier, ont dilapidé l’argent public dans des opérations délirantes de démolition… vaines tentatives de lutte contre la délinquance. Il aurait voulu, lui, comme beaucoup d’habitants, pour accompagner la rénovation de l’habitat, que soit privilégié un investissement socio éducatif et économique pour l’accompagnement des jeunes en difficulté de notre quartier. Si nous avons perdu une bataille (le 50), il a contribué avec le collectif Vivre à Villeneuve puis avec la création des APU à ce que nous gagnions la guerre (enfin presque !) puisque les orientations de l’Anru2 permettent enfin de privilégier la coconstruction et reconnaissent l’importance de l’éducation pour la réussite de la rénovation urbaine. Sa fougue va nous manquer pour ces combats.

En ce qui concerne l’éducation, en tant que professionnels volontaires du même secteur expérimental (écoles/collège), nos routes sont forcément proches. Elles se sont soudées quand il a fallu tenter de contrer la puissante volonté de normalisation de l’institution Educ Nat. Signataires du Manifeste pour une école créatrice d’humanité, adhérent de DECLIC38, François a aidé les écoles de Villeneuve à résister aux injonctions de l’institution. Il était un partisan convaincu d’une éducation ouverte aux réalités des quartiers et de la nécessité d’une éducation à la citoyenneté, « au vivre ensemble ». Le travail fantastique des années fastes de Villeneuve d’exploration des transformations du système éducatif a permis, fort heureusement, d’autres avancées dans des établissements novateurs en France. Mais les réalités du fonctionnement devenu classique des écoles du quartier en ZEP les tiennent à l’écart de « l’utopie raisonnable » de la naissance de Villeneuve.

Et pourtant les enjeux sociétaux et environnementaux demandent plus que jamais une autre approche éducative.. François était certain que nous n’avions pas vécu, à cet égard, une période révolue. Persuadés que les jeunes sont, plus sensibles que l’on pense, aux inquiétudes du monde contemporain (chômage, réchauffement climatique, pollution, terrorisme, etc…), François disait comme moi qu’il s’agirait plutôt d’intéresser les enfants du quartier, avant tout, aux recherches de solutions concernant leur environnement, leur vie sociale et culturelle. Reprenant la déclaration de l’atelier Éducation de la dernière assemblée des APU, il proposait que des projets portant sur ces objectifs soient l’occasion de donner du sens aux apprentissages, d’apprendre à coopérer, d’aborder la pensée complexe… et de redonner de l’attractivité aux établissements scolaires de ce quartier.

avec les mouvements d’éducation populaire, les centres de loisirs, de multiples intervenants potentiels, (des jardiniers aux écrivains en passant par les parents et leurs multiples compétences)

en appui sur les opérations de rénovation urbaine où la coconstruction devrait enfin prévaloir et où la valorisation des premières actions des enfants deviendrait effective

avec l’apport d’une municipalité qui initie un ou des Projets éducatifs de territoire marquant cette volonté d’agir pour ce monde meilleur décrit dans l’édito de notre maire pour le plan d’investissement de la commune sur l’éducation.

Voilà personnellement, je ne pourrai que poursuivre ce « préchi précha » que François trouvait vain. Il aimerait plutôt que des enseignants, des animateurs, des parents, des habitants se mettent au travail ensemble.. Qu’on se le dise !

Ndlr : Le 5 juin 2015, par mail, Jacques Pitiot apportait son soutien à l’aventure du Crieur : « je vous apporte mon soutien pour votre travail d’élaboration du crieur ! Même si je ne partage pas toujours les points de vue exprimés, je ne peux qu’apporter soutien à une telle initiative qui a le mérite de faire bouger les choses ! » Le 15 octobre dernier, il renouvelait ce soutien, cette fois-ci sur Facebook : « encore tout mon soutien pour cette volonté d’informer et de réveiller les habitants ! »