Débuts difficiles pour la table de quartier
Le tirage au sort des volontaires pour la table de quartier, le 13 novembre 2015. (photo : BB)

Créée en novembre 2015, la table de quartier Villeneuve – Village Olympique représente les habitants dans les décisions politiques. Entre difficultés de mise en place et manque de motivation de certains, elle commence tout juste à travailler.

En novembre 2015, la table de quartier Villeneuve – Village Olympique était lancée. Cette assemblée d’habitants et d’acteurs locaux (voir l’encadré Précisions) est censée représenter les habitants de ces deux quartiers dans les décisions qui les concernent. Pourtant, un an après sa création, peu de gens en ont entendu parler. Les tables de quartier seraient-elles un nouveau machin ?

Yann Baudet est kiné à Constantine et membre de la table de quartier. Elle commence tout juste à travailler sur les problèmes des habitants du quartier en lançant un questionnaire : « Si vous rencontriez un génie et qu’il vous accordait trois souhaits pour le quartier, quels seraient-ils ? ».

Contrat de ville

Pour l’instant, les membres n’ont pas le temps de faire du porte-à-porte. « J’en parle avec mes patients et il y aura bientôt une page Facebook », explique le kiné. Les premières réponses « débordent de pertinence » selon lui. « Quand les solutions sont simples à trouver, on met directement la personne en relation avec ce qu’elle cherche, quand les problèmes sont plus complexes, on réfléchit, on écoute les habitants, on recueille les bonnes idées. On n’est pas des politiciens, on n’a rien à vendre. »

La table de quartier a déjà comme lourde tâche de donner un avis sur les dossiers de subventions du contrat de ville, principales sources de financement des associations des quartiers populaires. « L’année dernière, on a étudié les dossiers de 120 associations, dans le cadre du contrat de ville. On fait des remarques aux associations, on n’est pas là pour couper les subventions. », explique Yann Baudet.

Les avis de la table de quartier sont consultatifs, libre ou non aux financeurs (la ville, la CAF, les bailleurs sociaux) de les suivre. Pour Yann Baudet, « A priori, notre avis est suivi. » Mais « il y a un risque de clientélisme. C’est pour ça que nous sommes plusieurs, pour multiplier les avis, et qu’il n’y a pas de chef. Il faut de la transparence. »

La création de la table a été bien longue. Les membres de la table de quartier ont été noyés dans des discussions administratives. Ainsi, la présence ou non d’une habitante salariée du CCAS, donc de la ville, finalement écartée par la préfecture, a entraîné de longs débats. Comme le lien avec l’association de gestion des conseils citoyens indépendants de Grenoble, qui reçoit les subventions de fonctionnement. « On a déjà perdu un an avec la mise en place », confie Yann Baudet.

Précisions
La loi Lamy de février 2014 impose la mise en place de conseils citoyens  dans les quartiers « prioritaires », dont Villeneuve – Village Olympique. À Grenoble, ces assemblées d’habitants sont appelées tables de quartier, le terme conseils citoyens ayant été réservé aux assemblées inter-quartiers créées par la mairie. En théorie, la table de quartier est composée de 18 membres : cinq habitants volontaires, cinq habitants tirés au sort, huit acteurs locaux (commerçants, associations, artisans), en respectant la parité hommes-femmes.

Au détriment de la motivation des membres : « On a perdu du monde avec les questions de représentations, d’administration, de mise en place… ». En juillet, trois membres (sur 18) étaient officiellement démissionnaires et neuf n’étaient jamais venus aux réunions. La mairie a été forcée de relancer un processus de recrutement des habitants, à l’automne, pour renforcer les effectifs.

Indépendance

L’indépendance de fonctionnement de la table de quartier vis-à-vis de la mairie n’est toujours pas acquise. « Pour l’instant, on est complètement dépendant d’eux, ne serait-ce que pour organiser une réunion. », dit Yann Baudet. Ce que confirme Paul Barnouin, président de l’Union de quartier Baladins-Géants et membre de la table de quartier : « Avant, c’était le directeur de territoire qui lançait les réunions, maintenant c’est un agent de développement local. »

La table de quartier Villeneuve-Village Olympique est loin d’être la seule dans cette situation. En juin, l’Institut de la concertation et Pas sans nous, à l’origine des conseils citoyens, ont organisé une journée nationale de bilan.  « La plupart du temps, ce sont des coquilles vides, ils n’ont aucune indépendance, ils n’ont pas les outils pour travailler », explique Nicky Tremblay, membre de Pas sans nous,  « certains conseils sont présidés par des élus ! »

« On n’est pas dupe, il y a un rétro-contrôle sur le politique. », confie Yann Baudet. « Ce qu’il faut – et il y en a – c’est de l’intelligence du côté de la table de quartier et de la mairie : ils écoutent les préoccupations des citoyens, nous on écoute leurs contraintes budgétaires. »

Censés rénover la démocratie locale, les conseils citoyens et leur pendant local, les tables de quartier, peinent pour l’instant à donner de la voix. « La préfecture nous donne des sous pour organiser des réunions, mais c’est dur de déplacer les gens ! Tu ne sens pas la motivation. C’est comme dans les conseils consultatifs [« ancêtres » des conseils citoyens, ndlr] : aux premiers, les gens viennent parce qu’il y a des petits gâteaux, mais après il n’y a plus personne. », témoigne Paul Barnouin.

Un avis partagé par Nicky Tremblay : « On ne décide pas du jour au lendemain de faire de la co-construction. » Pas sans nous milite plutôt pour la mise en place de tables de quartier autogérées par les habitants, dotées de moyens suffisants. Yann Baudet a conscience que la mise en place est un processus long : « Je ne joue pas le rapport de force, il faut être dans la construction, plus on aura de soutien derrière nous, mieux se sera. »

 

Par souci de transparence, Le Crieur de la Villeneuve, association éditrice du journal, précise qu’elle va déposer un dossier de subvention contrat de ville pour l’année 2016-2017 pour un atelier média au collège Lucie Aubrac.

Erratum du 30 janvier 2017 : La version initiale de l’article précisait : « On n’est pas dupe, il y a un rétro-contrôle du politique. », confie Yann Baudet. « Ce qu’il faut – et il y en a – c’est de l’intelligence du côté de la table de quartier et de la mairie : ils écoutent les préoccupations des citoyens, nous on écoute leurs contraintes budgétaires. » en lieu et place de : « On n’est pas dupe, il y a un rétro-contrôle sur le politique. », confie Yann Baudet. « Ce qu’il faut – et il y en a – c’est de l’intelligence du côté de la table de quartier et de la mairie : ils écoutent les préoccupations des citoyens, nous on écoute leurs contraintes budgétaires. »