Est-ce ainsi que les associations meurent ?
Lors de l’assemblée générale de l’association Sasfé, le 22 octobre 2015. (photo : BB)

Après l’annulation du festival Quartiers libres en juin 2015, l’association Sasfé, qui porte aussi le projet musical In Situ, se retrouve au bord du précipice. Lors de sa dernière assemblée générale, la dissolution a été longuement évoquée, sans avoir encore été votée.

Ces derniers mois, l’association Sasfé c’était un peu comme la crise de la dette publique en Grèce, avec ses relations compliquées avec ses financeurs, ses réunions de la dernière chance qui se succèdent et ses rebondissements médiatiques. Sauf que cette fois-ci, l’assemblée générale de l’association du jeudi 22 octobre semblait bien marquer le début de la fin de l’association.

Les trois heures de réunion ont abouti à la reconduction, par défaut, du conseil d’administration de l’association – dont la plupart des membres souhaitaient démissionner – le temps d’organiser une assemblée générale extraordinaire. Assemblée qui devra choisir entre la dissolution de l’association ou sa reprise, bien hypothétique, par une nouvelle équipe.

Soutiens de dernière minute

La dissolution de l'association Sasfé a été évoquée lors de l'assemblée générale. (photo : BB)

La dissolution de l’association Sasfé a été évoquée lors de l’assemblée générale. (photo : BB)

La situation financière de l’association est critique : endettement, emprunt à rembourser et baisse des subventions (1). Des difficultés qui ont conduit à l’annulation de l’édition 2015 du festival Quartiers libres. Les membres de l’association, « tous un peu épuisés » d’aller courir derrière les financeurs, ont l’impression de se battre contre des moulins à vent.

Une des plus anciennes associations de la Villeneuve (Sasfé a été créée en 1998) risque donc de disparaître malgré les soutiens de dernière minute des pouvoirs publics. Yannick Lardet, président de l’association depuis sa reprise en 2013, raconte le « dernier baroud d’honneur pour sauver l’association, mené pendant les 15 derniers jours, au cours desquels l’équipe a enchaîné les réunions d’urgence avec les financeurs. » La mobilisation a porté ses fruits puisque le ministère de la Culture (2), la Métro et la ville de Grenoble débloqueraient 5 000 euros chacun (4 500 euros pour la Métro) pour que l’association puisse boucler son budget 2015 et permettre de réfléchir à 2016.

Mais il aura fallu attendre le dernier moment pour voir cette aide accordée : « Il y a un double discours de la mairie », interpelle un membre du CA, « on essaye de rencontrer Corinne Bernard, l’élue à la Culture, depuis mars. On la rencontre finalement il y a deux semaines. Elle nous dit : pas de soutien exceptionnel pour 2015 ; pas d’engagement de soutien pour 2016. Et hier [mercredi 21 octobre, ndlr], on apprend finalement que la mairie nous accorde 5 000 euros… »

Un modèle économique non viable

Sasfé sauvée pour 2015 ? Pas tout à fait puisque l’association pourrait se retrouver en cessation de paiement dès la fin du mois d’octobre si les subventions exceptionnelles promises ne sont pas versées à temps.

Plus que 2015, c’est l’année 2016 qui inquiète les membres de l’association. Le décalage entre l’engagement des dépenses et le versement des subventions nécessite un fonds de trésorerie élevé. Surtout pour une association comme Sasfé qui, au nom de l’accès pour tous à la culture, programme uniquement des événements gratuits. Ses membres réclamaient à leurs financeurs de savoir quel(s) projet(s) ils étaient prêts à soutenir financièrement. Le Conseil départemental et la Métro ont d’ores et déjà promis de financer le projet In Situ. Mais les élections régionales prochaines ne garantissent pas que la région mettra la main à la poche en 2016. La ville de Grenoble, de son côté, n’a pas pris d’engagement pour l’année prochaine, se contentant de réclamer le dépôt d’une demande de subvention. Une situation résumée par un habitant : « En gros la ville vous dit : « On vous soutient si vous continuez… » Ça se mord la queue ! »

Fin du spectacle d'In Situ. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Fin du spectacle d’In Situ. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

En toute fin de réunion, le président de Sasfé tient à faire passer un message en forme de mise en garde : « Je voudrais dire à toutes les personnes attachées à la vie artistique : la crise des associations culturelles comme Sasfé montre que la relation entre les financeurs et les associations n’est plus viable dans ce contexte de baisse des dotations à la culture. Il faut prendre l’initiative soi-même, à la base, ensemble, notamment dans le quartier de la Villeneuve. »

Réussite

Si les membres de l’association accusent le coup, ils peuvent se targuer de beaux succès en deux ans. « Le festival Quartiers libres 2014 a été reconnu comme une réussite. Pareil pour In Situ [le concert de restitution, au début du mois, a réuni environ 300 personnes, ndlr]. », dit Yannick Lardet. « On a montré le quartier qu’on aime de manière différente, peut-être de façon plus décontractée, moins politisée. »

Entre l’absence de repreneurs lors de la dernière assemblée générale et des aléas pour 2016 qui empêchent toute construction d’un projet culturel, la disparition de Sasfé apparaît comme inéluctable. À tout moment l’association peut déposer le bilan. Il faudra alors convoquer une assemblée générale extraordinaire pour décider de son sort.


(1) Voir l’article du Crieur consacré à l’annulation de l’édition 2015 du festival Quartiers libres. Un cambriolage lors de l’édition 2014 a mis les comptes de l’association dans le rouge. Elle a été obligée de contracter un emprunt auprès de la MCAE et du Crédit coopératif pour boucler son exercice 2014.
(2) La subvention du ministère de la Culture est en fait une réponse positive à un dossier de financement en attente depuis six mois.