La mobilisation paye
Devant le tribunal administratif de Lyon, lundi 14 décembre 2015. (photo : BB)

Après une courte mobilisation, une trentaine de personnes ont fait le déplacement de Grenoble à Lyon pour soutenir Karim, sans papiers arrêté mardi 8 décembre. Très impliqué dans la vie du quartier, il risquait d’être expulsé vers l’Algérie. Finalement, il a été libéré du centre de rétention, lundi 14 décembre.

10 heures, devant le palais de justice de Lyon, une trentaine de personnes sont rassemblées en soutien à Karim Ben Ratmia et Darko, sans papiers arrêtés tous les deux mardi 8 décembre à Grenoble. La plupart viennent de Grenoble et sont des amis de Karim, bien connu des habitants de la Villeneuve pour son implication dans diverses associations, notamment le Barathym, café associatif situé au Patio.

La salle d’audience de la juge de la liberté et de la détention (JLD) est trop petite pour accueillir tout le monde. La JLD doit statuer sur le maintien en rétention de Karim, arrivé mercredi au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon Saint-Exupéry. La juge ordonne finalement la fin de la rétention, sans assignation à résidence.

À l’annonce du jugement, soulagement dans la salle. La juge estime que le contrôle d’identité n’était pas justifié et que le dossier n’a pas été communiqué dans les temps à Me Elsa Ghanassia, l’avocate de Karim. Darko bénéficie du même jugement.

Il est 13 h 36, la préfecture a six heures pour faire appel de la décision de la juge des libertés. En l’absence d’appel, Karim sera sorti du CRA le soir même.

Tribunal administratif

Dans l’après-midi, déplacement d’une centaine de mètres, au tribunal administratif de Lyon. Cette fois-ci, le juge doit statuer sur la légalité du placement en centre de rétention et sur l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) réclamée par l’avocate de Karim.

L’audience débute vers 16 heures. Là aussi, la salle est trop petite. Les sans papiers bénéficient rarement d’autant de soutien. La personnalité de Karim et son parcours sont étudiés. Son arrivée en France avec un visa Schengen en 2007, ses différents lieux de résidence au cours des huit dernières années, ses liens familiaux. Jusqu’à sa demande de titre de séjour, refusée en avril 2015 et assortie d’une OQTF.

La procédure

Légalisés par le pouvoir socialiste en 1981, les centres de rétention administrative (CRA) ont vu passer près de 50 000 personnes retenues en 2014. C’est le préfet qui décide du placement en centre de rétention. Dans les cinq jours suivant, la personne retenue doit obligatoirement voir un juge des libertés et de la détention (JLD) qui doit statuer sur la prolongation de la rétention de 20 jours. Le JLD peut aussi convertir cette rétention en assignation à résidence (la personne étrangère doit pointer au commissariat une ou plusieurs fois par jour) ou ordonner la fin de la rétention de la personne étrangère.

En parallèle, la personne retenue peut poser un recours contre son placement en CRA auprès du tribunal administratif (TA). Le juge du TA peut valider le placement en rétention ou l’annuler. Il peut aussi être amené à juger les mesures d’éloignement prises à l’encontre de la personne retenue (obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour).

Le juge du tribunal administratif. (dessin : Armand Foutelet)

Le juge du tribunal administratif. (dessin : Armand Foutelet)

Pour la défense de Karim, son avocate affiche ses soutiens : sa participation dans de nombreuses associations de la Villeneuve (notamment son rôle d’administrateur du Barathym), une pétition ayant réuni 500 signatures, sur papier et sur Internet, en cinq jours, une lettre de soutien de Michel Destot, député de l’Isère et ancien maire de Grenoble, qui appelle à « étudier avec bienveillance le dossier de Karim ». Plusieurs membres de la salle confirment les déclarations de Karim et son implication dans la vie du quartier.

17 h 45, le juge lève l’audience pour délibérer. Il n’y a toujours pas d’appel pour la décision de la JLD du matin.

18 heures, le juge revient : la rétention est annulée, ainsi que l’OQTF. Victoire sur toute la ligne, Karim rentre à Grenoble.

Prochaine étape, l’étude de la demande de titre de séjour de Karim, sans doute en janvier. L’annulation de l’OQTF augure une réponse positive.

Le comité de soutien à Karim écrit ainsi, dans un communiqué : « Dans cette victoire, la rapidité et l’importance de la mobilisation ont été déterminantes : les effets conjoints de la pétition (signée par environ 500 personnes en 5 jours si l’on additionne version en ligne et version papier) et de la mobilisation hier au tribunal auront largement pesé dans la décision des deux juges. »