24 secondes… Tranquille !
Dans le sens des aiguilles d’une montre : scène du film ; les acteurs Robert Ferrigno et Mohamed Djelal et le réalisateur Roshd Djigouadi (photo : M-A Marchal, Le Crieur) ; l’actrice Mary Carmen Mena Meranda ; l’acteur Brahim Koutari.

La caméra de Roshd Djigouadi a suivi les péripéties d’Adel, un jeune habitant de la Villeneuve qui essaye de trouver sa rédemption dans le théâtre. Une comédie dramatique réalisée en 2015 et finalisée en juin dernier. Le Crieur a rencontré Roshd, Villeneuvois, ancien journaliste en Algérie et réalisateur du long métrage 24 secondes… Tranquille !

Le Crieur : Pourquoi 24 secondes… Tranquille ! se passe à la Villeneuve ?

Le réalisateur villeneuvois Rosh Djigouadi. (photo : M-A Marchal, Le Crieur)

Le réalisateur villeneuvois Rosh Djigouadi. (photo : M-A Marchal, Le Crieur)

Roshd Djigouadi : Pour des raisons familiales, je me suis installé à Grenoble. J’avais  écrit un scénario depuis longtemps et je l’avais soumis à la FDATIC, l’équivalent du CNC [Centre national du cinéma et de l’image animée] en Algérie au moment où j’habitais là-bas, mais il a été refusé. J’ai gardé l’ossature et j’ai simplement transposé l’histoire pour qu’elle se passe à la Villeneuve. C’est un film dans lequel la cité est un personnage en soi, il ne pouvait pas être tourné ailleurs. Une fois en France, j’ai soumis le scénario au CNC, qui l’a refusé aussi mais je me suis lancé quand même. De toute manière, les fonds je ne les aurais pas eu et il fallait que ce film sorte de mes tiroirs, parce que ce sont de vrais cimetières à projets.

Comment as-tu trouvé tes acteurs ?

En 2012, j’ai participé à une aventure dirigée par la metteuse en scène Chantal Morel. Elle s’est installée à la Villeneuve avec une équipe de création théâtrale pour y monter un spectacle avec des habitants du quartier. C’est ainsi que Pauvre fou !, une pièce inspirée des histoires de Don Quichotte de Cervantès est née. On a aussi travaillé avec Ali Djilali, une figure du théâtre à la Villeneuve [lire à ce sujet l’article du Crieur sur la pièce participative qu’il avait dirigée Et alors à l’école, ça va ?, ndlr]. Dès lors, un petit noyau d’aspirants acteurs s’est créé. Je leur ai parlé de mon projet de long métrage et 90 % d’entre eux étaient partants. Brahim, celui qui a le rôle principal dans 24 secondes… Tranquille ! s’est imposé de lui même, c’était presque une évidence. Il faisait partie de la troupe de Pauvre fou ! Pour le reste des acteurs, on a posé des affiches dans le tram, dans la Villeneuve, mais on n’a pas eu beaucoup de réponses. On a organisé des petits castings : les rares personnes qui ont répondu étaient intéressantes. On a eu de la chance. Ça fonctionnait comme un petit réseau, on a bénéficié du bouche-à-oreille. Ce projet relève de l’associatif, du bénévolat, alors le simple fait que des gens répondent présent, j’étais déjà content, même si pendant le tournage on a eu quelques défections. Tant que le film pouvait exister, j’étais satisfait. Ce sont aussi des rencontres fortuites. Quand j’ai rencontré Mary Carmen, celle qui joue la prostituée dont le héros tombe amoureux, j’ai trouvé qu’elle avait un charisme extraordinaire. C’est grâce à ce genre de ressenti que tu te dis que le projet est le bon et que tu es sur la bonne voie.

Comment réaliser un film sans budget ?

On a touché 800 € grâce au fonds de participation des habitants, un dispositif de l’État et des collectivités qui finance les projets associatifs qui s’inscrivent dans un quartier. Pour le reste, on s’est débrouillés. J’avais ma propre caméra et chacun ramenait quelque chose. Pour les scènes qui se passent dans un camp Roms [sic], on n’a pas loué de caravanes. J’ai juste demandé à la famille qui vivait en face de la MC2 si je pouvais venir tourner chez eux. Quand les gens sentent que tu tiens à ton projet, que tu fais ça avec le cœur, ils t’aident. Idem pour la maison des habitants des Baladins, ils nous ont bien soutenu et grâce à Boris Kolytcheff [à l’époque, agent de développement local à la maison des habitants des Baladins, ndlr] on a obtenu les autorisations de tournage très facilement. Le film devait se faire en deux mois, pas plus. C’était réglé comme sur du papier à musique pour être le plus efficace possible. En revanche, j’ai mis deux ans à monter ce film. Seul, jusqu’à la fin. Ce film est le résultat du destin : après avoir terminé la première version du film, en juin, je me suis fait voler mon disque dur en septembre… On peut dire que c’est le voleur qui a mis le final cut [montage final, ndlr] à 24 secondes… Tranquille !

…et avec une équipe amateure ?

On a eu beaucoup de chance ! Notamment pour les raccords lumière car on a eu à peu près la même météo pendant les deux mois de tournage. Et encore une fois, un petit miracle nous a aidé à avancer : j’étais dans un bus qui me ramenait chez moi et je ne sais pas pourquoi, mais je parlais de ma caméra au chauffeur. Un passager a entendu notre conversation et s’est joint à nous. C’était Vivien Autissier, un professionnel du cinéma. Suite à cette rencontre, il m’a prêté main forte sur le tournage du film. Pour le son, j’ai un ami qui s’y connait bien et qui a supervisé ceux qui souhaitaient s’en occuper. Mais j’avoue qu’on a surtout fait ça à l’oreille, à l’arrache. De toute manière, le parti pris c’était de faire une sorte de docu-fiction, pour ne pas être trop exigeant avec les images ou avec le son.

Comment t’est venue à l’esprit l’histoire d’Adel ?

Je voulais raconter l’histoire conflictuelle d’un père et son fils. Puis les péripéties sont venues au fil de l’actualité. J’ai simplement récolté des faits dans les journaux. L’histoire de la prostituée rom, c’est issu d’un sujet que j’ai regardé sur TF1. D’ailleurs j’y pense, dans mon premier roman, je parle d’un jeune qui essaye de sauver une prostituée. Mais vous savez ce qu’on dit, on écrit toujours le même livre…

 

24 secondes… Tranquille !
2015
70 min
De Roshd Djigaoudi
Avec Brahim Koutari, Mary Carmen Mena Miranda, Kevin Achouri.

La bande-annonce de 24 secondes… Tranquille !