Au 40, une rénovation difficile à vivre
Lors de l’inauguration du 40 et 50 galerie de l’Arlequin, le 8 décembre 2016. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Jeudi 8 décembre étaient inaugurés les 40 et 50 galerie de l’Arlequin, fraîchement rénovés. Au milieu des discours officiels, des habitants ont pris la parole pour témoigner de leur vécu au quotidien.

Dans le petit appartement témoin du 40 galerie de l’Arlequin, les cinq femmes sont assises autour de la table. Toutes sont membres de l’association des habitants du 30-40 [galerie de l’Arlequin], affiliée à la Confédération syndicale des familles (CSF). Et remontées contre les conditions de rénovation du 40 par le bailleur SDH.

Petit retour en arrière : jeudi 8 décembre, le gratin dauphinois est réuni sur la nouvelle esplanade, dans un froid glacial pour l’inauguration des 40 (SDH) et 50 galerie de l’Arlequin (Actis). Les deux bailleurs sociaux ont mis la main à la poche : nouvelles façades plus isolantes, rénovation de logements, création de halls (les deux montées 40 et 50 deviennent le 40, 42,50 et 52), édification d’escaliers et d’ascenseurs, création d’une esplanade vers le parc.

Si l’inauguration a bien eu lieu, les sous-traitants d’Eiffage s’activent encore sur le chantier. Une habitante raconte que les ouvriers ont passé la machine nettoyeuse à 6 heures du matin pour que les couloirs soient bien propres avant la visite des huiles. Les dernières semaines, à cause du retard, les ouvriers ont travaillé « 7 jours sur 7, jours fériés compris ». D’ailleurs, la rénovation est loin d’être finie. Côté rue, les nouvelles façades sont bien installées. Côté parc, tout un pan attend encore son nouveau revêtement. « Normalement, la livraison était prévue pour juin 2016. Là, la fin des travaux de façade est prévue pour février, avec encore des travaux après. Donc la fin, ce sera sans doute en juin 2017… », raconte Christine Autheman, une des habitantes présentes.

« Inégalités de traitement »

Les habitantes du 30-40. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Les habitantes du 30-40, remontées contre les conditions de rénovation du 40. (photo : BB, Le Crieur de la Villeneuve)

Les changements de façade – la nouvelle isolation réduit les charges élevées de chauffage – et la rénovation des parties communes ont été bien accueillis par les habitants. Seule une quarantaine d’entre eux (sur les 153 appartements) a continué d’habiter au 40 pendant toute la durée des travaux. Ils sont restés par attachement au quartier. « Je ne veux pas partir, je suis bien là », explique France Pierrot. Christine Autheman acquiesce : « on a beaucoup d’avantages, le parc, la vue, le tram, on a tout ! »

Lors de l’inauguration, des habitants ont dénoncé les conditions de la rénovation : « le bruit tout le temps, des travaux partout, sans cohérence, des finitions qui n’en finissent pas, des coupures d’eau, d’électricité, de chauffage… » Cohabiter avec ces travaux est « difficile voire insupportable à vivre au quotidien ». Ils réclament ainsi à la SDH un « dédommagement financier à la hauteur des nuisances qu’ils ont subies pendant près de trois ans ».

Ils contestent aussi « l’inégalité de traitement pour la rénovation intérieure des logements ». N’étaient prévus dans la réhabilitation que le chauffage et la mise aux normes électriques. Certains appartements vides ont été refaits à neuf pour « attirer les clients », mais pour les appartements occupés, c’est selon le bon vouloir de la SDH. « Tu restes dans ton appartement, tu subis les travaux, mais tu n’as pas de rénovation complète… », proteste France Pierrot.

Pire, les habitants doivent faire face à une augmentation des loyers. La SDH souhaitait les rehausser de 10 %. « Les habitants ont crié à l’injustice : pourquoi la même augmentation pour tous alors que certains appartements ont été à peine refaits ? », s’interroge Ariane Béranger. Une délégation a été reçue par la SDH pour remettre les pétitions signées demandant un dédommagement d’au moins 1000 € par locataire. Ils ont d’ores et déjà obtenu que leurs loyers n’augmenteront que de 7 % (contre 12 % pour les nouveaux locataires) et une remise financière sur les charges communes. Reste à obtenir le dédommagement demandé…

 « Plan de commercialisation »

L’ambitieuse restructuration du 40 s’inscrit dans une volonté d’attirer de nouveaux locataires. Pour les bailleurs sociaux, il faut vendre de la Villeneuve. D’ailleurs la SDH parle de « plan de commercialisation » des nouveaux appartements du 40. La chargée de com’ de la SDH parle de « toucher un public nouveau » par des « actions de commercialisations », notamment du « street marketing », c’est-à-dire la distribution de plaquettes dans la rue. La SDH a aussi été « à la rencontre des étudiants de l’Institut de géographie alpine », situé avenue Marie Reynoard.

« L’objectif plus ou moins avouable, partagé avec les politiques, c’est que 40 % des appartements soient occupés par des ménages avec des revenus du travail supérieur ou égal à un smic et demi. », dixit la chargée de com’. La SDH ne communique pas sur le succès de cette « commercialisation » mais « beaucoup d’appartements restent à louer. »

Certains locataires présents, comme Christine Autheman, ont demandé une mutation au même endroit, dans appartement refait à neuf. « Mon F3 était à 400 euros par mois, les nouveaux sont à 750 euros, ils [la SDH] ne les loueront jamais ! », s’exclame Christine Autheman. Même chose pour Marie Aubertin : habitante du 30, mitoyenne du 40, elle a subi tous les inconvénients de la rénovation, sans que son appartement ne soit rénové. Depuis 2005, elle demande sans succès une mutation.

D’autres remarques sont portées par les habitants. Beaucoup d’entre eux ont par exemple noué de bonnes relations avec les ouvriers et ont été témoins de leurs conditions anormales de travail tant sur le plan de leur sécurité que sur celui du temps de travail, sans parler de ceux logés sur place travaillant hors horaire et le dimanche. Par ailleurs, la question de l’éventuelle réhabilitation du 30 galerie de l’Arlequin, mitoyen, reste ouverte.

Le Crieur aurait voulu avoir des réponses à ces questions, mais la SDH reste muette. Quelques jours plus tard, nouvel appel de la chargée de com’ : « Vos questions sont très pertinentes. On [la SDH] s’est dit que les locataires devaient aussi se poser les mêmes questions. Nous avons donc décidé de créer une foire aux questions [FAQ], notamment à destination des locataires. Laissez-nous le temps de terminer cette FAQ et vous aurez les réponses à vos questions. » Le Crieur attend toujours la publication de la FAQ.